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de tous les officiers de nos armées. C'était demander la ruine de la France et la contre-révolution.

Ces propositions de meurtres, de subversion, de désorganisation totale, se renouvelèrent dans diverses réunions, même à la mairie. Pache prit le parti de n'y plus tenir d'assemblée; les conspirateurs se réunirent alors à l'assemblée tenue à l'évêché par les commissaires révolutionnaires des sections.

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Il serait trop long de rapporter en détail tous les projets destructeurs et atroces que des hommes sanguinaires mettaient en avant contre la majorité de la Convention nationale. Les uns demandaient que les journées du 10 août et du 2 septembre fussent renouvelées; les autres, que vingt-deux, trente-deux, trente-trois, et même un nombre indéfini de députés fussent enlevés et égorgés, puis accusés d'avoir émigré, etc.

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La commission des douze fut instruite que deux mille poignards étaient fabriqués et qu'on devait en armer des femmes, dont huit mille étaient enrólées; que la caisse de l'extraordinaire devait être enlevée par quarante particuliers, etc. '.

On travaillait avec chaleur à produire un bouleversement qui devait favoriser à la fois, les ennemis intérieurs et ceux du dehors.

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Déjà tous les signes précurseurs d'une crise se

Bergoeing, député de la Gironde et membre de la commission des douze, à ses commettans, pages 5 et suivantes.

manifestaient; les députés, entrant dans le lieu de leur séance, étaient menacés; des orateurs, montés sur des tréteaux, haranguaient la multitude et prêchaient le meurtre; des groupes, où l'on proposait les mesures les plus violentes, remplissaient les carrefours, obstruaient les rues, et on entendait aux portes de la Convention, les vendeurs du journal de Marat crier des titres de brochures ordurières et insultantes à la représentation nationale:

Dans la séance du 23 mai, une députation de la section de la Fraternité dénonça les parties de la conspiration dont elle avait eu connaissance, et sa dénonciation était conforme aux faits qui viennent d'être rapportés.

Il paraît que le comité central d'insurrection, voulant gagner de vitesse sur la commune de Paris, avait tout disposé pour exécuter promptement son plan avant l'exécution de celui de cette com

mune.

Dans la nuit du 22 au 23, une légion étrangère, retenue, on ne sait par quel ordre, dans la ville de Saint-Denis, devait venir à Paris, et investir le château des Tuileries où siégeait alors la Convention; en même temps des assassins, introduits dans la salle des séances, devaient massacrer une partie ou la totalité des membres de cette assemblée. Le comité de salut public instruit à minuit et demi de ce complot, parvint à le déjouer.

Un membre de la commission des douze dit que

cette commission avait connaissance de tous ces faits, et Genissieu fit, à ce propos, observer que la conduite du maire de Paris lui semblait peu digne de confiance. « Il est vrai, dit-il, qu'enten>> dant proposer la dissolution de la Convention >> nationale, il s'est élevé contre cette proposition » et a dit qu'il ne présiderait plus l'assemblée si >> l'on continuait une pareille discussion; mais >> a-t-il fait assez? Ne devait-il pas avertir la Con>>vention de ce qui se tramait contre elle? Suivons >> sa conduite: on délibérait sur le sort de vingt» deux membres qu'on était venu vous dénoncer. » Loin d'en informer la Convention, il a lui-même >> signé l'arrêté pris contre ces députés. N'est-il » pas clair qu'il est de moitié dans ces projets ? » Je demande l'arrestation de tous ceux qui ont formé l'assemblée de l'Évêché. »

Cette proposition n'eut point de suite; Marat, avec sa tactique ordinaire, fit des dénonciations; on lui répondit, on lui prouva qu'il était un calomniateur: il lui suffisait d'avoir détourné l'effet de la motion.

Le maire Pache, conformément au plan arrêté avec Danton et Robespierre dans les conciliabules de Charenton, voulait en effet la proscription des vingt-deux membres; mais il ne voulait pas seconder le plan des membres du comité central d'insurrection, c'est-à-dire des agens de l'étranger: il secondait une conspiration et s'opposait à l'autre; mais il ne s'y opposait qu'avec mollesse, s'ai

dait même de ses forces et ne la dénonçait, ne la contrariait que lorsqu'elle dépassait les bornes du plan conclu à Charenton. On verra que ce plan dut en partie son succès aux actes des furieux du comité central.

L'Assemblée conventionnelle conservait encore une majorité saine et courageuse qui pouvait prendre d'utiles déterminations; mais les ministres exécutaient mal, ou n'exécutaient pas ses décrets. Ils firent cependant arrêter quelques perturbateurs subalternes tels que Hébert, substitut du procureur de la commune, ainsi que le président de la section de la Cité, section très-dévouée aux conspirateurs étrangers; mais ces arrestations nuisirent plus qu'elles ne servirent: elles devinrent le prétexte de furieuses clameurs élevées contre la Convention, et les détenus furent bientôt relâchés par leurs complices. La confusion était extrême; les conspirateurs, par leurs menaces, par l'argent qu'ils répandirent alors avec profusion, avaient porté le désordre dans toutes les parties de l'organisation sociale; les membres des sociétés populaires, des sections de Paris, de la municipalité, se trouvaient en état de guerre contre la Convention nationale.

Il ne leur suffisait pas de corrompre, il fallait tromper; l'imposture fut souvent employée pour séduire des hommes passionnés, ou peu exercés aux intrigues. Parmi beaucoup d'exemples, je ne citerai que le suivant:

Dans la journée du 29 mai, vers les cinq heures du soir, le faubourg Saint-Antoine avait mis sous les armes huit à dix mille hommes sans trop savoir pourquoi cette troupe armée céda aux instigations qui lui furent faites de marcher en armes vers la Convention. Pour déterminer les habitans de ce faubourg à cette expédition, on leur fit accroire les sections de la Butte-des-Moulins, des ChampsÉlysées et du Mail étaient au Palais-Royal en pleine insurrection, et qu'elles avaient arboré la cocarde blanche. D'autre part on répandait le bruit que les faubourgs de Paris marchaient contre ces sections prétendues révoltées.

que

La section de la Butte-des-Moulins, menacée d'une attaque prochaine, réunit tous ses moyens de défense, se renforça par quelques compagnies de la section du Mail, et se disposait à la plus vigoureuse résistance. La guerre civile et ses affreuses circonstances commençaient dans Paris. Des habitans allaient verser le sang de leurs concitoyens, lorsqu'une heureuse inspiration vint trahir l'espoir des agens de l'étranger et préserver Paris d'un déluge de maux.

« Qu'allons-nous faire? s'écrie un canonnier >> du faubourg, faire couler le sang de nos frères » parce qu'un homme en écharpe les a accusés? » camarades, avant tout il faut s'assurer du fait. » La proposition paraît juste. La troupe du faubourg envoie, à la section de la Butte-des-Moulins, une députation de trente personnes. Ce fut avec joie

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