Page images
PDF
EPUB

et surprise que cette députation, en entrant dans le lieu des séances de cette section, y vit tous les attributs de la liberté, et sur les chapeaux de ses membres la cocarde tricolore; elle vit qu'on l'avait trompée, et le déclara publiquement. Alors les membres de la députation et ceux de la section, qui, un moment avant, étaient prêts à s'entrégorger, se jetèrent dans les bras les uns des autres, se promirent d'être à l'avenir en garde contre de pareilles impostures, et se jurèrent une amitié constante.

Dans les journées des dimanche et lundi 26 et 27, et dans les jours suivans, de nombreux attroupemens de femmes armées conduites par une d'elles, nommée Léon, se répandirent dans les rues de Paris, y excitaient les hommes à s'armer et à les suivre, afin d'opérer une sainte insurrection. Ces femmes, au nombre de quatorze à quinze cents, se portèrent au lieu des séances de la Convention, firent beaucoup de bruit, ne parvinrent à entraîner aucun homme, ce qui fit dire alors que l'anarchie était tombée en quenouille. Ces femmes recevaient chacune cinquante sous par jour 1.

[ocr errors]

1

'On ne peut douter que ces femmes ne fussent payées pour jouer ce rôle; mais il est bon d'en offrir un témoignage; voici ce que je trouve dans un journal de cette époque: Un particulier, dont la sincérité m'est connue, m'écrit pour m'apprendre que ces femmes étaient organisées et payées. J'ai appris d'une marchande de carton, porte sa lettre, que quatorze à quinze cents femmes étaient salariées par des » individus de la section de Popincourt; qu'une partie se déguisaient en hommes; que chacune était armée de deux

»

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

La séance du lundi 27 mai fut extrêmement orageuse; elle mit à découvert tout ce que les passions basses et violentes peuvent enfanter de plus hideux.

Le maire de Paris vint démentir les rapports qu'il avait faits à la commission des douze. On demanda que Pache fût opposé à Pache, et sa lettre du jour aux rapports qu'il avait adressés à cette commission.

Marat détourna l'objet de la discussion en demandant que la commission des douze fût dissoute.

Une députation de la section de la Cité vient appuyer la motion de Marat, et demander la liberté de son président, ainsi que l'arrestation des membres de la commission des douze, et leur traduction au tribunal révolutionnaire. Le président répond à l'orateur : La Convention excuse l'égarement de votre jeunesse.... A ces mots, les cris de la montagne, auxquels répondent ceux des tribunes, interrompent le président. Le calme rétabli, il reprend: Les représentans du peuple veulent bien vous donner quelques conseils. - Justice, répond un des pétitionnaires.- Vous demandez justice? je

>>

[ocr errors]

pistolets; qu'elles recevaient cinquante sous par jour et » portaient un numéro imprimé en noir sur le bras, en forme

>>

[ocr errors]

de croix fleuronnée. Cette femme m'a déclaré de plus qu'elle était du nombre de celles qui se portèrent, le 26 mai, aux portes de la prison de l'Abbaye; toutes témoignaient la haine la plus violente contre la majorité de la Con>>vention nationale. (Thermomètre du Jour, no 517, page 507.)

[ocr errors]

n'en parlais pas, parce qu'elle est dans le cœur de tous les membres de cette Assemblée.... Sachez que la véritable liberté ne consiste pas dans des mots, mais dans l'obéissance aux lois, etc.

Robespierre veut parler pour demander Pélargissement des détenus; on lui objecte un décret qui s'oppose à ce qu'on discute sur l'objet d'une pétition en présence des pétitionnaires. Alors un bruit épouvantable se fait entendre et se maintient pendant deux heures.

Danton, dont la voix tonnante domine toutes les voix réunies, s'écrie: Tant d'impudence commence à me lasser; nous résisterons. La montagne se lève, en l'appuyant. Il développe ensuite son opinion et demande la liberté d'Hébert. Il y a plus d'une heure et demie, dit le président, que le rapporteur de la commission des douze demande la parole, sans pouvoir l'obtenir; alors on propose d'entendre le rapport de cette commission; mais Robespierre s'y oppose. Le rapporteur est prêt à faire son rapport; mais les cris de la montagne et des tribunes lui ferment la bouche. Les motions se croisent; on s'accuse, on se menace, on s'injurie. Le trouble est à son dernier période : le président se couvre.

La tactique des montagnards consistait à couvrir la voix de leur adversaire par des cris tumultueux, auxquels se joignaient ceux des tribunes payées pour cette manœuvre.

Des députés annoncent qu'en entrant dans la

salle, ils en ont trouvé les avenues remplies de troupes, qu'enfin la salle est assiégée. Marat se plaint de ce qu'on a fait venir de la force armée, et, qu'ayant voulu savoir par quel ordre elle se trouvait dans ce lieu, le commandant a refusé de le satisfaire. Ce commandant, le citoyen Raffet, est introduit à la barre. Il donne lecture des ordres qu'il a reçus du commandant - général et du maire, ordres qui lui prescrivent de se porter auprès de la Convention, et d'y maintenir la tranquillité; il ajoute que Marat lui a demandé par quel ordre il était venu, et lui a fait cette demande en lui présentant le pistolet sur la poitrine. Oui, dit Marat. Comme je ne tremble jamais, a repris le commandant, et que je ne sais que remplir mon devoir, j'ai dit à Marat que cela ne le regardait pas; aus

sitót il m'a mis en état d'arrestation.

La Convention, indignée de la conduite de Marat, renvoie le commandant à ses fonctions. Cette scène ouvre une nouvelle carrière aux cris et au tumulte.

Le ministre de l'intérieur dit que les rapports faits à la Convention sont fort exagérés; qu'il n'y a point de complot, ni conciliabules ténébreux, mais qu'il existe une assemblée, autorisée par le conseil général, dans laquelle, à la vérité, on a fait des propositions horribles; mais que le lendemain, le maire les combattit et les fit rejeter. Le ministre ne voit rien de dangereux dans l'état des esprits. Il parle de l'arrestation d'Hébert, substitut du pro

cureur de la commune, et la désigne comme cause du mécontentement qui s'est manifesté; il s'étonne de ce que le journal d'Hébert qui, il est vrai, ditil, ne respire pas une morale douce et persuasive, mais qui est dans les principes du patriotisme, ait motivé son arrestation. Guadet interrompt le ministre et demande la parole; on s'y oppose: il la demande de nouveau. Alors le député Legendre s'élance sur lui, lui porte un coup de poing dans la poitrine et le renverse. Legendre est repoussé par les uns, protégé par les autres... Le président se couvre. Le calme se rétablit, et le ministre reprend son discours: il cherche à bannir toute crainte de l'esprit des membres de l'Assemblée. « J'assure, dit-il, la Convention qu'elle n'a aucun danger à courir. »

[ocr errors]

Le maire donne à son tour de pareilles assurances. On verra bientôt combien elles étaient trompeuses, ou combien ceux qui les donnaient étaient trompés.

Plusieurs députations des sections viennent de-. mander la liberté d'Hébert et la suppression de la commission des douze. Enfin le bruit triompha du droit. Cette commission fut supprimée et l'élargissement des détenus décrété. Le président décida que la majorité avait voté dans ce sens. On lui contesta vivement cette décision.

A plusieurs reprises, dans cette séance, on fit observer que des étrangers s'étaient introduits dans la salle et grossissaient le nombre des votans

« PreviousContinue »