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et ils se dédommagèrent la nuit du mal qu'ils n'avaient pu faire le jour.

Pendant la nuit du 31 mai au 1er juin, le comité central d'insurrection fit arrêter un grand nombre d'individus qui lui étaient suspects; il fit en vain chercher l'ex-ministre Roland; mais il ne coucha pas chez lui. Fâché de voir cette proie lui échapper, ce comité, peu d'heures après, fit arrêter la célèbre épouse de ce ministre; elle fut conduite prisonnière à l'Abbaye '.

1 Madame Roland, après avoir couru pendant toute la journée du 31 mai, chez les amis de son mari dont on avait tenté l'arrestation; après s'être introduite dans la Convention, dans le dessein de se plaindre de ces tentatives, ne pouvant obtenir aucun succès, voyant ses amis découragés et la majorité de la Convention subjuguée, arrive chez elle fort tard. « Je pris la

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plume, dit-elle, pour faire un billet que je destinais à être porté de grand matin à mon mari ; j'étais assise à peine que » j'entends frapper chez moi, il était environ minuit ; une » nombreuse députation de la commune se présente et demande Roland.

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Il n'est chez lui. pas Mais, me dit le personnage qui portait le hausse-col d'officier, où peut-il » étre ? quand reviendra-t-il? vous devez connaitre ses habi»tudes et pouvoir juger de son retour. J'ignore, lui dis-je, » si vos ordres vous autorisent à me faire de semblables ques» tions; mais je sais que rien ne peut m'obliger à y répondre... » La bande se retira fort mécontente; je m'aperçus qu'elle » laissait une sentinelle à ma porte et une garde à celle de la » maison. Je présumai qu'il n'y avait plus qu'à prendre des

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forces pour soutenir ce qui pourrait m'arriver. J'étais acca

» blée de fatigues. Je me fis donner à souper, je finis mon bil

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let, le confiai à ma fidèle bonne et me couchai. Je dormais

Dans la séance du 1er juin, une députation du comité d'insurrection, qui se qualifiait de députation de toutes les autorités constituées du département de Paris, parut à la barre de la Convention.

profondément depuis une heure, lorsque mon domestique » entra dans ma chambre pour m'annoncer que ces messieurs » de la section me priaient de passer au cabinet. J'entends ce cela veut dire, répliquai-je..... Nous venons, citoyenvous mettre en arrestation et apposer les scellés.

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» sont vos pouvoirs ? Les voici, dit un homme, tirant de »sa poche un mandat du comité révolutionnaire, sans motif d'arrestation, pour me conduire à l'Abbaye. Je puis » comme Roland vous dire que je ne connais pas ce comité, » que je n'obtempère pas à ses ordres et que vous ne me sor» tirez d'ici que par la violence. - Voilà un autre ordre, se » hâta d'exprimer d'un ton avantageux un petit homme à » face ingrate; et il m'en lut un de la commune qui portait également, sans déduction de motif, l'arrestation de Ro» land et de son épouse.

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Madame Roland, après avoir hésité entre le parti de la résistance et celui de la résignation, adopta ce dernier; elle vit apposer les scellés sur tous ses papiers, sur tous ses meubles ; une force armée considérable entoure la voiture qui la conduit en prison, la multitude s'y joint; des femines crient : A la guillotine! Les commissaires lui proposent de lever les portières de la voiture. « Non, messieurs, répondit-elle, l'in

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nocence toute opprimée qu'elle soit, ne prend jamais l'attitude des coupables; je ne crains les regards de personne. — » Vous avez plus de caractère que beaucoup d'hommes; vous attendez paisiblement la justice. — La justice? si elle se faisait je ne serais pas actuellement en votre pouvoir. (Mémoires de madame Roland, t. II, p. 72, 73, etc. Collect. B. F.)

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Elle dit que la colère du peuple était à son comble, et que pour la calmer il lui fallait le sacrifice d'un plus grand nombre de victimes, et qu'au lieu des vingt-deux députés déjà désignés', il en demandait vingt-cinq. Voici cette liste de proscrits, corrigée et augmentée : « Gensonné, Guadet, Brissot, » Gorsas, Pétion, Vergniaud, Salles, Barbaroux, Chambon, Buzot, Biroteau, Ducos, Isnard, Lanjuinais, Lidon, Rabaut, Lasource, Louvet, Fonfrède, Lanthenas, Dusaulx, Fauchet, Grangeneuve, Lehardi, Lesage. »

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A ces vingt-cinq proscrits, la députation demanda qu'on joignît encore les membres de la commission des douze. Ce qui élevait le nombre des victimes à trente-sept.

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Marat voulut se donner ici les honneurs de la modération et de la clémence : « Je m'étonne, dit-il, qu'on ait compris Dusaulx dans cette liste; c'est un vieillard que je ne crois pas capable d'être >> entré dans la faction; je m'étonne aussi qu'on y >> ait compris Lanthenas que j'ai toujours regardé comme un pauvre d'esprit. Pour Ducos, j'ignore pourquoi son nom s'y trouve; il a eu quelque>> fois des opinions erronées ; mais je crois ses in>> tentions bonnes. Cela est l'ouvrage d'Hassenfratz qui a eu tort; car j'aime que toutes les choses se fassent en règle.

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Voyez les noms de ces vingt-deux députés proscrits, cidessus p. 380.

Cobourg n'avait demandé que vingt-deux têtes de députés; Marat croyait qu'il était contre la règle d'outre-passer ce nombre fixé par ce prince étranger.

Enfin, le 2 juin, jour fatal à la France, et que les anciens Romains auraient rangé parmi leurs jours néfastes, leurs jours noirs, parut pour éclairer des crimes, et ouvrir une source abondante de malheurs.

Vers les onze heures du matin, le tocsin sonne, la générale bat, et le lieu des séances de la Convention se trouve investi par une foule de femmes qui insultent et maltraitent les députés se rendant à leur poste. A ces furies s'unissent bientôt des hommes, armés de bâtons et de piques, qui s'opposent constamment à ce qu'aucun député ne

sorte.

La révolte prend ensuite un caractère plus sérieux; aux femme si nsultantes, aux hommes menacans, viennent se joindre des troupes de volontaires destinées à se rendre à l'armée de l'Ouest, troupes arrêtées dans leur marche et mises en réserve dans les environs de Paris, pour les employer au succès de la conspiration.

Ces volontaires, arrivés près des Tuileries, y reçoivent la consigne expresse de n'en laisser sortir personne. Bientôt ils sont postés si avant dans les avenues de la Convention, que les représen-tans du peuple se trouvent resserrés dans l'unique salle de leur séance.·

Henriot renvoie la garde ordinaire de la Convention, et fait consigner l'officier du poste. Des députés sentent-ils la nécessité de sortir? Ils sont repoussés à l'intérieur, sont frappés, et l'on en voit quelques-uns rentrer avec leurs habits déchirés; s'ils sont attirés aux fenêtres pour voir les dispositions hostiles faites au-dehors, les volontaires les couchent en joue. Une armée ennemie assiége la représentation nationale.

Lanjuinais monte à la tribune; il va parler de l'état où se trouve la Convention, de l'agitation de Paris, de la générale dont le bruit alarmait encore les habitans. «< Écoutez des vérités, non de celles qui » tuent la république; mais des vérités qui peuvent » la sauver. Il est notoire que depuis trois jours >> vos délibérations sont presque nulles, que vous >> êtes influencés au dedans et au dehors; qu'une » autorité, rivale de la nôtre, vous environne de >> ses salariés.... » De violentes clameurs l'interrompent; il reprend: «Depuis trois jours mille désor» dres se commettent; un pouvoir ambitieux ra» nime les troubles que le premier jour il avait >> feint d'apaiser; rien n'a été respecté, pas même >> le secret des lettres. Un nouveau comité a usurpé >> les fonctions du pouvoir exécutif. Plusieurs au>> tres comités se sont mis à la placê des anciens. >> Les comités révolutionnaires continuent des fonc

» tions que vous avez déclaré ne point leur appar» tenir; un commandant provisoire a été nommé » contre la loi : une nouvelle scène se prépare

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