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quelques-uns de ses complices, tels que Dobasset; ceux des agens de l'étranger, comme Allier, Feribal, les Saillans; il fait craindre un débarquement sur les côtes de la Méditerranée, débarquement qui entre dans le plan de Calonne. Ces déclarations, inspirées par la force, méritent peu de confiance: ce malheureux, condamné à mort, subit son jugement le 14 juillet 1793 '.

D'autre part et dans le même temps, les Espagnols attaquaient nos frontières avec une énergie nouvelle, prenaient Elne, Argelès, assiégeaient Collioure, s'emparaient de Fort-les-Bains, menaçaient Saint-Jean-de-Luz, Saint-Jean-Pied-de-Port, et bombardaient Bellegarde. Ces diverses attaques eurent lieu pendant les derniers jours de mai et dans le commencement de juin.

Dans le même temps aussi, le fameux général Paoli suscitait une insurrection dans l'île de Corse, et une grande partie des habitans de cette île se rangeaient sous ses drapeaux. La coïncidence de tous ces événemens, auxquels on pourrait joindre quelques conspirations vraies ou controuvées, décèle évidemment un plan médité dont l'exécution d'après les calculs des ennemis de la république, devait donner une secousse violente au gouverne

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Extrait du procès-verbal tenu par les représentans du peuple français dans le département de l'Aveyron, relatif à Charrier, chef de rebelles du département de la Lozère pages 5, 6 et suivantes.

ment et produire un bouleversement général. Cette secousse causa de grands maux à la France, fit répandre beaucoup de sang et n'amena point le résultat désiré.

Les langues anciennes et modernes manquent de mots assez énergiques pour exprimer le haut degré de scélératesse des auteurs de tant de troubles, de tant de malheurs, de tant de sang répandu. On punit de mort un homicide; de quel supplice doit-on punir celui qui ordonne froidement le meurtre de plusieurs cent milliers d'individus? Il est considéré comme infâme, celui qui trahit, celui qui, par ruse ou par violence, s'empare de la propriété d'autrui; dans quelle éternité d'infamie ne doit pas être plongée la mémoire de ceux qui ont commandé tant de trahisons, de perfidies; qui ont causé la ruine et le désespoir de tant de familles? Leurs noms ne doivent être prononcés qu'avec exécration, qu'avec un frémissement d'horreur. La morale des grands politiques serait donc pire que celle des brigands qui volent et tuent sur les routes!

Mais revenons à la Convention nationale mutilée et à ses trente-deux membres mis en état d'arrestation.

Après la journée du 2 juin, les dominateurs ayant atteint leur but, et leur fureur étant assouvie, ils craignirent l'indignation et la vengeance des départemens privés de leur représentation, et semblèrent effrayés de leur succès: on remarqua parmi

eux cette stupéfaction, ce calme qui suit ordinairement les grands attentats.

Paris était paisible, les barrières de cette ville, fermées depuis le 31 mai, furent rouvertes le 4 juin; mais des menées sourdes se continuèrent pour affermir l'entreprise commencée. On arrêtait à la poste les journaux qui n'avaient pas applaudi à la journée du 2 juin, on décachetait les lettres: on craignait que la vérité ne pénétrât dans les départemens; les arrestations se multipliaient.

Le comité central d'insurrection déclarait mauvais citoyens et traîtres à la patrie, ceux qui recèleraient des députés décrétés d'accusation; un acte d'humanité était puni comme un crime. La commune de Paris arrêtait que les directeurs des messageries seraient tenus de rendre le prix de leur place aux voyageurs que des cas imprévus empêcheraient de partir: on prenait des précautions.

Deux décrets avaient ordonné au comité de salut public de faire, sous trois jours, un rapport sur les pièces qui constataient les délits des députés arrêtés; dans la séance du 5 juin, Fonfrède demanda l'exécution de ces décrets : « Quatre jours » se sont déjà écoulés, dit-il, depuis leur arresta» tion, et ce rapport n'est point fait. Si l'arrestation >> d'un magistrat du peuple (Hébert) a produit dans » Paris une espèce d'insurrection, ne craignez-vous >> pas que l'arrestation des représentans du peuple » n'en produise une véritable dans la république » entière.... Je veux empêcher la guerre civile...

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»Si des citoyens armés sont venus demander l'ar>>restation de trente-deux représentans du peuple, » des citoyens armés aussi peuvent venir réclamer » leur liberté. » On demanda l'ordre du jour; il fut adopté.

Invité par la commune à faire son rapport sur les députés proscrits, le comité central annonce qu'il a nommé une commission pour recueillir toutes les pièces nécessaires au décret d'accusation qui doit étre lancée contre ces membres gangrenés, et que bientôt on aura des preuves suffisantes pour faire prononcer contre eux les peines qu'ils méritent. Sur le réquisitoire de Chaumette, le conseil général arrête qu'il sera nommé une commission prise dans son sein, pour rédiger les plaintes du peuple contre les députés arrêtés, et. par ce moyen accélérer le décret d'accusation. Ces plaintes du peuple étaient une imposture, une excuse imaginée pour rejeter sur le peuple de Paris le blâme des attentats de ses magistrats.

Ainsi les députés mis en état d'arrestation, déjà punis avant que les preuves de leurs prétendus crimes fussent établies, étaient de plus menacés par leurs persécuteurs du décret d'accusation. L'expérience avait prouvé à ces députés, que l'exécution suivait de près les menaces de leurs ennemis; ils savaient de plus, qu'il n'y avait qu'un pas du décret d'accusation à l'échafaud, et comme le décret qui les mettait en état d'arrestation, décrét arraché par la force à une assemblée prisonnière et

privée de toute liberté, était un décret nul, plusieurs des détenus résolurent de se soustraire à la tyrannie de leurs persécuteurs, de quitter Paris où il n'existait pour eux aucune sûreté.

Déjà plusieurs départemens, indignés contreles violences de la journée du 2 juin, témoignaient leurs dispositions à punir la tyrannie exercée contre leurs représentans. Voilà ce qui donna aux. députés proscrits l'espoir d'y être accueillis, protégés, et l'espoir plus noble de détruire l'ouvrage des perturbateurs, de rendre à la majorité de la Convention sa liberté, sa force légitime, sa dignité, et de délivrer la France du joug de l'anarchie qui pesait sur ses habitans et qui menaçait de les accabler.

Quelques députés prirent donc le parti de s'échapper de Paris; quelques autres y attendirent leur sort. Entre ces deux partis je ne décide point quel était le plus sage, le plus généreux, le plus honorable; l'un et l'autre offraient des dangers imminens, peu d'espérances, et l'échafaud pour perspective.

Buzot, qui ne s'était pas laissé prendre, et Barbaroux qui venait d'échapper à ses gendarmes, se rendirent à Caen: Gorsas s'unit à eux. Meillan et Duchatel, partis dans la nuit du 5 au 6 juin, grossirent le nombre des fugitifs. Le 24 du mois, Louvet, parti avec son épouse, arriva dans Évreux, y rencontra Guadet qui, dans une journée, avait fait vingt-deux lieues à pied. Pétion, échappé le 22

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