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reconnu cette méfiance qui suspecte, interroge, entretient le trouble et entrave les opérations.

. Hier... fut un jour sur les événemens duquel il faut peut-être laisser un voile; je sais que le peuple, terrible dans sa vengeance, y porte encore une sorte de justice: il ne prend pas pour victime tout ce qui se présente à sa fureur, il la dirige sur ceux qu'il croit avoir été trop long-temps épargnés par le glaive de la loi, et que le péril des circonstances lui persuade devoir être immolés sans délai. Mais je sais qu'il est facile à des scélérats, à des traîtres d'abuser de cette effervescence, et qu'il faut l'arrêter ; je sais que nous devons à la France entière la déclaration, que le pouvoir exécutif n'a pu prévoir, ni empêcher ces excès; je sais qu'il est du devoir, des autorités constituées d'y mettre un terme, ou de se regarder comme anéanties. Je sais encore que cette déclaration m'expose à la rage de quelques agitateurs: eh bien, qu'ils prennent ma vie; je ne veux la conserver que pour la liberté, l'égalité: si elles étaient violées, détruites, soit par le règne des despotes étrangers, ou l'égarement d'un peuple abusé, j'aurais assez vécu; mais jusqu'à mon dernier soupir, j'aurai fait mon devoir : c'est le seul bien que j'ambitionne, et que nulle puissance sur la terre ne saurait m'enlever.

Le salut de Paris exige que tous les pouvoirs rentrent à l'instant dans leurs bornes respectives: l'approche des ennemis, les grandes mesures à prendre contre eux nécessitent, je le répète, une unité d'action, un ensemble qui ne peuvent se trouver dans le conflit des autorités. C'est à l'assemblée nationale à se prononcer à cet égard avec l'élévation et la vigueur que réclament d'aussi grands intérêts. J'ai dû lui peindre cet état de choses, afin que sa sagesse prît aussitôt les déterminations convenables ; et que, dans la supposition affligeante, mais gratuite, que ses déterminations n'eussent point l'effet désiré, la perte de la capitale n'entraînât point celle de l'empire.

› Mais le peuple, docile à la voix de ses législateurs, dès qu'ils sont au niveau des circonstances, éclairé par eux sur ses intérêts, rappelé par eux à la marche régulière qu'il doit tenir,

T. XVII.

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sentira bientôt qu'il doit honorer son propre ouvrage, et obéir à ses représentans jusqu'à l'époque qui va les renouveler avec de plus grands pouvoirs; il apercevra que le sort de la capitale tient à son union avec les divers départemens; il sait que le Midi, plein de feu, d'énergie et de courage, était prêt à se séparer pour assurer son indépendance, lorsque la révolution du 10 août nous a valu une Convention qui doit tout rallier; il aperçoit que les sages et les timides se éuniraient aisément pour établir cette Convention ailleurs, si Paris n'offrait pas la réunion de la liberté la plus grande aux lumières qui soutiennent l'opinion; il jugera, dès le premier moment de calme et de réflexion, que les secours et l'appui qu'il attend de tous les départemens, ne peuvent être que le fruit de l'union, de la confiance qu'établissent et justifient le maintien de l'ordre et l'observation des lois.

› Il reconnaîtra enfin que ses ennemis cachés peuvent se servir de sa propre agitation pour nuire à ses meilleurs amis, à ses plus redoutables défenseurs : déjà l'exemple commence; qu'il frémisse et s'arrête! Une juste colère, l'indignation portée à son comble commencent les proscriptions qui ne tombent d'abord que sur les coupables, mais dans lesquelles l'erreur ou les passions particulières enveloppent bientôt l'homme juste.

Il en est temps encore; mais il n'est plus un moment à perdre; que les législateurs parlent, que le peuple écoute, et que le règne de la loi s'établisse.

› Quant à moi, qui brave également l'erreur et la malveillance, parce que je ne veux que le bien de tous, et que je dois le faciliter par tous les moyens qui sont en mon pouvoir, j'ai consacré ma vie à la justice, à la vérité : je leur serai fidèle.

› Je reste à mon poste jusqu'à la mort, si j'y suis utile et qu'on me juge tel; je demande ma démission, et je la donne, si quelqu'un est reconnu pouvoir mieux l'occuper, ou que le silence des lois m'interdise toute action.

Signé ROLAND, ministre de l'intérieur. Cette lettre est interrompue par de fréquens applaudissemens.

L'assemblée en ordonne l'impression, l'affiche, l'envoi aux quatre-vingt-trois départemens, et le renvoi à la commission extraordinaire.

Sur la proposition de M. Lamourette, l'assemblée ordonne que la Commune de Paris rende compte sur-le-champ de l'état de la ville de Paris.

M. Gerbais, canonnier de la section du Luxembourg, admis à la barre. Je viens vous remercier du décret que vous venez de rendre. J'ai entende ce soir un homme qui s'était glissé parmi le peuple dire qu'il fallait se porter chez les fabricans, les mettre à contribution et les faire partir. Je ne suis pas suspect; je pars après-demain : mais comment veut-on que nous partions, si nous ne sommes pas certains que nous laissons ici nos pères, nos femmes et nos enfans en sûreté? J'ai fait arrêter le quidam, que la section de Marseille a fait conduire en prison. J'étais électeur, j'ai donné ma démission, parce que je serai plus utile aux frontières. Je vous rends graces de votre décret, au nom de tous les patriotes qui marchent à l'ennemi. (On applaudit.)

L'assemblée ordonne que le nom de M. Gerbais soit consigné dans le procès-verbal avec mention honorable.

Une députation de la section du Mail vient demander des nouvelles de Verdun.

M. Bernard, de Saintes, annonce que le courrier qui a apporté celle que le ministre de la guerre a communiquée, a été arrêté, conduit au comité de surveillance, interrogé, s'est coupé sur plusieurs points. Il ajoute que ce courrier à été interpellé en allemand, qu'il a répondu en cette langue qu'il parle très-bien, que s'apercevant qu'il avait fait une imprudence, il a déclaré qu'il avait appris quelques mots d'allemand à Strasbourg. Le comité s'est assuré de sa personne.

Une députation de la Commune de Paris annonce que Paris est parfaitement tranquille.

La séance est suspendue à onze heures.

COMMUNE DE PARIS.

SÉANCE DU 3 SEPTEMBRE AU MATIN.

M. Huguenin occupe le fauteuil.

Le conseil-général arrête qu'il sera envoyé des commissaires au Palais-Bourbon, à l'effet de protéger les Suisses qui y sont renfermés, et de défendre leurs jours par tous les moyens possibles.

La section Mirabeau, ayant en son pouvoir le sieur Cahier, l'un des membres de cette section, le conseil arrête qu'elle en sera chargée sous sa responsabilité pour le représenter à toute réquisition.

Une députation de la section des Quinze-Vingts demande l'emprisonnement, comme otages, des femmes et enfans des émigrés, et la mort des conspirateurs avant le départ des citoyens pour l'armée.

Sur cette demande, le conseil passe à l'ordre du jour, motivé sur ce que les assemblées générales de section peuvent prendre dans leur sagesse les mesures qu'elles jugeront indispensables, sauf à se pourvoir ensuite par-devant qu'il appartiendra.

Le conseil-général arrête que les sections nommeront deux commissaires suppléans pour remplacer les membres du conseil qui sont chargés de commissions particulières, et pendant leur absence seulement.

Un prisonnier innocent, retiré de la Force, vient prêter son serment civique, et s'engage à partir pour les frontières.

Les commissaires du conseil de service au Temple font passer la note de différens objets que demande M. Capet. Ajourné à demain.

MM. Deltroy, Manuel et Robespierre sont nommés commissaires à l'effet de se rendre au Temple pour y assurer la tranquillité.

Arrêté que la liste de MM. les commissaires qui doivent se rendre dans les départemens, sera présentée à la sanction de l'assemblée nationale par MM. Hébert, Darnaudry et Joly.

Sur l'observation de M. Coulon, que plusieurs effets étaient

détournés de la Conciergerie, le conseil-général arrête que MM. Coulon, Cochois et Charles se transporteront à la Conciergerie, à l'effet d'y poser les scellés et d'empêcher les déprédations.

Une députation de la section du Temple est venue dénoncer un dépôt d'armes très-considérable, et demande un passeport, avec force suffisante, pour se transporter dans le lieu dont il s'agit; et deux commissaires du conseil-général, MM. Lainé et Journé sont nommés commissaires pour cet objet, à la charge de se concerter avec les municipalités sur lesquelles ils se trou

veront.

Le conseil-général arrête l'affiche et l'impression aux frais du Mont-de-Piété, du procès-verbal de perquisition d'armes dressé par la section du Marais dans les magasins de cet établissement, pour faire cesser les inquiétudes fondées sur le bruit répandu qu'il s'y trouvait une grande quantité d'armes.

M. Samson Duperron est réintégré dans les prisons.

Le conseil-général renvoie au comité de surveillance l'examen de ce qui peut se trouver dans une des poches de madame de Lamballe, prise sur elle au moment où elle a été immolée.

Un membre annonce qu'il se répand un bruit que les prisonniers de Bicêtre, munis d'armes à feu, se défendent contre ceux qui veulent pénétrer dans la maison; qu'ils ont déjà tué plusieurs citoyens. Il demande à être autorisé à se faire accompagner d'une force armée imposante pour les réduire le plus tôt possible, et parer aux conséquences terribles de leur effusion dans la ville.

Sur les plaintes multipliées qui sont portées contre la plupart des citoyens et guichetiers des prisons, le conseil-général arrête qu'ils seront tous consignés, et que les scellés seront apposés sur leurs papiers et effets, afin de mettre la commission des prisons à portée d'examiner leur conduite et d'en rendre compte au conseil-général, qui statuera définitivement.

MM. Deltroy et Venineux sont nommés commissaires pour l'apposition des scellés.

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