Page images
PDF
EPUB

Bouvet, qui étoit chargé de cette expédition, navigeart vers l'eft entre ces deux parties du monde, trouva pendant une route de 48 degrés, des fignes continuels de terres voifines, & apperçut enfin vers le 52 degré de latitude, un cap où les glaces l'empêcherent de débarquer.

Si l'on ne cherchoit des terres auftrales que dans la vue d'y trouver un port pour la navigation des Indes-Orientales, comme c'étoit l'objet de la compagnie, on pourroit faire voir qu'on n'avoit pas pris les méfures les plus juftes pour cette entreprise; qu'on l'a trop tôt abandonnée; & qu'on pourroit auffi donner quelques confeils pour mieux réuffir: mais comme on ne doit pas borner la Découverte des terres auftrales à l'utilité d'un

tel port, & que je crois même que ce feroit un des moindres objets qui

devroient la faire entreprendre, les terres fituées à l'eft du cap de BonneEfpérance mériteroient beaucoup plus d'être cherchées, que celles qui font entre l'Amérique & l'Afrique.

En effet, on voit par les caps qui ont été apperçus, que les terres auftrales à l'eft de l'Afrique, s'approchent beaucoup plus de l'équateur, & qu'elles s'étendent jufqu'à ces climats où l'on trouve les productions les plus précieuses de la nature.

11 feroit difficile de faire des conjectures un peu fondées fur les productions & fur les habitans de ces terres : mais il y a une remarque à faire bien capable de piquer la curiofité, qui pourroit faire foupçonner qu'on y trouveroit des chofes fort différentes de celles qu'on trouve dans les quatre autres parties du monde. On eft affuré que trois de ces parties, Europe, l'Afrique & l'Afie ne forment qu'un feul continent. L'Amérique y eft peut-être jointe : mais fi elle en eft féparée, & que ce ne foit que par quelque détroit, il aura toujours pû y avoir une communication entre ces quatre parties du monde; les mêmes plantes, les mêmes animaux, les mêmes hommes auront dû s'y étendre de proche en proche, autant, que la différence des climats leur aura permis de vivre & de fe multiplier, & n'auront reçu d'altération que celle que cette différence aura pû leur caufer. Mais il n'en eft pas de même des efpeces qui peuvent fe trouver dans les terres auftrales, elles n'ont pu fortir de leur continent. On a fait plufieurs fois le tour du globe, & l'on a toujours laiffé ces terres du même côté; il eft certain qu'elles font abfolument ifolées, & qu'elles forment, pour ainfi dire, un monde à part, dans lequel on ne peut prévoir ce qui fe trouveroit. La Découverte de ces terres pourroit donc offrir de grandes utilités pour le commerce, & de merveilleux fpectacles pour la phyfique.

Au refte les terres auftrales ne se bornent pas à ce grand continent fitué dans l'hémisphere auftral: il y a vraisemblablement entre le Japon & l'Amérique un grand nombre d'Ifles dont la Découverte pourroit être bien importante. Croira-t-on que ces précieufes épices ne croiffent que dans quelques-unes de ces Ifles dont une feule nation s'eft emparée ? Elle-même

peut-être en connoît bien d'autres qui les produifent également, mais qu'elle a grand intérêt de ne pas faire connoître,

Mais fi la compagnie des Indes de France s'attachoit à chercher pour fa navigation quelque port dans les terres auftrales, entre l'Amérique & l'Afrique; je ne crois pas qu'elle dût être rebutée par le peu de fuccès de la premiere entreprise : il me femble au contraire que la relation du voyage du Capitaine Lozier pourroit engager la compagnie à la poursuivre. Car il s'eft affuré de l'existence de ces terres, il les a vues: s'il n'en a pû approcher, ç'a été par des obftacles qui pouvoient être évités ou vaincus.

Ce furent les glaces qui l'empêcherent d'atterrir. Il fut furpris d'en trouver au so degré de latitude pendant le folftice d'été. Il devoit favoir que, toutes choses d'ailleurs égales, dans l'hémisphere auftral le froid eft plus grand en hyver que dans l'hémifphere feptentrional; parce que quoique fous une même latitude, pour l'un & l'autre hémisphere, la pofition de la sphere foit la même, les diftances de la terre au foleil ne font pas les mêmes dans les faifons correfpondantes. Dans notre hémisphere, l'hyver arrive lorsque la terre est à sa plus petite diftance du soleil; & cette circonftance diminue la force du froid. Dans l'hémisphere auftral au contraire, on a l'hyver, lorsque la terre eft à fon plus grand éloignement du foleil; & cette circonftance augmente la force du froid; ajoutez-y que, dans l'hémisphere austral, l'hyver eft plus long de huit jours que dans l'hémisphere feptentrional. Mais il eût été encore plus néceffaire de penfer que, dans tous les lieux où la fphere eft oblique, les temps les plus chauds n'arrivent qu'après le folftice d'été; & qu'ils arrivent d'autant plus tard que les climats font plus froids. Cela eft connu de tous les phyficiens & de tous ceux qui ont voyagé vers les pôles. Dans l'hémifphere feptentrional, on voit fouvent en plein folftice la glace couvrir encore des mers où un mois après on n'en trouve pas un atome; on y reffent même de grandes chaleurs; & c'eft dans ce temps-là, c'eft-à-dire au temps du plus grand froid dans l'hémisphere oppofé, qu'il faut entreprendre d'approcher des terres voifines des pôles. Dans ces climats, dès que les glaces commencent une fois à fondre, elles fondent très-vite; & en peu de jours la mer en eft délivrée. Si donc au-lieu d'arriver au temps du folftice aux latitudes où le capitaine Lozier cherchoit ces terres, il fût arrivé un mois plus tard, il y a toute apparence qu'il n'eût trouvé aucune glace; ou que les glaces qu'il auroit trouvées, ne l'auroient pas empêché d'aborder une terre qui n'étoit éloignée de lui que d'une ou deux lieues.

Après la Découverte des terres auftrales, il en eft une autre toute oppofée qui feroit à faire dans les mers du Nord; c'eft celle de quelque paffage qui rendroit le chemin des Indes beaucoup plus court que celui que tiennent les vaiffeaux, qui font jufqu'ici obligés de doubler les pointes méridionales de l'Afrique ou de l'Amérique. Les Anglois, les Hollandois les Danois, ont fouvent tenté de découvrir ce paffage, dont l'utilité n'eft

pas douteufe, mais dont la poffibilité eft encore indécife. On l'a cherché au nord-eft & au nord-oueft fans l'avoir pû trouver cependant ces tentatives infructueufes pour ceux qui les ont faites, ne le font pas pour ceux qui voudroient pourfuivre cette recherche. Elles ont appris que, s'il y a un paffage par l'un ou par l'autre de ces côtés où on l'a cherché, il doit être extrêmement difficile. Il faudroit que ce fût par des détroits, qui dans ces mers feptentrionales font prefque toujours bouchés par les glaces.

L'opinion à laquelle font revenus ceux qui ont cherché ce paffage, eft que ce feroit par le Nord même qu'il le faudroit tenter. Dans la crainte d'un trop grand froid fi l'on s'élevoit trop vers le pôle, on ne s'eft pas affez éloigné des terres; & l'on a trouvé les mers fermées par les glaces, foit que les lieux par où l'on vouloit paffer, ne fuffent en effet que des golfes, foit que ce fuffent de véritables détroits. C'est une efpece de paradoxe de dire que plus près du pôle on eût trouvé moins de glaces & un climat plus doux mais outre quelques relations qui affurent que les Hollandois s'étant fort approchés du pôle, avoient en effet trouvé une mer ouverte & tranquille, & un air tempéré; la physique & l'aftronomie le peuvent faire croire. Si ce font de vaftes mers qui occupent les régions du pôle, on y trouvera moins de glaces, que dans des lieux moins feptentrionaux, où les mers feront refferrées par les terres : & la présence continuelle du foleil fur l'horifon, pendant fix mois, peut caufer plus de chaleur, que fon peu d'élévation n'en fait perdre.

Je croirois donc que ce feroit par le pôle même qu'il faudroit tenter ce paffage. Et dans le même temps qu'on pourroit espérer de faire une Découverte d'une grande utilité pour le commerce, ç'en feroit une curieuse pour la connoiffance du globe, que de favoir fi ce point, autour duquel il tourne, eft fur la terre ou fur la mer; d'y obferver les phénomenes de l'aimant dans la fource d'où ils femblent partir; d'y décider fi les aurores boréales font caufées par une matiere lumineufe qui s'échappe du pôle ou du moins fi le pôle eft toujours inondé de la matiere de ces

aurores.

Telles font les Découvertes à tenter par mer. Il en eft d'autres dans les terres qui mériteroient auffi qu'on les entreprit. Ce continent immense de l'Afrique fitué dans les plus beaux climats du monde, autrefois habité par les nations les plus nombreuses & les plus puiffantes, rempli des plus fuperbes villes; tout ce vafte continent nous eft prefque auffi peu connu que ies Terres Auftrales nous arrivons fur les bords, nous n'avons jamais pénétré dans l'intérieur du pays. Cependant fi l'on confidere fa pofition dans les mêmes climats que les lieux de l'Amérique les plus fertiles en or & en argent; fi l'on penfe aux grandes richeffes de l'ancien monde qui en étoient tirées, à l'or même que quelques fauvages fans induftrie en tirent encore, on pourra croire que les Découvertes qui fe feroient dans le continent de l'Afrique, ne feroient pas infructueufes pour le commerce.

Si on lit ce que les anciennes hiftoires nous rapportent des fciences & des arts des peuples qui l'habitoient; fi l'on confidere les merveilleux monumens qu'on en voit encore dès qu'on aborde aux rivages de l'Egypte, on ne pourra douter que ce pays ne foit bien digne de notre curiofité. Terminons cet article par une réflexion fimple mais fenfible.

Tout homme, en général, eft obligé par le droit naturel de communiquer aux autres les Découvertes utiles à la fociété, obligation qui eft une fuite néceffaire des offices communs de l'humanité. Les anciens ont même déifié plufieurs perfonnes pour avoir contribué à rendre la vie plus commode par quelque Découverte utile. » La nature elle-même, difoit Cicé» ron, nous porte à fouhaiter de rendre service à autant de gens que nous » pouvons, fur-tout en leur apprenant quelque chofe de nouveau, & en » les inftruifant de la maniere dont ils doivent fe conduire. Les plus belles. » & les plus utiles connoiffances, difoit Séneque, ne me donneroient au» cun plaifir, s'il falloit, que je les gardaffe toutes pour moi. «<

Il eft cependant jufte que l'auteur de la Découverte tire un certain parti de fes recherches; & la perfonne qui travaille pour le bien de la fociété générale, doit en être récompenfée. C'eft donc à cette même fociété à lui en témoigner par des faits réels fa reconnoiffance, foit parce que les devoirs de l'humanité doivent être réciproques, foit parce que celui qui a travaillé pour la fociété pouvoit tourner fes recherches du côté de fa propre utilité, & en tirer cette jufte récompense qu'une fociété ingrate pourroit lui faire regretter; foit enfin pour encourager les hommes à talent à s'appliquer à la recherche des découvertes utiles. C'eft donc aux Souverains, établis pour le bonheur de leurs peuples, à encourager les Découvertes utiles, à en récompenfer généreufement les auteurs, & à les rendre publiques de la maniere la plus prompte. Qu'il eft aifé à un Souverain de rendre fa nation heureufe! Il n'a qu'à vouloir; c'eft en cela principalement, & peut-être uniquement, qu'ils font l'image de la Divinité..

DÉCRET, f. m. Compilation d'anciens canons.

TELS font le décret de Bouchard de Wormes, ceux d'Yves de Char

tres & de Gratien : nous allons donner une idée de chacune de ces collections.

mais

Bouchard, Evêque de Wormes, s'eft rendu célébre, non-feulement par le zele avec lequel il rempliffoit tous les devoirs de l'Epifcopat encore par le recueil de canons qu'il compofa vers l'an 1008, & qu'il nous a laiffé. Plufieurs favans avec lefquels il étoit lié, l'aiderent dans ce travail. Les anciens exemplaires de cet ouvrage ne portent aucun titre; néanmoins divers paffages de Sigebert, chron. circa annum 2008, & de

fcriptor. ecclef. donnent lieu de croire qu'il eut celui de magnum decretorum volumen, comme faifant un volume plus confidérable que la collection de Réginon & autres précédentes. Mais par la fuite on fe contenta de l'appeller Décret, & c'eft ce qui eft pareillement arrivé aux compilateurs d'Yves de Chartres & de Gratien, quoique dans l'origine ces auteurs leur euffent donné d'autres titres.

A la tête de la collection de Bouchard, on trouve une énumération des principales fources où il a puifé. Ces fources font le recueil des canons, vulgairement appellé le corps des canons, les canons des apôtres, les conciles d'outre-mer, par lefquels il entend ceux qui ont été tenus en Grece, en Afrique & en Italie, les conciles d'Allemagne, des Gaules & d'Efpagne, les conftitutions des Souverains Pontifes, les évangiles & les écrits des Apôtres, l'ancien teftament, les écrits de S. Grégoire, de S. Jérôme, de S. Auguftin, de S. Ambroife, de S. Benoît, de S. Bafile, de S. Ifidore, le pénitentiel romain, ceux de Théodore Archevêque de Cantorbery, & de Bede prêtre, dit le vénérable. Il traite d'abord de l'autorité du Pape, de l'ordination des Evêques, de leurs devoirs, & de la maniere de les juger. Il paffe enfuite aux autres ordres du Clergé, aux Eglifes, à leurs biens temporels, & aux Sacremens. Dans le fixieme livre & les fuivans, il traite des crimes & des pénitences qu'on doit impofer pour leur expiation, Il entre à cet égard dans le plus grand détail : il explique la maniere d'imposer & d'observer la pénitence, & les moyens de la racheter, lorsqu'on fe trouve dans l'impoffibilité de l'accomplir. Tout ceci compofe la plus grande partie du Décret de Eouchard, & conduit jufqu'au dix-feptieme livre. Dans le dix-huitieme, il eft parlé de la vifite, de la pénitence, & de la réconciliation des malades. Le dix-neuvieme, furnommé le correcteur, traite des mortifications corporelles, & des remedes pour l'ame que le prêtre doit prefcrire à chacun, foit clerc, foit laïc, pauvre ou riche, fain ou malade; en un mot aux perfonnes de tout âge, & de l'un ou de l'au tre fexe. Enfin dans le vingtieme, qu'on appelle le livre des spéculations, il eft queftion de la Providence, de la prédeftination, de l'avénement de l'antechrift, de íes œuvres, de la résurrection, du jour du jugement, des peines de l'enfer, & de la béatitude éternelle.

Cette collection de Bouchard eft extrêmement défectueufe. Premiérement, l'auteur n'a pas confulté les originaux des pieces dont il l'a compofée, mais il s'eft fié aux compilations antérieures; delà vient qu'ayant fait ufage, fur-tout de celle de Réginon, connue fous le titre de difciplinis ecclefiafticis & religione chriftianá, d'où il a tiré, fuivant la remarque de M. Baluze, 670 articles, il en a copié toutes les fautes. Il lui eft même arrivé d'en ajouter qui lui font propres, parce qu'il n'a pas entendu fon original, & c'eft ce que nous allons rendre fenfible. Le recueil de Réginon eft partagé en deux livres; chacun d'eux commence par divers chefs d'information, auxquels l'Evêque doit avoir égard dans l'examen qu'il fait de

« PreviousContinue »