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mille hommes ordonnée par la Convention. Ces troubles, qui coïncidèrent avec la défection de Dumouriez, étaient, on ne peut en douter, conçus par les ennemis de la république et exécutés par leurs agens déguisés en patriotes qui affectaient de surpasser tous les citoyens en exagération.

Du sein des intrigues, de l'agitation et de la crainte des poignards, naquit cette épouvantable institution, nommée d'abord tribunal criminel extraordinaire, et bientôt tribunal révolutionnaire. Léonard Bourdon, dans la nuit du 9 au 10 mars, en proposa les articles qui furent discutés précipitamment au milieu du tumulte et décrétés dans les séances suivantes.

Arme terrible entre les mains des ambitieux qui devaient la saisir, et dont les coups, presque toujours mortels, ne pouvant être détournés, frappaient, un à un, des citoyens désarmés! Les arrêts de ce tribunal ne peuvent être considérés que comme des outrages à la justice, des assassinats couverts de vaines formalités : les batailles les plus acharnées, les défaites les plus malheureuses ont fait couler moins de sang français et répandre moins de larmes, que ne l'a fait ce tribunal dont j'aurai souvent à déplorer les affreux exploits : il fut installé le 28 mars.

L'institution du tribunal révolutionnaire fut le seul succès que les conspirateurs obtinrent dans la journée du 10 mars, et ce succès leur fut profitable. Plusieurs événemens très-graves occupèrent

l'Assemblée conventionnelle; la trahison de Dumouriez, la réorganisation de son armée en désordre, et les succès rapides des insurgés de la Vendée, qui, après plusieurs envahissemens dans les départemens voisins, tels que les Deux-Sèvres, Mayenne et Loire, s'étaient hasardés, avec une ar mée de quarante mille fanatiques, de mettre le siége devant la ville de Nantes.

Le grand nombre d'émigrés et des agens de l'étranger qui tourmentaient Paris, occasionèrent des mesures rigoureuses sur les passe-ports, sur les cartes de civisme; et pour la seconde fois, le 28 mars, pendant la nuit, furent faites dans toutes les maisons de Paris des visites domiciliaires. Plus de cinq cents personnes, dites émigrées, furent arrêtées pendant cette visite nocturne. Le 29 du même mois il fut décrété que chaque propriétaire placerait, à la porte de sa maison, un tableau où seraient inscrits les prénoms, noms et qualités de ceux qui l'habitaient, et qu'à chaque mutation d'habitans la liste serait renouvelée. On prit des mesures relatives à la liberté de la presse, et la peine de mort fut décrétée contre ceux qui provoqueraient au meurtre ou à la violation des propriétés. Duhem et Marat s'élevèrent fortement contre ce décret et contre celui qui réservait la même peine à ceux qui composeraient ou imprimeraient des écrits tendant au rétablissement de la royauté et à la dissolution de la représentation nationale.

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Dans la séance du 6 avril, il est décrété

que tous

les membres de la famille des Bourbons seraient mis en état d'arrestation, et le 7 qu'ils seront détenus à Marseille.

Le lendemain on reçut une lettre du général Custine qui annonçait que Mayence était cernée par une armée de trente mille hommes; ce général offrait sa démission que la Convention n'accepta point.

Les factions semblaient éteintes dans la Convention; elles n'étaient qu'assoupies. Voici ce qui les réveilla.

Dans la séance du 10 avril, Pétion dénonça une adresse de la section de la Halle-aux-Blés. Suivant cette adresse la majorité de la Convention était corrompue. Les signataires sommaient, pour la dernière fois, la partie des députés qui siégeaient à la Montagne, de déclarer si elle était capable de sauver la patrie; sinon, disaient-ils, nous la sauverons. Ils demandaient un décret d'accusation contre Roland et la destitution de plusieurs fonctionnaires et employés. Les auteurs de cette adresse assuraient au surplus que les vœux qu'ils exprimaient étaient ceux de tous les citoyens de Paris et méme de la France.

Pétion s'éleva fortement contre l'insolence de cette adresse, et Danton l'interrompit en demandant pour elle la mention honorable. Il fut imité par quelques députés qui ne craignirent pas, par leur adhésion, de s'avouer les complices de cette manœuvre, tant est aveugle l'esprit de parti. Danton,

comme à son ordinaire, se jeta dans des généralités; Fonfrède répliqua; Robespierre vint ensuite, et, dans un discours qui dura deux heures, dénonça les députés de la Gironde. Vergniaud se présenta pour les défendre; il s'en acquitta avec énergie et talent: il ne laissa échapper aucune des accusations de Robespierre sans y répondre victorieusement; il finit ainsi son discours : « Je termine cette dis>>cussion, aussi douloureuse pour mon ame que » fatale à la chose publique, à laquelle elle a ravi >> un temps précieux. Je pensais que la trahison de » Dumouriez produirait une crise heureuse, en ce qu'elle nous rallierait tous, par le sentiment du danger commun. Je pensais qu'au lieu de songer » à nous perdre les uns les autres, nous ne nous >> occuperions que de sauver la patrie. Par quelle » fatalité prépare-t-on au-dehors des pétitions qui » viennent, dans notre sein, fomenter la haine et » les divisions; par quelle fatalité des représentans » du peuple ne cessent-ils de faire de cette enceinte le foyer de leurs calomnies et de leurs passions?' » Vous savez si j'ai dévoré en silence les amertu→ » mes dont on m'abreuve depuis six mois. Vous

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1 Cette fatalité était l'effet de la corruption pratiquée par des agens de l'extérieur qui flattaient les membres influens de la minorité conventionnelle de l'espoir d'arriver à un haut degré de puissance, s'ils secondaient leurs manœuvres. L'ambition de ces membres se trouvait contrariée par la majorité de la Convention, majorité innocente de cette intrigue infernale.

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» savez si, sous peine de lâcheté, sous peine de >> m'avouer coupable, sous peine de compromettre » le peu de bien qu'il m'est encore permis d'es

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pérer de faire, j'ai pu me dispenser de mettre » dans tout son jour les impostures et la méchan>> ceté de Robespierre. Puisse cette journée être la » dernière que nous perdions en débats scanda» leux!

>> Je me proposais de demander que les signa»taires de la pétition de la section de la Halle>> aux-Blés soient traduits devant le tribunal ré>>volutionnaire; mais, comme je n'aime pas à ac>>cuser sans preuves, je fais la motion qu'ils soient » mandés à la barre pour reconnaître leurs signa»tures, et que les registres de la section soient

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Poul

de

apportés sur le bureau de la Convention'. » La séance du 12 avril eut aussi ses orages. tier était chargé par le comité de la guerre lire l'interrogatoire qu'avaient subi les généraux Lanoue et Stengel; il fait précéder cette lecture de quelques phrases préliminaires sur les dispositions favorables que les membres de ce comité ont montrées pour les accusés. Le Cointre se plaint de ce qu'il élève contre ces membres une accusation qui n'est point fondée, comme le prouvera la lecture de l'interrogatoire. Après cette lecture, Pétion demande que Poultier soit censuré pour

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Réponse de Vergniaud, député de la Gironde, aux calomnies de Robespierre, p. 16.

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