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vint sur les matières politiques et de la révolution: «Elle n'était pas, lui dit-il, un mouvement popu>>laire momentané, comme vous semblez le croire.` >> C'est l'insurrection presque unanime d'une grande >> nation contre des abus invétérés. De grandes fac>>tions attisent l'incendie; il y a dans toutes des » scélérats et des fous : il lui prouva qu'elle était >> trahie dans son intérieur; il lui cita des propos >> tenus dans sa confidence la plus intime..... Cette princesse, ajoute-t-il, lui parut entièrement con

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>> vaincue 1. »

Cette scène rapportée dans quelques journaux, et dans les Mémoires de Ferrières, communiquée par la reine à madame Campan, est, dans les Mémoires de cette dame, récitée différemment. Voici ce qu'elle dit :

« Tous les partis s'agitaient, soit pour perdre » le roi, soit pour le sauver. Un jour je trouvai >> la reine extrêmement troublée; elle me dit qu'elle

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ne savait plus où elle en était ; que les chefs des

jacobins se faisaient offrir à elle par l'organe de Du» mouriez, et que Dumouriez, abandonnant le parti » des jacobins, était venu s'offrir à elle '; qu'elle lui >> avait donné une audience; que, seul avec elle, il s'é» tait jeté à ses pieds et lui avait dit qu'il avait enfoncé >> le bonnet rouge jusqu'aux oreilles; mais qu'il n'é

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Vie de Dumouriez, tome III, page 163, 164, 165. (Coll. B.F.) 2 La mémoire de madame Campan l'a mal servie dans ce passage; il paraît certain que ce fut, non Dumouriez, mais la reine qui demanda cette entrevue.

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>> tait ni ne pouvait être jacobin; qu'on avait laissé » rouler la révolution jusqu'à cette canaille de » désorganisateurs', qui n'aspirant qu'après le pillage était capable de tout, et pourrait donner » à l'Assemblée une armée formidable prête à sa» per les restes du trône, déjà trop ébranlé. En » parlant avec une chaleur extrême, il s'était jeté » sur la main de la reine, et la baisait avec trans» port, lui criant: Laissez-vous sauver! La reine

me dit qu'on ne pouvait eroire aux protestations >> d'un traître. » Madame Campan ajoute que la reine comptait sur les forces du dehors qui devenaient imposantes ".

Le ministère changé et recomposé par des amis de la révolution, et cette scène entre la reine et Dumouriez caractérisent l'état des choses à la cour, ainsi que les pensées et les voeux des personnes qui y dominaient. Ces personnes se trompaient sur les forces du dehors de la France et sur celles du dedans; elles aimaient à croire ce qu'elles désiraient, et cette erreur leur devint très-funeste.

Les princes coalisés, il est vrai, se préparaient à la guerre, mais leurs dispositions étaient lentes et loin d'être terminées; et des événemens imprévus vinrent encore les retarder. Dans le même mois de mars, deux de ces princes moururent,

• Madame Campan aurait dû parler avec moins de mépris du ministre Pitt qu'elle savait très-bien être le désorganisateur en chef.

• Mémoires de madame Campan, t. II, p. 200. (Collect.B. F.)

Leopold, empereur et roi de Bohème et de Hongrie, le 2 mars; et Gustave roi de Suède, assassiné le 16, expira le 29 de ce mois.

Ces événemens déconcertèrent un moment les directeurs des manoeuvres, mais ne les découragèrent pas; et les troubles continuèrent à se manifester sur plusieurs points de la France.

Les journaux de mars parlent surtout de mouvemens fanatiques et séditieux, d'embauchages pour l'émigration; du bonnet rouge qui alors commençait à prendre faveur; de correspondance interceptée; de projet d'évasion du roi, et de nombreuses fabrications de faux assignats'.

Dans le même mois, le 20 mars, fut rendu le décret définitif qui détermine le genre et la forme de l'instrument du supplice des condamnés à mort, d'après l'avis motivé de M. Louis, secrétaire perpétuel de l'académie de chirurgie. Cet instrument est celui qu'on nomme aujourd'hui Guillotine. Il fut imaginé par M. Guillotin, docteur en médecine, d'où il a tiré son nom et perfectionné par M. Louis. Puisque les hommes en société croient avoir le droit d'arracher la vie à leurs semblables, droit fort contesté, cette manière de donner la mort est encore préférable aux moyens variés,

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1 On fit arrêter et punir à Paris plusieurs fabricateurs de faux assignats, mais l'émission des faux assignats de 500 francs et d'autres sommes, fabriqués à Londres, et que certains émigrés étaient chargés de faire circuler en France, fut très-fatal au système financier.

longs et cruels que nous avait transmis notre barbarie ancienne. Ce changement dans notre code criminel doit, plus qu'on ne pense, contribuer à l'adoucissement de nos mœurs.

Le mercredi 25 avril 1792, fut faite la première expérience de cette machine de mort sur NicolasJacques Pelletier, condamné comme voleur et

assassin.

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A la même époque, la guerre et la manière de l'entreprendre fut, dès le mois de décembre 1791, et dans les premiers mois de 1792, l'objet des discussions publiques et particulières. La question se réduisait à ces termes : Est-il plus utile aux Français de commencer l'attaque que de l'attendre? ou la guerre offensive est-elle préférable à la guerre défensive? Je ne parlerais pas de cette question, solennellement discutée dans la société des jacobins, si sa discussion n'eût amené que des résultats ordinaires; mais elle fut la cause ou au moins l'occasion d'une grande division parmi les patriotes, division qui eut des suites très-funestes.

Robespierre et plusieurs autres patriotes soutinrent que les Français devaient se borner à faire une guerre défensive. Brissot, Condorcet, Pétion et les députés de la Gironde se montrèrent d'une opinion contraire, et firent fortement sentir les avantages d'une guerre offensive. Ces diverses opinions étaient avec talent appuyées sur les circonstances de l'époque.

Robespierre, le plus irascible, le plus implacable

des hommes, le plus opiniâtre, le plus persistant dans ses opinions et dans ses projets de vengeance, ne put paisiblement supporter la contradiction. Battu par ses adversaires, il les accusa de conspiration contre l'Etat, il les qualifia d'intrigans, son injure familière.

On demanda des preuves à l'orateur, on les lui demanda vivement; il promit de les donner dans la séance suivante.

Je dois dire que Robespierre, connu avant cette époque par son patriotisme souvent exagéré, parut alors entièrement changé, et guidé par des vues ambitieuses, et sembla suivre une route nouvelle. Nommé accusateur public, fonction honorable et lucrative, il venait de donner sa démission, sous prétexte de veiller avec plus d'indépendance aux intérêts de sa patrie. Ses adversaires l'accusèrent d'aspirer au tribunat, et dans le même temps, son acolyte Marat disait, dans son journal, qu'il ne restait au peuple qu'une ressource, celle d'être gouvernée par un tribun, et que Robespierre était le seul homme digne de remplir cette haute magistrature.

L'auteur des Révolutions de Paris, frappé de ce changement, fit à Robespierre les reproches suivans : « Vous vous êtes rendu à une conférence se» crète qui s'est tenue naguère chez la Lamballe, » en présence de Marie-Antoinette, et c'est à l'issue » de ce conciliabule que vous donnâtes la démis>>sion de votre place d'accusateur public, afin de » la laisser occuper peu après par l'ex-ministre de

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