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DÉCIMATEUR, f. m. Celui qui a le droit de percevoir une dixme, foit eccléfiaftique, foit inféodée.

ON appelle gros-Décimateurs

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ceux qui ont les groffes dixmes, les curés n'ayant en ce cas que les menues & vertes dixmes, & les novales.

Décimateur eccléfiaftique, eft un eccléfiaftique qui à caufe de fon béné-fice a droit de dixme.

Décimateur laïc, eft un Seigneur direct qui tient en fief d'un autre Seigneur les dixmes inféodées.

Les gros-Décimateurs font tenus à caufe des dixmes à plufieurs charges; favoir, de faire les réparations du chœur & cancel, & de fournir les ornemens & livres néceffaires.

Ils font auffi obligés de fournir la portion congrue au Curé & à fon vicaire, fi mieux ils n'aiment abandonner tout ce qu'ils poffedent des dixmes.

Quand il y a plufieurs gros-Décimateurs, ils contribuent aux charges chacun à proportion de leur part dans les dixmes. Voyez ci-après DIXME.

DÉCIMATION, DÉCIME R.

ON entend par Décimation la peine que les Romains infligeoient aux

foldats, qui de concert avoient abandonné leur pofte, qui s'étoient comportés lâchement dans le combat, ou qui avoient excité quelque fédition dans le camp. Alors on affembloit les troupes, le tribun militaire amenoit les coupables auprès du Général, qui après leur avoir vivement reproché leurs fautes ou leurs crimes en présence de l'armée, mettoit tous leurs noms dans une urne ou dans un cafque, & fuivant la nature du cri

il tiroit de l'urne, cinq, dix, quinze, ou vingt noms d'entre les coupables, de forte que le cinquieme, le dixieme, le quinzieme, ou le vingtieme que le fort dénommoit, paffoit par le fil de l'épée; le refte étoit fauvé : & cela s'appelloit Décimer, Decimare.

Pour faire une jufte eftimation des fautes ou des crimes commis par un corps, & pour y proportionner les peines, il faut toujours confidérer qu'on fe tromperoit beaucoup de croire qu'il y ait dans un corps aucun crime qui puiffe être véritablement regardé comme un crime égal dans chaque particulier qui compofe ce corps. Lorfque fes membres font affemblés pour

les affaires du corps, ils ne fauroient apporter le même fang-froid, la même prudence, la même fageffe, que chacun a dans fes affaires particulieres. La faute que commet alors la communauté, eft l'effet de fon état de communauté, & de l'influence de quelques membres qui ont le crédit ou l'art de perfuader les autres. La multitude s'échauffe, s'anime, s'irrite, parce qu'elle fait corps, & qu'elle prend néceffairement une certaine confiance dans le nombre qu'elle ne fauroit prendre quand elle est féparée. Il fuit de-là que les peines qui tomberoient fur le corps entier doivent être très-douces & de courte durée. La vérité de cette réflexion n'échappa pas. aux Romains, malgré la févérité de la difcipline militaire qu'ils avoient à cœur de maintenir. C'eft pourquoi nos peres, difoit Cicéron, cherchant un fage tempérament, imaginerent la Décimation des foldats qui ont commis ensemble la même faute, afin que tous foient dans la crainte, & qu'il n'y en ait pourtant que peu de punis.

LES

DÉCIME, f. f. La dixieme partie des biens.

OES anciens Romains, perfuadés qu'ils tenoient tout de la libéralité des dieux, leur offroient une partie de leurs moiffons, de leurs champs, & de tout ce qu'ils poffédoient. Ils faifoient fur-tout ce vœu dans la guerre, & par rapport aux dépouilles de l'ennemi, dont ils vouoient la dixieme partie; c'eft ainfi que Camille déclara, après une victoire, qu'il avoit promis & voué à Apollon la dixieme partie du butin: Apollini fe decimam voviffe partem cùm diceret Camillus, pontifices folvendum religione populum cenferunt. Les Grecs ne furent pas moins religieux que les Romains à confacrer aux dieux la dixieme partie du butin fait fur l'ennemi, ainsi que de leur propre revenu c'eft ce que fit Cyrus qui, felon Hérodote, ayant pris la capitale des Etats de Créfus, mit des gardes aux portes de la ville, pour empêcher qu'on n'emportât rien du butin, avant que les dixmes en euffent été données à Jupiter. Nous lifons auffi dans la vie de Solon, par Diogene Laerce, une lettre de Pififtrate, où il eft dit que les Athéniens mettoient à part la dixme de leurs revenus pour les facrifices, pour les befoins publics, & pour les frais de la guerre.

La Décime étoit auffi un impôt qui confiftoit dans la dixieme partie des fruits de la terre qu'on tenoit en nature dans certaines provinces, ce qui fit appeller ces terres Decumates agros. L'origine de cet impôt, vient de ce que Rome, dès fon commencement, avoit pour maxime, de réunir à fon domaine une partie des terres des peuples qu'elle fubjuguoit, & d'y envoyer une colonie compofée de fes plus pauvres citoyens : ce qu'elle faifoit par un efprit de politique pour en décharger l'Etat, pour enrichir la République & fes citoyens, pour diminuer la puiffance de ces peuples

nouvellement foumis à fa domination, & leur ôter ainfi le moyen de fe révolter. Appien Alexandrin nous apprend qu'on partageoit entre les habitans de ces colonies, ce qu'il y avoit de terres cultivées, ou qu'on les vendoit au profit de la République, ou qu'on les donnoit à ferme. Les terres incultes étoient criées & données au premier qui les demandoit pour les défricher, à condition de payer par an la cinquieme partie du produit des arbres, & la dix-huitieme des bleds, outre un impôt fur les troupeaux, tant de gros que de menu bétail : c'étoit ce qui formoit les deux efpeces de revenus appellés decumæ & fcripture. On appelloit decumani, ceux qui prenoient à ferme ces Décimes, & fe chargeoient de les faire payer par les poffeffeurs des fonds.

LA

De la Décime en France.

A Décime en France, eft un ancien droit, fubvention, ou fecours de deniers, que les Rois de France levoient autrefois fur tous leurs fujets, tant ecclefiaftiques que laïques, pour les befoins extraordinaires de l'Etat. Dans la fuite le terme de Décime eft demeuré propre aux fubventions que les eccléfiaftiques paient au Roi, & ces Décimes font devenues annuelles & ordinaires; le clergé paie auffi de temps en temps au Roi des Décimes ou fubventions extraordinaires.

Ce mot Décime vient du latin Decima, qui fignifie en général la dixieme partie d'une chofe. Ce mot Decima a d'abord été appliqué aux Décimes, parce que les premieres levées qui furent faites de cette efpece, étoient auffi du dixieme des fruits & revenus; en forte que le mot latin Decima fignifie également dixme & Décime, quoique ce foient deux chofes fort différentes, puifque la dixme fe paie à l'Eglife, au lieu que les Décimes font fournies au Roi par le clergé c'eft pourquoi dans notre langue on a eu l'attention de diftinguer ces deux objets en appellant dixme la portion des fruits que les fideles donnent à l'Eglife; & Décime, ce que l'Eglife paie au Roi pour cette fubvention.

La premiere levée faite par nos Rois qui ait été qualifiée de Décime, & dont les autres levées femblables ont emprunté le même nom, eft celle qui fut faite fous Philippe-Augufte. Saladin, Soudan d'Egypte, ayant le 26 Septembre 1187 pris la ville de Jérufalem, & chaffé les Chrétiens de prefque toute la Paleftine, toute la chrétienté prit les armes ; l'Empele Roi d'Angleterre, & Philippe-Augufte fe croiferent, & tout ce qu'il y avoit de plus illuftre dans le Royaume. Pour fournir aux frais de cette expédition, il fut ordonné dans une affemblée d'Etats tenue à Paris au mois de Mars 1188, qu'on leveroit fur les eccléfiaftiques le dixieme d'une année de leurs revenus, & fur les laïques qui ne feroient point le voyage, le dixieme de tous leurs biens-meubles & de tous leurs revenus. Cette levée fut appellée la dixme ou Décime Jaladine, à cause

qu'elle

qu'elle étoit du dixieme, & qu'elle fe faifoit pour la guerre contre Saladin. Pierre de Blois écrivit contre cette levée pour le clergé; cependant elle fut payée par tous les fujets du Roi. Il y en eut une femblable en Angleterre.

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Depuis ce temps, prefque toutes les levées que l'on fit fur le clergé pour les croifades ou autres guerres, que l'on appelloit faintes, furent nom

mées dixiemes ou Décimes.

Il y en eut en effet dans la fuite encore quelques-unes qui furent pareillement du dixieme; mais il y en eut auffi beaucoup d'autres qui furent moindres, comme du cinquantieme, du centieme: on ne laiffa pas de leur donner à toutes le nom de Décimes; de forte, par exemple, que la levée du centieme fut appellée la Décime-centieme, & ainfi des autres; & pour diftinguer de celles-ci les Décimes qui étoient réellement du dixieme, on les appelloit Décimes entieres. Il y eut auffi des doubles-Décimes & des demi-Décimes, c'est-à-dire qui fe levoient pendant deux années ou pendant une demi-année. Enfin ce nom de Décime eft demeuré à toutes les levées ordinaires & extraordinaires qui fe font fur le clergé quoiqu'elles foient communément beaucoup au-deffous du dixieme de leur

revenu.

Les croisades pour lesquelles on faifoit ces levées fur le Clergé, n'avoient lieu d'abord que contre les infideles. On en fit enfuite contre les hérétiques & contre les excommuniés; & ce fut autant d'occafions pour lever des Décimes.

Les Papes en levoient auffi pour les guerres qu'ils avoient perfonnellement contre quelques Princes Chrétiens, qu'ils faifoient paffer pour ennemis de l'Eglife. Les Souverains qui partageoient ordinairement le profit de ces impofitions, confentoient qu'elles fuffent levées dans leurs Etats par les Officiers du Pape. On voit par une lettre de Philippe-Augufte, aux Eglifes de Sens, datée de l'an 1210 au mois de Mars, qu'il accorda une aide fur le Clergé de France, à Innocent III, pour la guerre que celuici avoit contre l'Empereur Othon IV. On ne peut pas dire à quoi montoit cette aide; car le Pape & le Roi s'en remettoient à la difcrétion du Clergé.

Boniface VIII, imposa en 1295, fur les Eglifes de France une Décimecentieme, & voulut s'approprier certains legs; il avoit même déjà commis deux perfonnes pour en faire la perception, mais Philippe-le-Bel ne le voulut pas fouffrir; & le Pape ayant confenti que cet argent demeurât en féqueftre, le Roi défendit à ceux qui en étoient dépofitaires d'en rien donner que par fes ordres. On verra dans un moment la fuite qu'eut cette affaire, en parlant des Décimes levées par Philippe-le-Bel.

Pendant que le Saint Siége fut à Avignon, les Papes traitant de guerres faintes celles qu'ils avoient contre leurs compétiteurs, tenterent plufieurs fois de lever les Décimes en France, mais ce fut le plus fouvent fans Tome XV.

Dd

fuccès; ou s'ils en obtinrent quelqu'une, ce fut par la permiffion

du Roi,

Ce fut dans cette circonflance que Jean XXII, follicita long-temps Charles IV, dit le-Bel, pour obtenir de lui la permiffion de lever des Décimes en France. Charles-le-Bel, après l'avoir plufieurs fois refusée la lui accorda enfin en 1326; mais à condition de partager par moitié le produit de ces Décimes.

L'anti-Pape, Pierre de Lune, qui prit le nom de Bénoît XIII, accorda en 1399, du confentement du Roi Charles VI, une Décime fort lourde au patriarche d'Alexandrie, pour le rembourfer des dépenfes qu'il difoit avoir fait pour l'Eglife. Les Eccléfiaftiques s'y oppoferent; mais les grands du Royaume, qui pendant la maladie de Charles VI, avoient tout pouvoir, tinrent la main à cette levée, dont on prétend qu'ils eurent la meilleure part.

Ce même Benoît XIII impofa en 1405, fur le clergé de France, une Décime pour l'union de l'Eglife qui étoit alors agitée par un fchifme qui dura près de 50 ans; mais le Parlement de Paris par un arrêt de 1406, défendit à tous les Eccléfiaftiques & autres de payer aucune fubvention au Pape, au moyen de quoi cette Décime ne fut point levée.

Alexandre V, fit auffi demander au Roi par fon Légat, en 1409, deux Décimes fur le clergé pour les néceflités du Saint Siége; à quoi l'Univerfité s'oppofa au nom de toutes les Eglifes du Royaume, & la demande du Légat fut rejettée.

La même chofe fut encore tentée par Jean XXIII, en 1410, & ce fut pour cette fois fans fuccès: mais en 1411 il obtint du confentement du Roi, des Princes, des Prélats, & de l'Univerfité, un demi-dixieme payable moitié à la Magdeleine, moitié à la Pentecôte fuivante.

Le Concile de Bâle ordonna en 1433, la levée d'un demi-dixieme fur le Clergé, & il y a lieu de croire que cette levée fe fit dans toute la chrétienté, vu que le Concile travailloit pour toute l'Eglife.

Califte III, obtint auffi en 1456 de Charles VII, la permiffion de lever une Décime fur le Clergé de France, pour la guerre contre les Turcs; il écrivit au Roi le premier Mai de la même année, pour le remercier d'avoir permis cette levée. M. Patru, en fon mémoire fur les Décimes, croit pourtant que celle-ci n'eut pas lieu.

Mais on trouve une preuve du contraire dans ce qui fe paffa par rapport à Pie II, car ce Pape ayant demandé en 1459 aux Ambaffadeurs de Charles VII, qu'on lui accordât une nouvelle taxe fur le Clergé de France; les Ambaffadeurs lui répondirent qu'ils n'avoient point de pouvoir & que fon prédéceffeur ayant obtenu depuis peu une pareille levée, on ne lui en accorderoit pas une nouvelle ; & en effet, celle qu'il propofoit n'eut pas lieu.

On trouve encore qu'en 1469, Louis XI, à la recommandation du Cardinal Ballue, permit au Pape de lever en France une Décime qui montoit

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