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fein prémédité les notes de M. Leconte, qui les rejettoit pour la plupart. Que dirons-nous des canons que Gratien rapporte fous le nom du Concile d'Elvire, & fur lefquels les correcteurs Romains ne forment aucun doute, quoique le favant Ferdinand Mendoza, lib. z. de confirm. conc. Eliberit. cap. vj. faffe voir évidemment qu'ils font fuppofés, & que plufieurs d'entr'eux font des canons de divers Conciles confondus en un feul? Qui ignore que dans ces derniers fiecles nous avons eu des éditions corrigées de plufieurs Saints Peres, où l'on rejette comme fauffes beaucoup de choses que Gratien a rapportées fous le nom de ces Peres, & que les correcteurs Romains ont cru leur appartenir. Cela étant ainfi, on ne doit point, d'après la correction Romaine admettre comme pur & conforme aux fources originales, tout ce dont Gratien a fait ufage, ni les changemens & les notes que les correcteurs ont faits. Il faut convenir en même temps que depuis cette correction celle de M. Leconte n'eft point inutile, 1o. parce qu'il a rejetté plufieurs canons dont tout le monde reconnoît aujourd'hui la fauffeté, quoique les correcteurs Romains les aient retenus : 2o. parce qu'il a mis en marge bien des chofes d'après l'original pour suppléer aux fragmens de Gratien, lefquelles ont été omifes par les correcteurs 3. parce que les mêmes correcteurs ont quelquefois suppléé d'après l'original aux canons rapportés par Gratien, fans faire aucune diftinction du fupplément & du texte de Gratien; enforte qu'on ne peut favoir précifément ce que Gratien a dit. Mais lorfque M. Leconte fupplée quelque chose d'après les fources ou d'ailleurs, foit pour éclaircir ou rendre le texte complet, il diftingue le fupplément du refte du texte, par un caractere différent. La liberté néanmoins qu'il prend de fuppléer, quoiqu'avec cette précaution, lui eft reprochée par Antoine Auguftin, parce que, dit-il, la chofe eft dangereufe, les Libraires étant fujets à fe tromper dans ces occafions, & à confondre ce qui eft ajouté avec ce qui eft vraiment du texte. Nous avons vu en quoi confiftent les diverfes corrections du Décret, il nous reste à examiner quelle eft l'autorité de cette collection.

Il n'est pas douteux que le recueil de Gratien n'a reçu de fon auteur aucune autorité publique, puifqu'il étoit un fimple particulier, & que la légiflation eft un des attributs de la fouveraine puiffance. On ne peut croire pareillement que le fceau de cette autorité publique ait été donné au Décret, parce qu'on l'enfeigne dans les écoles; autrement la Pannormie auroit été dans ce cas, puifqu'avant Gratien on l'expliquoit dans plufieurs universités; & c'eft néanmoins ce qui n'a été avancé par qui que ce foit. Plufieurs écrivains ont prétendu que le Décret avoit été approuvé par Eugene III, fous le Pontificat duquel Gratien vivoit mais ils ne fe fondent que fur le feul témoignage de Tritheme, qui en cela paroit très-fufpect; puifque S. Antonin, Archévêque de Florence, dans fa fomme hiftorique; Platina, de vitis Pontificum, & les autres auteurs qui font entrés, fur l'histoire des Papes, dans les plus grands détails, n'en font aucune mention. Auffi

ces,

voyons-nous qu'Antoine Auguftin dans fa préface fur les canons pénitentiaux, n'hésite point à dire que ce qui eft rapporté par Gratien, n'a pas une plus grande autorité qu'il n'en avoit auparavant. C'eft ce que confirme une differtation de la faculté de Théologie de Paris, écrite en 1227, & qu'on trouve à la fin du maître des fentences. Le but de cette differtation eft de prouver que ce que difent S. Thomas, le maître des fenten& Gratien, ne doit pas toujours être regardé comme vrai; qu'ils font fujets à l'erreur; qu'il leur eft arrivé d'y tomber, & on en cite des exemples. S'il étoit permis d'avoir quelque doute fur l'autorité du Décret de Gratien, il ne pourroit naître que de la bulle de Grégoire XIII, dont nous avons parlé ci-deffus; par laquelle il ordonne que toutes les corrections qu'on y a faites foient fcrupuleusement confervées, avec défenfes d'y rien ajouter, changer ou retrancher. Mais fi l'on y fait attention, cette bulle n'accorde réellement aucune autorité publique à la collection, elle défend feulement à tout particulier d'entreprendre de fon autorité privée de retoucher à un ouvrage qui a été revu par autorité publique. Si l'on entendoit autrement les termes de cette bulle, comme ils regardent indiftin&ement tout le Décret de Gratien, il s'enfuivroit que non-feulement ce que Gratien cite fous le nom de canons, d'après les Conciles, les lettres des Papes, les écrits des SS. Peres, & autres monumens, devroit avoir cette autorité, mais encore fes opinions particulieres & fes raifonnemens, ce qui feroit abfurde, & ce que perfonne n'a ofé foutenir. En effet, lorfque Gratien dans la dift. 1. de pænitentia, après avoir difcuté pour & contre s'il eft néceffaire de fe confeffer au Prêtre, ou s'il fuffit de fe confeffer à Dieu, pour obtenir la rémiffion des péchés mortels dans le Sacrement de Pénitence, conclut à la fin du canon 89, après avoir cité de part & d'autre une infinité de paffages, qu'il laiffe au lecteur la faculté de choisir celle de ces deux opinions qu'il croit être la plus convenable, mais que toutes deux ont leurs partifans gens fages & très-religieux dira-t-on que ce jugement de Gratien, qui flotte entre ces deux opinions, a été approuvé par l'Eglife Romaine? Ne dira-t-on pas au contraire avec les correcteurs Romains, qu'on doit être perfuadé fuivant les principes de cette même Eglife, de la néceffité de fe confeffer au Prêtre, ainfi que le prefcrit le Concile de Trente après les autres Conciles? Il réfulte de tout ceci, que le recueil de Gratien n'a aucune autorité publique, pas même parmi les Catholiques, ni par lui-même, ni par aucune approbation expreffe des Sauverains Pontifes; que ce qui y eft rapporté n'a d'autre autorité que celle qu'il a dans l'origine, c'eft-à-dire, que les canons des Conciles généraux ou particuliers, les décrétales des Papes, les écrits des SS. Peres qu'on trouve, ne tirent aucune force de la collection où ils font raffemblés, & ne confervent que le degré d'autorité qu'ils avoient déjà par eux-mêmes; que les raisonnemens inférés par Gratien dans cette collection, n'ont d'autre poids que celui que leur donne la raifon, & qu'on ne doit tirer au

eune conféquence des rubriques ajoutées par les docteurs qui font venus après lui aux différentes fections de cet ouvrage.

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Après avoir rempli les divers objets que nous nous étions propofés pour donner une idée exacte du Décret de Gratien, nous croyons ne pouvoir mieux terminer cet article, pour ceux qui cherchent à s'inftruire dans Gra→ tien de l'ancienne difcipline, qu'en leur indiquant les meilleurs auteurs qu'on puiffe confulter fur cette collection. Nous les réduifons à trois favoir Antoine Auguftin, de emendatione Gratiani, avec les notes de M. Baluze: Van-Efpen, nouvelle édition de Louvain 1753, qui non-feulement a fait fur le Décret de Gratien un commentaire abrégé très-bon mais encore des remarques fort utiles fur les canons des anciens Conciles, tels que les premiers Conciles écuméniques, ceux d'Ancyre, de Néocéfarée, de Gangres, d'Afrique, &c. dont beaucoup de canons font rapportés dans Gratien; Voyez le troifieme volume de Van-Efpen: enfin M. Dartis qui a commenté affez au long tout le Décret, eft le troifieme auteur que nous indiquons, en avertiffant néanmoins qu'il eft inférieur aux deux premiers.

DECR

DÉCRET, Ordonnance, Jugement, Décifion, &c.

ECRET, en jurisprudence eft quelquefois pris pour la loi faite par le Prince quelquefois il fignifie ce qui eft ordonné par le juge, & finguliérement certaines contraintes décernées contre les accufés, ou la vente qui fe fait par juftice des immeubles faifis réellement; enfin ce terme fe prend auffi pour les délibérations de certains corps.

CES

DÉCRETS DES CONCILES.

:

Es Décrets font toutes les décifions des conciles, soit généraux, nationaux, ou provinciaux le concile prononce ordinairement en ces termes, decrevit fanda Synodus; c'eft pourquoi ces décifions font appellées Décrets. On comprend fous ce nom toutes les décifions, tant celles qui regardent le dogme & la foi, que celles qui regardent la difcipline eccléfiaftique : on donne cependant plus volontiers le nom de canon à ce qui concerne le dogme & la foi, & le nom de Décrets aux réglemens qui ne touchent que la difcipline. Les Décrets des conciles, même œcuméniques, qui concernent la difcipline, n'ont point force de loi dans la plupart des Etats de l'Europe, qu'ils n'aient été acceptés par le Souverain & par les Prélats. En les acceptant, le Souverain & les Prélats peuvent y mettre telles modifications qui leur paroiffent néceffaires pour le bien de l'Eglife & la confervation des droits de l'Etat. C'est en conféquence de ce principe, que

le Concile

le concile général de Bâle fit préfenter fes Décrets fur la difcipline au Roi Charles VII & aux Evêques de l'Eglife Gallicane, pour les prier de les recevoir & de les accepter.

DÉCRETS IMPÉRIAUX, en latin Receffus Imperii.

C'EST le résultat des délibérations d'une diete impériale. Voyez DIETE.

A la fin de chaque diete, avant que de la rompre, on en recueille toutes les décifions qu'on met en un cahier, & cette collection s'appelle receffus imperii, parce qu'elle fe fait au moment que la diete va fe féparer. Voyez EMPIRE.

On ne publie ordinairement ces Décrets que quand la diete eft prête à fe féparer, pour éviter les contradictions & les plaintes de ceux qui ne fe trouvent pas contens de ce qui a été réfolu. Heiff. hiftoire de l'Empire. L'article concernant des levées de troupes contre les Turcs, faifoit autrefois la plus grande partie du receffus ; quand il n'en a plus été queftion, difent quelques auteurs, on ne favoit qu'y mettre, ni comment le dreffer.

Les défordres de la Chambre Impériale de Spire furent fi exceffifs, qu'on se vit contraint en 1654 de faire des réglemens pour y remédier, & ces réglemens furent inférés dans le receffus imperii.

DÉCRÉTA LES, f. f. pl.

LES Décrétales font des lettres des fouverains Pontifes, qui répondant aux confulations des Evêques, ou même de fimples particuliers, décident des points de difcipline. On les appelle Décrétales, parce qu'elles font des réfolutions qui ont force de loi dans l'Eglife. Elles étoient fort rares au commencement, & on s'en tenoit à l'autorité des canons des premiers conciles : auffi voyons-nous que les anciens recueils de canons ne renferment aucune de ces Décrétales. Denis le-Petit eft le premier qui en ait inféré quelques-unes dans fa collection; savoir, celles depuis le Pape Sirice jufqu'à Anaftafe II qui mourut en 498: la premiere Décrétale que nous ayons du Pape Sirice eft datée du 11 Février de l'an 385, & eft. adreffée à Hymerius Evêque de Tarragone. Les compilateurs qui ont fuccédé à Denis le-Petit jufqu'à Gratien inclufivement, ont eu pareillement l'attention de joindre aux canons des conciles les décifions des Papes: mais ces dernieres étoient en petit nombre. Dans la fuite des temps, diverfes circonftances empêcherent les Evêques de s'affembler, & les métropolitains d'exercer leur autorité telles furent les guerres qui s'éleverent entre les fucceffeurs de l'Empire de Charlemagne, & les invafions Tome XV.

Oo

fréquentes qu'elles occafionnerent. On s'accoutuma donc infenfiblement à confulter le Pape de toutes parts, même fur les affaires temporelles; on appella très-fouvent à Rome, & on y jugea les conteftations qui naiffoient non-feulement entre les Evêques & les Abbés, mais encore entre les Princes fouverains. Peu jaloux alors de maintenir la dignité de leur couronne, & uniquement occupés du foin de faire valoir par toute forte de voies les prétentions qu'ils avoient les uns contre les autres, ils s'emprefferent de recourir au fouverain Pontife, & eurent la foibleffe de fe foumettre à ce qu'il ordonnoit en pareil cas, comme fi la décifion d'un Pape donnoit en effet un plus grand poids à ces mêmes prétentions. Enfin l'établissement de la plupart des ordres religieux & des univerfités qui fe mirent fous la protection immédiate du faint Siege, contribua beaucoup à étendre les bornes de fa jurifdiction; on ne reconnut plus pour loi générale dans l'Eglife, que ce qui étoit émané du Pape, ou préfidant à un concile, ou affifté de fon clergé, c'eft-à-dire du confiftoire des cardinaux. Les Décrétales des fouverains Pontifes étant ainfi devenues fort fréquentes, elles donnerent lieu à diverfes collections, dont nous allons rendre compte.

La premiere de ces collections parut à la fin du douzieme fiecle : elle a pour auteur Bernard de Circa, Evêque de Faenza, qui l'intitula breviarium extra, pour marquer qu'elle eft compofée de pieces qui ne se trouvent pas dans le décret de Gratien. Ce recueil contient les anciens monumens omis par Gratien; les Décrétales des Papes qui ont occupé le fiege depuis Gratien, & fur-tout celles d'Alexandre III; enfin les décrets du troiTieme concile de Latran, & du troifieme concile de Tours, tenus fous ce Pontife. L'ouvrage eft divifé par livres & par titres, à peu près dans le même ordre que l'ont été depuis les Décrérales de Grégoire IX. On avoit feulement négligé de diftinguer par des chiffres les titres & les chapitres : mais Antoine Auguftin a fuppléé depuis à ce défaut. Environ douze ans après la publication de cette collection, c'est-à-dire au commencement du treizieme fiecle, Jean de Galles, né à Volterra dans le grand duché de Toscane, en fit une autre dans laquelle il raffembla les Décrétales des fouverains Pontifes qui avoient été oubliées dans la premiere, ajouta celles du Pape Céleftin III, & quelques autres beaucoup plus anciennes, que Gratien avoit paffées fous filence. Tancrede, un des anciens interpretes des Décrétales, nous apprend que cette compilation fut faite d'après celles. de l'Abbé Gilbert, & d'Alain Evêque d'Auxerre. L'oubli dans lequel elles tomberent, fut caufe que le recueil de Jean de Galles a confervé le nom de feconde collection : au refte elle eft rangée dans le même ordre que celle de Bernard de Circa, & elles ont encore cela de commun l'une & l'autre, qu'à peine virent-elles le jour, qu'on s'empreffa de les commenter ce qui témoigne affez la grande réputation dont elles jouiffoient auprès des favans, quoiqu'elles ne fuffent émanées que de fimples particuliers, & qu'elles n'euffent jamais été revêtues d'aucune autorité publique,

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