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de la montagne. En effet, des pétitionnaires, en grande quantité, s'étaient placés de ce côté.

la

Dans la séance du mardi 28 mai, on proposa rédaction du décret rendu à la fin de la séance du jour précédent. Lanjuinais dit qu'il n'existe pas de décret, que le vacarme effroyable que faisaient les tribunes avait empêché d'entendre la proposition, et qu'une multitude de pétitionnaires qui n'étaient pas députés, votaient avec eux.... Si Lanjuinais continue, s'écrie Legendre, je déclare que je me porte à la tribune et que je le jette du haut en bas. Ce commencement de la séance fait juger du reste.

Des députations des sections de Paris viennent à la barre manifester des principes tout différens de ceux que les pétitionnaires de la veille avaient exprimés. Marat les interrompt fréquemment et les menace. Bientôt les députés siégeant à la montagne seportent contre les pétitionnaires. Les membres du côté opposé arrivent près d'eux pour les défendre. C'est avec peine que le calme se rétablit, et les pétitionnaires continuent la lecture de leur pétition. Je ne rapporte ces scènes que pour prouver jusqu'à quel degré d'irritation les esprits étaient montés.

Les séances des 29 et 30 mai ne présentent rien de remarquable. Des pétitionnaires, les uns dans un sens, les autres dans un sens opposé, occasionent de vives discussions. On décréta que le député Gardien, dénoncé, serait gardé à vue, et que les scellés seraient apposés sur ses papiers. Je passe au tableau de la journée du 31 mai.

Dès les cinq heures du matin de ce jour, on entend dans toutes les rues le rappel battre, le tocsin sonner dans tous les clochers de Paris; chaque citoyen se porte en armes à sa section; les barrières sont fermées. Ces mesures extraordinaires et alarmantes ne pouvant être justifiées que par des impostures, on répand les bruits suivans: la ville de Valenciennes est prise, plusieurs députés, accusés par le peuple, viennent de s'enfuir. En conséquence ceux qui crurent à ce dernier bruit envoyèrent des sentinelles au bureau de la poste aux chevaux et à celui de la poste aux lettres: la garde de tous les postes fut doublée. Dès six heures du matin les députés, réveillés par ce mouvement, se rendirent à leur séance; on y remarqua ceux que l'on disait avoir pris la fuite ou prêts à fuir.

L'inquiétude agite pareillement et ceux qui autorisent et secondent cette insurrection, et ceux qui la réprouvent.

Le ministre de l'intérieur se rend aux Tuileries; le premier homme qu'il rencontre dans la cour est Danton. Il s'en étonne, et lui dit : « Qu'est-ce donc » que tout cela; ne pouvez-vous me l'apprendre? » Qui remue les ressorts et que veut-on? Bah! dit » Danton, ce ne sera rien; il faut les laisser briser quelques presses et les renvoyer avec cela. Le » ministre réplique: Ah! Danton, je crains bien qu'on ne veuille briser autre chose que des presses.

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- Eh bien! il faut y veiller; vous en avez les

» moyens bien plus que moi'.»

Le maire de Paris est mandé à la barre de la Convention; il s'y rend: voici le résumé des éclaircissemens qu'il fournit.

Il a ordonné au commandant-général de rassembler le plus de troupes de réserve qu'il lui serait possible; il s'est rendu, avec le ministre de l'intérieur, au comité de salut public, où il a rendu compte de la situation de Paris; il est retourné au conseil de la commune, alors en permanence, et là les commissaires de la majorité des sections, siégeant à l'Evêché, ont suspendu la municipalité; bientôt après cette municipalité a été rétablie 2. Le maire dit aussi qu'il avait donné des ordres pour que le canon d'alarme ne fût point tiré.

A dix heures du matin, le canon d'alarme se fit entendre par ordre du nommé Henriot qui venait d'être nommé commandant provisoire.

Mémoires sur la révolution, par D. J. Garat, pag. 138. ? C'est un nommé Dobsent, président de la section de la Cité, qui, arrêté par ordre de la commission des Douze, récemment relâché et devenu président du comité d'insurrection de l'évêché, vint, le 31 mai, à cinq heures du matin, au nom de ce comité, casser et puis rétablir la municipalité de Paris.

Ce fut après son rétablissement que cette municipalité proclama le nommé Henriot commandant-général provisoire de la garde nationale de Paris, homme qui n'était connu que par des crimes et des bassesses et dont le dévouement fut fort utile à la faction.

Plusieurs députations des sections de Paris viennent protester de leur dévouement à la Convention nationale, et se plaindre de l'agitation que des factieux causaient dans Paris.

Rabaut demande à parler au nom de la commission des douze; il est assailli par les plus violentes clameurs. Il reste à la tribune pendant une heure,

y

attend le calme qui ne se rétablit pas; enfin il demande à ne lire qu'une seule pièce. Ses tentatives sont vaines; à chaque mot qu'il prononce, des cris effroyables couvrent sa voix. Les conspirateurs craignaient de voir leurs crimes dévoilés.

Bientôt ils paraissent eux-mêmes à la barre, et, par l'organe d'un orateur que je me dispense de nommer, ils étalent avec audace une partie de leurs projets, et en cachent les véritables motifs sous le prétexte bannal du salut de la patrie. Ils accusent de conspiration ceux contre lesquels ils conspirent et dont ils demandent la tête ; ils rassurent ceux qu'ils nomment les bons députés, qui, disent-ils, n'ont rien à craindre. Ils finissent par demander que les ouvriers qui sont sous les armes soient payés à raison de quarante sous par jour.

Guadet se lève et s'indigne de ce que le mouvement qui agite tout Paris s'est opéré sans que la Convention en soit informée; il demande l'ouverture des barrières, le rétablissement de la circulation des postes, et l'annulation de tous les actes émanés ou qui émaneront de la commune provisoire, dont il considère la suppression et le

rétablissement successif comme le signal du renversement de toutes les autorités légitimes.

Plusieurs orateurs parlent ensuite. Ceux qui se montrent favorables à la majorité de la Convention sont interrompus et hués par les tribunes, qui écoutent en silence et applaudissent ceux dont les discours sont conformes aux projets des séditieux.

Les membres du département s'unissent à Robespierre pour demander le châtiment des vingtdeux députés.

C'est au milieu du plus grand tumulte et d'un grand nombre d'étrangers, introduits dans la salle à la faveur des députations, que la Convention décréta ou parut avoir décrété la suppression de la commission des douze, l'ordre d'apposer les scellés sur ses papiers, et la solde de quarante sous par jour pour les ouvriers qui seraient sous les armes. Tels furent les seuls avantages que les conspirateurs retirèrent de la séance tumultueuse du 31 mai, levée à dix heures du soir, et qui n'était que le prélude d'une autre beaucoup plus désastreuse.

Ce n'était pas la peine, disaient les séditieux, peu satisfaits de cette journée, d'avoir, le matin, fait tant de bruit, fait battre la générale, sonner le tocsin pendant cinq ou six heures, tirer le canon d'alarme, et d'avoir interrompu toutes les communications au-dehors, pour n'obtenir, le soir, que de pareils succès. Mais ils en espéraient d'autres;

T. II.

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