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Mars.

let, puis Vihiers, qui ne peuvent lui résister. C'est ainsi 1793 que commence cette déplorable guerre de la Vendée qui fit répandre tant de sang, et dans laquelle se commirent tant de cruautés de part et d'autre.

Des mouvemens populaires avaient également eu lieu à Paris. Les accaparemens de sucre, de café et de savon, faits sur la probabilité d'une grande hausse, que la guerre maritime rendait inévitable, soulèvent cette partie de la population de Paris toujours prête à se livrer aux excès : des furieux se précipitent sur les magasins et les boutiques des épiciers, et les pillent pour se partager ensuite ces mêmes denrées qu'ils craignaient de payer trop cher. On a dit à cette époque que ce soulèvement fut provoqué par la commune de Paris, formée de tout ce qu'il y avait de plus exalté parmi les jacobins, dans le but de diriger cette insurrection contre les girondins, devenus les modérés de la Convention. En effet, l'exécrable Marat avait, dès la veille, sonné le tocsin sur les marchands, et on ne peut douter des vues que ses amis et lui avaient ce jour-là, en lisant sa provocation. « Quand les lâches mandataires du » peuple, disait Marat, dans son placard incendiaire, >> encouragent au crime par l'impunité, on ne doit pas » trouver étrange que le peuple, poussé au désespoir, » se fasse lui-même justice, Laissons-là les mesures ré>>pressives des lois; il n'est que trop évident qu'elles ont » toujours été et qu'elles seront toujours sans effet. Dans » tous les pays où les droits du peuple ne sont pas un >> vain titre, consigné fastueusement dans une simple » déclaration, le pillage de quelques magasins, à la porte » desquels on pendrait les accapareurs, mettrait fin aux >> malversations. >>

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Tel était le langage que tenait le plus lâche et le plus horrible des hommes; mais ce monstre était parvenu à exercer une grande et funeste influence sur le peuple, dont il flattait journellement les plus basses passions : il s'était donné le titre d'ami du peuple, et était parvenu à se rendre fameux : il y eut en France des Maratistes. Les jacobins étendaient alors leur inflexible domination sur toute la France. Ils étaient parvenus à faire nommer maire de Paris, le suisse Pache, ex-ministre de la guerre. Cette nomination donne la mesure de la situation où Paris se trouvait alors cette ville renfermait plus de quatre-vingt mille citoyens ayant droit de voter; sur ce nombre quinze mille neuf cents seulement prirent part à l'élection du nouveau maire, qui obtint onze mille huit cent quatre-vingts voix. Les sept huitièmes des citoyens actifs ne voulaient donc pas de lui pour maire, puisqu'ils ne votèrent pas, et les jacobins l'emportèrent. La commune fut composée d'hommes dévoués à ce parti.

Chaque jour les ambitieux qui voulaient tout détruire pour arriver ensuite au pouvoir dictatorial, faisaient de nouveaux progrès dans leur affreux système. Robespierre, Danton, Marat, Collot-D'Herbois, Ronsin, Hébert, Chaumette, tous les chefs du club des jacobins, de celui des cordeliers et de la commune de Paris, tous divisés d'intérêts, mais réunis contre ceux qui ne partageaient pas leur exaltation, trompaient la masse de la Convention par la démonstration d'un grand patriotisme, et en obtenaient tous les jours des concessions déplorables.

Déjà le comité de sûreté générale, qui jusqu'alors avait été composé des partisans de la Gironde et des membres de la Convention qui voulaient la liberté sans anarchie,

avait été renouvelé en totalité, et composé d'hommes d'une opinion diamétralement opposée. Mais ce n'était pas assez il fallait anéantir quelques décrets salutaires qui subsistaient encore. De ce nombre était celui qu'avaient fait rendre les Girondins, par lequel il était enjoint au ministre de la justice de poursuivre les auteurs et complices des massacres qui eurent lieu dans les prisons les premiers jours de septembre. Vainement plusieurs membres combattirent cette proposition; vainement Lanjuinais l'attaqua-t-il avec une courageuse indignation : « Je » n'ignore pas, s'écria ce représentant, les provocations >> au meurtre que nous lisons dans le journal d'une cer» taine société ; je n'ignore pas quelle est la latitude de >> cette phrase que l'on y trouve: Nous massacrerons » tous les ennemis publics; et cependant je viens m'é>> lever contre ceux qui demandent une amnistie pour >> le massacre des huit mille citoyens assassinés paisible>>ment par deux cents autres, à l'instigation d'une >> demi-douzaine de chefs principaux; pour un mas»sacre qui avait été mûrement médité, qui était inutile » à la liberté, mais fort utile à l'agrandissement de quel>>ques ambitieux je m'élève contre une pétition dans >>> laquelle on a insulté ce peuple auquel on ne peut repro» cher que trop de faiblesse.

» Mais le cri de la vérité a percé; on sent que ces >> horreurs ne sont l'ouvrage que d'une poignée de ty>>rans qui avaient composé les listes, délivré les man» dats, mis les têtes à prix ;, donné 5 livres, 24 livres, » ou 94 livres pour assassiner telle personne ou telle » autre. Tous ces détails sont tirés des registres des sec» tions et de la municipalité de Paris. Eh bien! si c'est

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l'ouvrage de quelques tyrans obscurs, il faut qu'ils >> tombent comme les tyrans couronnés, etc. »

L'ex-capucin Chabot se chargea d'excuser les égorgeurs. La Montagne et les tribunes, voyant que Lanjuinais allait entraîner beaucoup de membres timides, employèrent leur tactique ordinaire. On y fit un vacarme horrible; on menaça, on lança des imprécations, et les septembriseurs obtinrent, par la force, la suspension des procédures entamées contre leurs affreux exploits.

Cette décision peut être regardée comme une des plus funestes qui aient été arrachées à la majorité de la Convention. L'impunité aplanissait la route du crime à tous les scélérats, et l'on put prédire dès ce jour, que les anarchistes pourraient faire légitimer tous leurs forfaits. Tout ce que l'ambition la plus désordonnée, et l'imagination la plus délirante peuvent concevoir, fut projeté de ce moment, par ces prétendus républicains qui voulaient tout niveler. La loi agraire, le partage égal des richesses, la destruction de toutes les grandes villes, la réduction de la population, la proscription des sciences et des beauxarts, furent rêvés par des hommes qui ne voulaient conserver sur le sol de la France que des chaumières, du pain, du fer et des soldats.

Mais pour parvenir à ce grand œuvre de désorganisation universelle et d'égalité parfaite, il fallait se débarrasser des représentans amis de l'ordre, qui avaient osé s'élever contre le pillage et les assassinats. Les principaux parmi ces députés étaient ceux connus sous la dénomination de girondins; les vertus de plusieurs d'entre eux, leurs grands talens oratoires, le courage

les ren

dont ils avaient donné déjà tant de preuves,
daient redoutables à ceux qui siégeaient à la Montagne,
dans la salle de la Convention, et qui professaient pres-
que tous les principes des jacobins. On projeta donc hau-
tement tant au club des cordeliers qu'à celui des jacobins
et dans les assemblées des sections d'égorger les députés
que, depuis le procès de Louis XVI, on désignait au fer
des assassins. Cette fois les plus furieux des cordeliers et
des jacobins se chargèrent eux-mêmes de ce qu'ils ap-
pelaient l'expédition: ils convinrent qu'ils se rendraient
en force à la Convention et qu'ils y feraient main-basse
sur une centaine de députés, dont les grands meneurs
avaient eu soin de dresser la liste.

Mais comme leur coup pouvait manquer, ils imaginèrent de demander la création d'un tribunal extraordinaire quipût exterminer à leur gré tout ce qui restait d'hommes probes et vertueux à l'assemblée.

Le projet de cette organisation monstrueuse fut présenté le 9 mars à la Convention, et adopté le même jour; mais l'organisation en fut renvoyée à un autre moment.

Ce triomphe était important pour les anarchistes; ils pouvaient être sûrs de voir assassiner juridiquement leurs victimes; mais pressés d'en être débarrassés, ils arrêtèrent, le soir même, d'exterminer le côté droit de la Convention. La proposition fut accueillie par les hurlemens terribles des sicaires armés qui s'étaient rendus à la séance.

Aussitôt douze cents jacobins et cordeliers, ayant à leur tête le trop fameux Fournier dit l'Américain, se mettent en marche; les uns se portent aux barrières pour les fermer; d'autres se rendent chez les ministres,

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