Page images
PDF
EPUB

nistres, le refus de sanctionner les deux décrets, n'étaient évidemment qu'un prétexte.

Il serait plus intéressant de découvrir les auteurs de ce mouvement. Les insurrections d'une masse de population ne sont presque jamais spontanées; elles s'opèrent par des instigateurs qui saisissent le premier sujet de mécontentement que donne un gouvernement pour monter les têtes, et répandent de l'argent pour armer les bras.

Quels étaient ces instigateurs? Je ne puis répondre que par des conjectures; et comme, dans ce mouvement populaire, on retrouve les couleurs, les hommes, le caractère des précédens mouvemens suscités par la faction de l'étranger, nous nous hasardons de placer celui-ci dans la même catégorie.

Ainsi, le ministère anglais aurait présidé à ce mouvement comme il avait présidé aux autres événemens de la révolution, aux crimes qui précédèrent et suivirent la prise de la Bastille, à ceux qui souillèrent les journées des 5 et 6 octobre, à la résistance du départ de Mesdames de France pour l'Italie'; à la révolte et aux massacres de Nanci, à la

L'auteur des Mémoires de Mesdames, M. Montigny, dit, tome premier de ces Mémoires, que des hommes soudoyés distribuaient l'argent à pleines mains pour soulever le peuple contre ces princesses. « Cet argent, ajoute-t-il, que répandi

rent ces agens cachés, n'était pas celui du duc d'Orléans;

» ses finances étaient épuisées alors, c'était celui de l'Angleterre. Le Parlement accordait au ministre tous les subsides

[ocr errors]

tentative de la démolition de Vincennes dans la journée des poignards, à la journée où la loi martiale fut proclamée au Champ-de-Mars, et à presque tous les troubles qui désolèrent Paris et les départemens.

Quant aux agens secondaires qui firent la journée du 20 juin, ils sont connus. Une enquête nous apprend que des conciliabules se tenaient chez Santerre, commandant du bataillon des EnfansTrouvés, où se trouvaient, entre autres personnes, le sieur Fournier, se disant américain, électeur de 1791, le sieur Rotondo, se disant italien, le sieur Legendre, boucher, le sieur Buirette - Verrières (petit bossu fort actif), Rossignol, Brière, Nicolas, Gonor. Il résulte aussi de cette enquête, que la troupe ne pensait pas à se rendre au château des Tuileries, et n'y fut déterminée qu'à l'arrivée de Santerre et de quelques autres personnes, parmi lesquelles se trouvait Saint- Huruge, déjà fa

>>

qu'il demandait, et le dispensait de rendre compte.» (Mém. de madame Campan. Éclaircissemens historiques, tome II, page 338.)

C'est sans doute parce que Pitt était autorisé à ne rendre aucun compte qu'il n'en exigeait pas de ses agens secondaires, et que dans une pièce déjà citée (t. I, chap. vII), on lit : « Que l'argent ne soit point épargné; milord désire que vous

>>

>>

ne

pensiez pas à rendre aucun compte, il désire même que >> toutes les minutes soient détruites, vu que si elles étaient » trouvées, elles pourraient être dangereuses pour tous nos >> amis en France. » (Texte et nouvelle traduction des lettre et note anglaises, p. 45.)

meux par de pareils exploits. D'ailleurs, je ne suis pas le seul de cette opinion. M. de Toulongeon dit que la faction des instigateurs, après cette expédition, ne pouvait plus reculer; toute marche en arrière cause une chute. « L'étranger, ajoute-t-il, avait un motif ou prétexte de plus. On ne pou>> vait plus songer à traiter. »>

Le roi publia une proclamation écrite avec dignité; la municipalité en publia aussi une, dont on remarque la concision et la sagesse. Quelques autorités constituées de Paris et des départemens blâmèrent la journée du 20 juin, et demandèrent qu'on en poursuivit les coupables; d'autres y applaudirent.

Pour prévenir les poursuites et les recherches contre les instigateurs de cette journée, une députation du faubourg Saint-Antoine vint à la barre de l'Assemblée nationale, et déclara que les habitans de ce faubourg étaient seuls coupables et auteurs de l'insurrection.

Ce fut en vain que des habitans de Paris, au nombre de vingt mille, dit-on, signèrent une adresse à l'Assemblée nationale pour demander la poursuite des coupables, cette demande fut sans effet, et leur signature devint, dans la suite, une liste de proscription. Ce fut en vain que M. de La Fayette, quittant l'armée qu'il commandait pour se rendre à Paris, y vit le roi, écrivit, le 28 juin, à l'Assemblée, et se présenta à sa barre le même jour, pour se plaindre des jacobins, et fortifier

les constitutionnels. L'Assemblée s'étonna de ce qu'il abandonnait son poste, le roi le remercia de sa démarche et ne profita point de ses offres de services; il partit.

Le directoire du département de Paris, irrité contre le corps municipal de cette ville, à l'occasion de la journée du 20 juin, prit un arrêté, du 6 juillet, qui suspend le maire Pétion et le procureur-général Manuel de leurs fonctions. Cette suspension donna une nouvelle activité à la fermentation des esprits, et fut, le 13 juillet suivant, levée par décret de l'Assemblée nationale.

Le 20 juin fut l'avant-coureur d'une journée plus terrible encore, et dont je parlerai dans le chapitre suivant.

[ocr errors]
« PreviousContinue »