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» la justice'. On ne dit pas les clauses du mar>>> ché; mais on ajoute que c'est depuis cette époque » qu'on s'est aperçu de quelques changemens dans >> vos mœurs domestiques et que vous conçûtes

le projet d'un journal....; et quoique nous soyons >> en droit à présent de vous demander compte de >> vos moyens de subsister, puisque vous n'avez » d'autre ressource que le salaire attaché à la place » à laquelle vous renoncez, nous nous en reposons » sur la fierté de votre anie, que nous ne confon» dons pas avec la hauteur qu'on vous reproche'.

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Le jour où Robespierre devait dévoiler des complots et des intrigues, et en produire les preuves, ce jour, le 27 avril, attendu avec une vive impatience, arriva. Monté à la tribune, il obtint le plus grand silence, parla longuement, et fut souvent interrompu par les cris: Des preuves! des preuves! Il n'en donna aucune, parla de ses actions, et fit son apologie. Dès-lors Robespierre et ses adhérens formèrent un parti appelé robespierriste, maratiste, qui outra constamment les mesures révolutionnaires, et ses adversaires en formèrent un autre nommé les girondins, les brissotins.

Ce dernier parti, doué de courage et de talens,

1 Weber parle en effet de conférences tenues chez la princesse de Lamballe « dont l'objet était, dit-il, de réunir les » différens chefs de parti, afin de se concerter et de s'enten»dre pour sauver la constitution, l'État et le roi.» (Mémoires de Weber, t. II, p. 161. (Collect. B. F.)

2

Révolutions de Paris, t. XII, p. 209, 210.

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accusé d'intrigues et d'ambition, combattit assez constamment,sous les drapeaux d'une liberté légale, contre la licence, et tenta de modérer les violentes résolutions de Robespierre. Les louables efforts des chefs de ce parti les conduisirent au supplice, comme on le verra dans la suite.

Ces deux partis s'attaquèrent d'abord avec quelque modération, puis avec véhémence, enfin se firent une guerre à mort.

Les préparatifs de guerre, le changement opéré dans le ministère, les dissensions intestines n'empêchèrent pas les Parisiens de célébrer une fête qu'on nomma Fête de la Liberté. Voici à quel sujet.

On se rappelle les événemens de Nanci, et les soldats suisses de Château-Vieux, dont dix-sept furent pendus et quarante condamnés aux galères 1. Ils invoquèrent l'amnistie accordée après l'acceptation de l'acte constitutionnel; l'Assemblée législative, dans sa séance du 31 décembre 1791, ordonna que ces quarante soldats seraient mis en liberté. Ce ne fut que le 13 janvier suivant que ce décret fut sanctionné.

Ces quarante Suisses, devenus libres, secourus par les patriotes de Brest et la plupart enrôlés dans les bataillons du Finistère, partirent à pied, le 13 mars, pour se rendre à Paris, furent fêtés le long de

1

Voyez tome er des Esquisses, chapitre IX, p. 393. (Collect, B. F.)

la route, et le 28 arrivèrent à Versailles. Ceux qui imaginèrent de donner une fête à ces militaires délivrés de leurs chaînes, y mirent une importance qui décèle l'esprit de parti. Si les soldats de Châ– teau-Vieux étaient innocens, on ne voit rien de plus juste que de les en féliciter, de les rendre à la liberté, et même de les dédommager amplement de leurs souffrances; mais on ne voit point de but utile dans la fête pompeuse qui, le 15 avril, leur fut donnée à Paris, et dont je vais donner des détails.

Les quarante soldats suisses de Château-Vieux, escortés d'un détachement de la garde nationale de Versailles, de deux députés de Brest, MM. Rabit et Vignon, et de leur défenseur, M. Collot d'Herbois, arrivèrent à Paris le 9 avril, et se rendirent d'abord à l'Assemblée nationale. Lorsqu'ils s'y présentèrent on agitait la question de savoir s'ils seraient admis dans l'enceinte des séances; un appel nominal décida l'affirmative, et ils défilèrent dans la salle; de là ils se rendirent dans l'enclos des jacobins de la rue Saint-Honoré, où un ample dîner leur était apprêté ; le soir ils parurent à la société des amis de la constitution, où ils furent harangués à plusieurs reprises; ensuite on les conduisit à la commune de Paris.

Le dimanche, 15 avril, la fête destinée à ces soldats suisses, quel qu'en soit le motif, fut célébrée avec magnificence et mérite une description.

Il était près de dix heures lorsque le cortége

partit de la barrière du Trône; il parcourut la rue du Faubourg-Saint-Antoine, et fit une première station sur l'emplacement de la Bastille. Il était divisé en plusieurs groupes.

Le premier, formé de citoyens et de citoyennes, marchant sur huit personnes de front, portait la Déclaration des droits de l'homme, inscrite sur deux tables conformes à celles qu'on place devant la figure du législateur Moïse, et était suivi de musiciens, de tambours, du bataillon des élèves de la patrie, et de pelotons de soldats invalides et sans

armes.

Le deuxième groupe, composé de même, était signalé par les armes et les instrumens qui avaient servi à la conquête de la Bastille au 14 juillet 1789; au milieu d'eux on portait un modèle et le drapeau de cette forteresse; puis suivait le bataillon des vétérans sans armes.

Au troisième groupe se voyaient les drapeaux des nations anglaise, américaine et française, réunis par des rubans tricolores, précédés par les bustes de Franklin, de Sydney et de J.-J. Rousseau, entourés des élèves des maisons d'éducation, et suivis de gardes nationaux de diverses com

munes.'

Le quatrième groupe offrait des pères de famille, des épouses, des mères, des jeunes gens, des gardes nationaux; au milieu d'eux paraissait le livre de la constitution: c'est à leur sollicitude que cette constitution fut confiée.

Dans le cinquième groupe figuraient des députés de l'Assemblée nationale, des officiers municipaux, des membres des diverses administrations, les juges des tribunaux, et des députés des quarante-huit sections de Paris; puis venaient des victimes du despotisme des deux sexes, portant le modèle d'une galère, des rames enlacées de fleurs et de rubans, de jeunes femmes portant les fragmens des chaînes des soldats de Château-Vieux.Au milieu du groupe se voyait un sarcophage de forme antique, sur lequel on lisait les noms des soldats du même régiment qui subirent la mort. Un autre sarcophage, de la même forme, consacré à la mémoire des gardes nationaux morts victimes de leur zèle pour l'exécution de la loi, était lié au premier par un rouleau portant cette légende : Les tyrans sont seuls coupables.

Ensuite la musique de la garde nationale exécutait des airs, chantait des stances analogues à la fête et précédait le char de la Liberté.

Ce char, l'objet le plus apparent du cortége, dont la masse et les diverses parties furent exécutées sur les dessins de David, était monté sur les quatre roues en bronze qui avaient servi au char de l'apothéose de Voltaire, et traîné par vingt chevaux, attelés sur quatre de front; au-devant de ce char, on voyait la figure de la renommée, posée sur un globe,annonçant à l'univers la liberté du peuple français et proclamant les droits de l'homme; elle était précédée de six trompettes. Les parties latérales de

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