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que le 20 septembre; arrivés à Bordeaux, ils s'y trouvèrent exposés aux dangers les plus imminens. Ils cherchèrent ailleurs un asile. Poursuivis, repoussés partout, quelques-uns parvinrent à sauver leur malheureuse existence, d'autres périrent sur l'échafaud ou bien périrent victimes de la faim ou de leur désespoir.

Cependant les dominateurs de la Convention poursuivaient leur carrière, et, grâce aux impostures et à la terreur dont ils frappaient les esprits, ils firent disparaître tous les obstacles qui contrariaient l'exécution de leurs projets ambitieux. Ils parvinrent à soumettre Marseille, Bordeaux, comme ils avaient soumis Caen.

Plusieurs mois avant le 31 mai, la Convention discutait les articles d'un projet de constitution. Déjà plusieurs titres étaient décrétés, et les perturbateurs, pendant les jours destinés à cette discussion, ne manquaient pas, pour la troubler, de susciter des soulèvemens. Aussitôt après la révolution du 2 juin, ils se hâtèrent d'offrir un autre projet de constitution. Dans l'espace de sept à huit jours, depuis le 11 juin jusqu'au 18 de ce mois, elle fut présentée, discutée et décrétée.

Les partisans des journées des 31 mai et 2 juin se glorifiaient de cette constitution improvisée, disant que, jusqu'à présent, les girondins avaient 'empêché la Convention de décréter une constitution, et que la France en avait une depuis que cette assemblée était débarrassée de leur présence.

Cette constitution de juin 1793 n'offrait qu'un squelette, qu'une table de chapitres ; on la présentait aux Français pour les éblouir, et leur persuader qu'elle était l'heureux résultat de la journée du 2 juin : on croit généralement ou l'on feint de croire aux impostures appuyées par la force.

La peur, l'ignorance, la corruption, ou le besoin de vivre sous la garantie d'une loi fondamentale, amenèrent bientôt des adhésions à cet acte constitutionnel. Les sections de Paris l'acceptèrent, et leur acceptation fut célébrée, le 14 juillet, avec éclat dans cette ville. Des commissaires de toutes les parties de la France s'y rendirent pour le même objet, et le 10 août suivant l'adhésion de tous les départemens à la constitution fut pompeusement solennisée '.

Dès que les adhésions furent générales, et que les dominateurs virent leur pouvoir affermi, ils dédaignèrent cette constitution proclamée avec tant d'emphase, la renfermèrent dans un coffre élégamment orné et placé au milieu de la salle des séances jamais elle ne fut mise à exécution. Ils

Cette constitution, malgré sa sécheresse, garantissait la liberté et les droits du peuple; la lui montrer sans l'en faire jouir, c'était faire briller un instant la lumière pour la cacher ensuite sous le boisseau; c'était se jouer de la bonne foi de la nation française, et la duper par un tour d'escamotage. Le peuple eut la liberté en promesses éloignées, et en réalité un despotisme le plus impudent, le plus atroce.

promirent cependant qu'elle serait tirée du coffre, et aurait force de loi à la paix générale.

Les dominateurs de la Convention, n'ayant plus rien à redouter de la coalition départementale, levèrent entièrement le masque, et poursuivirent, avec une rigueur nouvelle, les députés décrétés d'arrestation. Ils mirent en état d'arrestation et mandèrent à la barre les administrateurs qui avaient favorisé la coalition, on qui ne l'avaient pas dénoncée. Brissot, ainsi qu'il a été dit, arrêté à Moulins, avait été conduit à Paris aux prisons de l'Abbaye.Ducastel et Meillan furent, dans la séance du 15 juin, décrétés d'accusation.On traduisit dans les prisons de la Conciergerie de Paris dix-sept habitans d'Orléans, prétendus contre-révolutionnaires; neuf d'entre eux furent, le 13 juillet, condamnés à mort et exécutés. On fit, dans le même temps, subir un long interrogatoire à madame Roland, prisonnière à l'Abbaye; le duc d'Orléans en subit un autre plus long encore à Marseille : on produisit contre lui des lettres que Mirabeau lui adressait le 4 mars.

d'une ma

Le 10 mai 1793, M. Voidel prouva, nière évidente, que ces lettres étaient fausses et fabriquées'. Barbaroux, le 17 juin, fut décrété d'accusation.

Le 24 juin, madame Roland, acquittée par le tribunal, sort des prisons de l'Abbaye; à peine est-elle rentrée dans son appartement, qu'un ordre

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Voyez les journaux des 18 ét 19 juin 1793.

du comité de sûreté générale la replace sous les liens de la détention'; elle est renfermée dans la prison de Sainte-Pélagie.

Vergniaud qui devait, suivant le décret, avoir son domicile pour prison, est arrêté et mis au

secret.

Mazurier, le 23 juin, accusé d'avoir favorisé l'évasion de Pétion, est décrété d'arrestation.

Biroteau se rend à Bordeaux, il s'occupe uniquement de son salut, s'engage en qualité de canounier sur un corsaire; reconnu, trahi, il est pris et décapité dans vingt-quatre heures. Tous

' Voici la teneur de la lettre que le comité de sûreté générale adresse, le 1er juillet, au ministre de l'intérieur pour justifier l'illégalité de cette nouvelle arrestation.

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« Le comité de sûreté générale, citoyen ministre, a motivé » l'arrestation de la citoyenne Roland sur l'évasion de son >> mari qui, dans ce moment, souffle le feu de la guerre civile dans le département de Saône-et-Loire, et sur la complicité de cette prétendue Lucrèce avec son prétendu ver» tueux mari, dans le projet de pervertir l'opinion publique » par un bureau de formation dudit esprit. Comme ce projet tient à celui de la grande conspiration, la citoyenne » Roland voudra bien attendre le rapport général qui doit en » être fait par le comité de salut public, après que nous au» rons jeté l'ancre de la constitution par l'éducation natio» nale et la simplification du code... Signé François Chabot, Ingrand. »

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M. Roland, fugitif et caché, désolé de l'arrestation de son épouse, n'était guère disposé à diriger l'opinion publique. Chabot couvre ici l'iniquité de sa persécution sous des motifs absurdes.

étaient, suivant les dominateurs, des rebelles à la nation.

On n'est rebelle que lorsqu'on se soulève contre un gouvernement depuis long-temps établi ou généralement reconnu. Mais résister à une poignée de factieux qui, récemment et par des moyens violens et criminels, avaient usurpé l'autorité; usurpation qu'aucun assentiment national ne légitimait; que la majorité des représentans, restés à la Convention, refusait de reconnaître en refusant de prendre part aux délibérations, en protestant publiquement contre elle; usurpation enfin qu'une grande majorité des administrations des départemens repoussait en adhérant à la coalition départementale; résister, dis-je, à une pareille autorité, c'était rentrer dans le droit d'une légitime défense; c'était un devoir, un acte de vertu, et non une rébellion.

Les choses se trouvaient alors en tel état, qu'on pouvait douter si c'était à Paris ou à Caen qu'était le siége du gouvernement français.

Ce ne fut que dans la suite, lorsque l'acte constitutionnel fut improvisé par les factieux, lorsqu'ils eurent réuni les adhésions d'une grande partie de la nation, que leur autorité acquit un certain caractère national, et mérita le titre de gouverne

ment.

Le 29 juin, au milieu de ces actes cruels et des préparatifs d'une persécution plus cruelle encore, l'administration départementale de Paris arrêta

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