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avoir prononcé une opinion tendante à tromper

le peuple.

Alors Robespierre s'écria qu'il fallait bien avertir le peuple que les membres de ce comité voulaient sauver des traîtres.

Pétion, sans ménagemens oratoires, prononça un discours très-animé dicté par l'indignation, et où se trouvaient des traits dont la virulence était opposée à son caractère.

A cette discussion succéda la reprise de celle de la veille. Guadet répondit à toutes les accusations que Robespierre avait faites contre lui; mais, cédant à l'impétuosité de son caractère et à l'horreur que lui inspirait le crime, il ne mit pas assez

de mesure dans son discours. Il revint sur le chapitre de Marat, et donna lecture d'une adresse des jacobins de Paris, signée par cet homme, dans laquelle on prêchait la dissolution de la Convention, et où l'on appelait les poignards sur une grande partie de ses membres. Après cette lecture, le décret d'accusation fut demandé contre Marat

Danton se présente pour le défendre ; dit que Marat est accusé par ceux-là même qu'il accuse; qu'il faut un rapport pour examiner lequel des deux partis est fondé dans son accusation; et, pour détourner l'objet de la discussion, prouver qu'il n'était pas ou qu'il n'était plus de la faction d'Orléans, il proposa de décréter Philippe d'Orléans, surnommé Égalité, et de le faire juger par un tribunal révolutionnaire qui serait établi à Mar

seille. Cette proposition n'eut pas de suite. Fonfrède revient à Marat. « En supposant, dit-il, que >> ses accusateurs fussent coupables eux-mêmes, » le délit qu'il a commis n'en serait pas moins » réel. » Il appuie le décret d'accusation.

Marat monte à la tribune: Il ne connaît point l'écrit en question; il l'a signé, comme président, sans l'avoir lu : il ajoute qu'au surplus il en avouait les principes, lesquels étaient conformes à ses opi

nions.

Marat, voyant la majorité disposée à prononcer le décret d'accusation, se radoucit et supplia l'As semblée, au nom de la tranquillité publique, qui pourrait être troublée par cette mesure rigoureuse, de se montrer plus modérée. Je demande, dit-il, à aller aux jacobins, accompagné de deux gendarmes, pour y précher la paix.

Le décret d'accusation allait être mis aux voix, lorsqu'on demanda qu'il fût porté par un appel nominal. On procédait à cet appel, souvent interrompu par les cris des membres de la montagne, lorsqu'on proposa de mettre Marat en arrestation jusqu'au lendemain, et de charger le comité de législation de faire, à midi, un rapport sur tous les

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Depuis long-temps et encore à cette époque, plusieurs députés siégeant à la montagne, et surtout Danton, étaient accusés d'être orléanistes. Danton, indolent, voluptueux, tout a servi successivement les partis intérieurs et exté

à tous,

rieurs.

griefs qui lui étaient imputés. Cette proposition fut adoptée, et on décida que Marat serait renfermé à l'Abbaye.

Le 13 avril, le comité de législation fit son rapport, et proposa le décret suivant : « La Conven» tion accuse Marat, l'un de ses membres, devant » le tribunal criminel extraordinaire, comme pré>> venu d'avoir provoqué, 1o le pillage et le meur» tre; 2° un pouvoir attentatoire à la souveraineté » du peuple; 3° l'avilissement et la dissolution de >>> la Convention: ordonne qu'il sera traduit devant >> ce tribunal pour y être jugé,conformément à » la loi. >>>

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Les pièces justificatives de cette accusation consistent dans des passages extraits du Journal de Marat. Le rapprochement de ces passages répand de grandes lumières sur le caractère de l'accusé ; après les avoir lus, on est persuadé que Marat était un fou furieux, ou un provocateur, aux gages des ennemis de la France, un agent chargé de désorganiser le gouvernement et de rompre tous les liens

sociaux.

Mais Marat, au lieu d'avoir la souplesse qu'exige ce rôle, mettait effrontément à nu l'extravagance et la noirceur de ses principes, et, s'il était un agent de l'étranger, il montrait plus d'audace, de fanfaronnade que d'habileté.

Après ce rapport, on donna lecture de l'adresse des jacobins, signée Marat. Cette adresse fut applaudie, à plusieurs reprises, par les habitués des

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tribunes et par une soixantaine de députés, siégeant à la montagne; on vit même ces derniers se précipiter vers le bureau pour la signer et en avouer les principes.

La majorité de l'Assemblée, restée calme, rendit un décret qui ordonne que cette pièce, revêtue de ses nouvelles signatures, sera envoyée aux départemens et aux armées.

Le rapport est lu; personne ne se présente pour défendre Marat. On demande seulement l'impression et l'ajournement de ce rapport. Cette demande était juste, et la majorité, en refusant d'y accéder, fit une faute; on en fait toujours lorsqu'on cède aux mouvemens de l'irritation.

Dans la même séance du 13 avril, Marat adressa une lettre à la Convention, où, loin de se justifier, il accuse les députés de la Gironde de trahison, de conspiration, et demande vivement qu'ils soient exclus de cette assemblée.

On procéda immédiatement et sans autre discussion à l'appel nominal. Plusieurs députés motivèrent leur vote, et quelques-uns, de l'un et de l'autre parti, prouvèrent, par leurs expressions, qu'ils n'étaient point dans cet état de calme recommandé aux membres d'un jury d'accusation.

Cet appel se fit pendant la nuit du 13 au 14 avril; près de la moitié des députés étaient absens; plusieurs refusèrent de voter à cause du défaut de discussion préalable, ou parce qu'ils ne connaissaient pas l'acte d'accusation.

Enfin, l'appel nominal donna le résultat suivant: Sur trois cent soixante votans, deux cent vingt votèrent pour le décret d'accusation, quatre-vingtdouze contre ce décret, quarante et un déclarèrent que, quant à présent, ils n'avaient point de vœu à émettre, et sept demandèrent l'ajournement. Le décret, proposé par le comité de législation, fut adopté.

Marat ne fut point arrêté, il ne se brûla point la cervelle, comme, en pareil cas, dans la séance du 25 septembre précédent, il en avait montré l'intention; il se cacha et continua à publier son journal; mais les conspirateurs, qui avaient besoin de cet homme et de ses fureurs, s'agitèrent bientôt, suscitèrent des troubles, et pour faire croire que du sort de ce député dépendaient les destinées de la république, ils travaillèrent à faire naître une disette factice.

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Dès le matin du 13 avril, elle commença à se faire sentir les boutiques des boulangers étaient assiégées par une foule dont les inquiétudes augmentaient le mal. Cette calamité inattendue fut l'objet des discussions de la Convention nationale et du conseil de la commune, et le directoire du département de Paris, dans la séance du 18 avril, vint proposer, pour la première fois, la fixation du maximum du prix des grains et des farines les conspirateurs possédaient, depuis long-temps,

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