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nonciation à cause de leur minifiere, ou qui l'avoient faite par ordonnance de justice.

L'Empereur Adrien avoit même décidé que celui qui avoit des titres néceffaires à la caufe du fifc, & ne les repréfentoit pas, quoiqu'il pût le faire, étoit coupable de fouftraction de pieces.

Il y a en France une loi admirable; c'eft celle qui veut que le Prince établi pour faire exécuter les loix, propofe un officier dans chaque tribunal, pour pourfuivre en fon nom tous les crimes de forte que la fonction des Délateurs y eft inconnue; & fi ce vengeur public étoit foupçonné d'abufer de fon miniftere, on l'obligeroit de ramener fon dénonciateur. Une bouche de pierre, au contraire, s'ouvre à Venise à tout Délateur qui y jette fes billets. Ce gouvernement a befoin de refforts bien violens.

DÉLIT, f. m. Faute commife au préjudice de quelqu'un. ON comprend en général fous le nom de Délit, toutes fortes de cri

mes graves ou légers.

Les principes généraux en matiere de Délits font que tous Délits font perfonnels, c'est-à-dire que chacun eft tenu de fubir la peine & la réparation dûe pour fon Délit, & que le Délit de l'un ne nuit point aux autres. Cette derniere maxime reçoit néanmoins trois exceptions: la premiere eft que le Délit du défunt nuit à fon héritier pour les amendes, la confifcation, & autres peines pécuniaires qui font à prendre fur fes biens: la feconde exception eft que les peres font tenus civilement des Délits commis par leurs enfans étant en bas âge & fous leur puiffance; les maîtres font pareillement tenus des Délits de leurs efclaves & domeftiques, & du Délit ou dommage caufé par leurs animaux: la troisieme exception eft qu'il y a quelques exemples qu'en puniffant le pere pour certains crimes très-graves, on a étendu l'ignominie jufques fur les enfans, afin d'infpirer plus d'horreur de ces fortes de crimes.

Tous Délits font publics ou privés; ils font réputés de la derniere efpece, à moins que la loi ne déclare le contraire.

Perfonne ne doit profiter de fon Délit, c'eft-à-dire, qu'il n'eft pas permis de rendre par un Délit fa condition meilleure.

Les Délits ne doivent point demeurer impunis; il eft du devoir des juges d'informer des Délits publics, dont la vengeance eft réfervée au miniftere public. La peine doit être proportionnée au Délit; & les particuliers ne peuvent point pourfuivre la peine d'un Délit, mais feulement la réparation civile & pécuniaire.

On dit communément qu'il n'y a point de compenfation en matiere de Délits; ce qui doit s'entendre quant à la peine afflictive qui eft due pour la

vindicte publique, mais non quant aux peines pécuniaires & aux dommages & intérêts qui en peuvent réfulter. Il y a même certains Délits privés qui peuvent fe compenfer; par exemple, la négligence ou le dol commis réciproquement par des affociés, liv. II. f. de compenf. & liv. XXXVI. ff. dolo malo. Il en eft de même des injures & autres Délits légers qui ne méritent point la peine afflictive; on les compense ordinairement en mettant les parties hors de Cour.

Le Délit n'eft point excufé fous prétexte de colere ou de premier mouvement, ni fous prétexte d'exemple ou de coutume; l'erreur même ne peut l'excufer que dans les cas où il n'y a point de Délit fans dol. Il y a certains Délits dont l'action eft annale, tels que les injures. La peine des autres Délits en général fe prefcrivoit autrefois par dix ans fuivant le droit du digefte; mais par le droit du code, auquel notre usage eft à ces égards conforme, il faut préfentement vingt années.

La pourfuite du Délit eft éteinte par la mort naturelle du coupable, quant à la peine, mais non quant aux réparations pécuniaires.

Il y a même certains Délits graves que la mort n'éteint point, tels que le crime de lese-majefté divine & humaine, le duel, l'homicide de soi-même, la rebellion à juftice à force armée.

La vraie mesure de la gravité du Délit eft le dommage qu'il apporte à la fociété. C'eft-là une de ces vérités qui quoique évidentes pour l'efprit le plus médiocre & le moins attentif, par une étrange combinaison de circonftances, ne font connues avec certitude que d'un petit nombre de penfeurs, dans chaque fiecle & dans chaque nation. Les opinions répandues par le defpotifme, & les paffions armées du pouvoir, foit par leur action violente fur la timide crédulité, foit par des impreffions infenfibles, ont étouffé les notions fimples auxquelles les premiers hommes furent conduits par la philofophie naiffante des fociétés. Heureufement la lumiere de notre fiecle nous ramene à ces principes, nous les montre avec plus de certitude d'après un examen rigoureux & des preuves appuyées fur mille expériences, & nous y attache avec plus de fermeté par l'oppofition même qu'ils éprouvent à être reçus.

Quelques moraliftes ont cru que la gravité plus ou moins grande d'un crime, dépend de l'intention de celui qui le commet; mais cette intention elle-même dépend de l'intenfité de l'impreffion actuelle des objets & des difpofitions précédentes de l'ame: deux chofes différentes dans tous les hommes, & qui varient dans le même individu avec la fucceffion rapide des idées, des paffions & des circonftances. Il faudroit donc avoir non-feulement un code particulier pour chaque citoyen, mais une nouvelle loi pénale pour chaque crime. Souvent avec la meilleure intention on fait un grand mal à la fociété; & quelquefois, avec la plus forte volonté de lui nuire, on lui rend des fervices effentiels.

D'autres mefurent la gravité du crime, plus par la dignité de la per

fonne offenfée que par les fuites de l'action pour la fociété. Si cette opinion étoit vraie, la plus légere irrévérence pour l'Etre des êtres, devroit être punie avec plus d'atrocité que l'affaffinat d'un Monarque, puifque la fupériorité de la nature divine compenferoit infiniment la nature de l'offenfe.

Enfin d'autres auteurs ont prétendu que la gravité de l'offense de Dieu, la grandeur du péché devoient entrer dans la mesure de l'intensité du crime. La fauffeté de cette opinion se montrera tout de fuite à celui qui examinera les véritables rapports qui font entre les hommes & les hommes, d'une part; & de l'autre, entre les hommes & Dieu.

Les rapports des hommes entr'eux, font des rapports d'égalité. La feule néceffité a fait naître du choc des paffions & de l'oppofition des intérêts particuliers, l'idée de l'utilité publique, qui eft la base de la juftice humaine. Les hommes n'ont avec Dieu que des rapports de dépendance d'un Etre parfait & créateur qui s'eft réservé à lui feul le droit d'être Législateur & Juge en même-temps, parce que lui feul fans inconvénient, peut être à la fois l'un & l'autre. S'il a établi des peines éternelles contre ceux qui réfiftent à fes volontés, quel fera l'infecte affez hardi pour venir au fecours de la juftice divine, & pour entreprendre d'aider dans fes vengeances, l'Etre infini qui fe fuffit à lui-même, qui ne peut recevoir des objets aucune impreffion de plaifir ou de douleur, & qui feul dans la nature agit fans éprouver de réaction. La grandeur du péché dépend de la malice cachée du cœur que les hommes ne peuvent connoître, à moins que Dieu ne la leur révele. Comment pourroit-elle donc nous fervir de regle à déterminer la punition? Souvent l'homme puniroit quand Dieu pardonne, & pardonneroit quand Dieu punit, & feroit dans l'un & l'autre cas en contradiction avec l'Etre fuprême.

On trouvera au mot PEINE, une analyse raisonnée de l'excellent Traité des Délits & des Peines du Marquis de Beccaria.

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E Prince a-t-il le pouvoir de démembrer l'Etat? Si la loi fondamentale défend au Souverain tout Démembrement, il ne peut le faire fans le fecours de la nation ou de fes repréfentans. Mais fi la loi fe tait, & fi le Prince a reçu l'empire plein & abfolu, il eft alors le dépofitaire des droits de la nation, & l'organe de fa volonté. La nation ne doit abandonner ses membres que dans la néceffité, ou en vue du falut public, & pour se préferver elle-même de fa ruine totale: le Prince ne doit les céder que pour

les mêmes raisons. Mais puifqu'il a reçu l'empire abfolu, c'eft à lui de juger du cas de néceffité, & de ce que demande le falut de l'Etat.

A l'occafion du traité de Madrid, les notables du Royaume de France affemblés à Cognac, après le retour du Roi, conclurent tous d'une voix, que fon autorité ne s'étendoit point jufqu'à démembrer la couronne. Le traité fut déclaré nul, comme étant contraire à la loi fondamentale du Royaume. Et véritablement il étoit fait fans pouvoirs fuffifans; la loi refufant formellement au Roi le pouvoir de démembrer le Royaume : le concours de la nation y étoit néceffaire, & elle pouvoit donner fon confentement par l'organe des Etats-Généraux. Charles V ne devoit point relâcher fon prifonnier, avant que ces mêmes Etats-Généraux euffent approuvé le traité, ou plutôt, ufant de fa victoire avec plus de générofité, il devoit impofer des conditions moins dures, qui euffent été au pouvoir de François I, & dont ce Prince n'eût pu fe dédire fans honte. Mais aujourd'hui que les Etats-Généraux ne s'affemblent plus en France, le Roi demeure le feul organe de l'Etat envers les autres Puiffances: elles font en droit de prendre fa volonté pour celle de la France entiere; & les ceffions que le Roi pourroit leur faire, demeureroient valides, en vertu du confentement tacite, par lequel la nation a remis tout pouvoir entre les mains de fon Roi, pour traiter avec elles. S'il en étoit autrement, on ne pourroit contracter furement avec la couronne de France. Souvent, pour plus de précaution, les Puiffances ont demandé que leurs traités fuffent enregistrés au Parlement de Paris : mais aujourd'hui, cette formalité même ne paroît plus en usage.

CE

DÉ MÉRITE, f. m.

E mot ne fe dit que des actions, & fignifie tout ce qui, dans tel cas individuel, rend mauvaise l'action dont on juge, & blâmable par là même celui qui l'a faite. Le Démérite d'une action eft le réfultat de la connoiffance de toutes les raifons qui devoient empêcher l'Agent de la faire. Ainfi on peut définir le Démérite en difant, que c'eft la qualité que l'on apperçoit dans une action, en confidérant tout ce qui devoit détourner de la faire, & en conféquence de laquelle on juge que fon auteur eft plus ou moins digne de blame. Comme plus ou moins de raifons peuvent fe réunir pour déterminer une perfonne à ne pas faire une action, & que ces raifons peuvent être plus ou moins fortes, le Démérite toujours relatif à ces raifons, peut être auffi plus ou moins grand, ou peut en quelque forte fe mefurer & s'apprécier. Ici il eft effentiel d'obferver que, comme l'on ne se détermine à agir ou à n'agir que d'après des raifons connues ou senties, & que les raifons ignorées, dont on n'a nulle perception, font com

me non exiftantes, & ne peuvent influer fur les déterminations de l'agent, elles ne peuvent point non plus être alléguées contre lui comme fource du Démérite de fes actions, tel que nous l'avons défini, & comme fondement fuffifant pour le blâmer d'avoir agi. Si cependant ces raifons exiftoient quoiqu'ignorées de l'agent, l'action faite contre elles n'en eft pas moins mauvaise en elle-même c'eft ce qui a engagé quelques perfonnes à envisager le Démérite fous deux points de vue; fous l'un, le Démérite eft le mal abfolu, réel & phyfique de l'action, envifagée en elle-même fans aucun rapport à l'agent; fous l'autre, le Démérite eft le vice moral qu'une telle action annonce dans celui qui l'a faite, malgré les raifons qu'il connoiffoit pour ne pas la faire. Mais d'autres perfonnes parlant plus exactement, regardent le Démérite comme étant la qualité de l'action, en conféquence de laquelle cette action peut être imputée à fon auteur, comme fujet de blâme. Or on ne fauroit imputer à un homme comme fujet légitime de le blâmer, une action qu'il a faite, n'ayant connoiffance d'aucune raison qui dût l'en empêcher. Il n'y a donc dans ce fens nul Démérite dans l'action de celui qui n'a connu aucune raifon de ne la pas faire; mais il faut obferver en même temps, que l'ignorance des raifons de ne pas agir, n'ôte la fource du Démérite que quand d'un côté l'agent n'a pas pu foupçonner qu'il y eut de telles raifons, & quand d'un autre côté il n'a pas pu en avoir l'idée. Mais celui qui foupçonne qu'il exifte des raifons qui peuvent exiger qu'il ne faffe pas cette action, & qui cependant ne cherche pas à les connoître, & ne laiffe pas d'agir, ne peut point alléguer fon ignorance pour caufe & s'oppofer à ce qu'on lui impute fon action; elle n'en ôte point au moins en entier le Démérite. S'il eft des cas où elle l'ôte en partie, c'eft d'un côté lorfqu'il lui a été impoffible de foupçonner que ces raifons fuffent auffi fortes qu'elles le font en effet, & lors, d'un autre côté, qu'il eft bien certain, que s'il en avoit connu toute la force, il fe feroit abftenu de cette action. Mais dans ces circonftances même, l'ignorance n'ôte pas tout le Démérite de l'action, puifque le feul foupçon que fon action étoit mauvaife, & qu'il y avoit des raifons de s'en abftenir, devoit fuffire pour l'empêcher de la faire. Au tribunal des hommes qui ne peuvent pas juger des difpofitions intérieures, une telle ignorance n'excufe en aucune façon, & ne diminue point le Démérite, premiérement, parce que ce foupçon vague permettroit de fuppofer les raifons les plus fortes, tout comme les plus foibles, & qu'alors le Démérite de l'action fe mesure fur toute l'étendue des fuppofitions que l'on pouvoit faire; en fecond lieu, parce que l'action faite malgré ces foupçons vagues, prouve que l'agent n'a pas craint de courir tous les risques d'une action qu'il foupçonnoit pouvoir être fuivie des effets les plus facheux, & violer les regles les plus refpe&tables; enfin il eft reconnu de tous les moralistes que dans le doute, non-feulement il faut fufpendre fa détermination, mais encore qu'il eft de devoir de s'inftruire fur la nature & les motifs de nos

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