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alors aussi fameux que celui de Cobourg, et plusieurs agens anglais travaillaient à tourmenter la France, à Ꭹ fomenter le désordre et des mouvemens séditieux. Les meneurs de la Convention le savaient, le disaient, et ne les poursuivaient pas; pourquoi cette préférence?

Une lettre, trouvée dans un porte-feuille anglais et imprimée par ordre de la Convention, désigne, par l'initiale de leurs noms, ou même par leur nom tout entier, plusieurs agens anglais, plusieurs Français en place, corrompus par eux. Un ingénieur, signalé par l'initiale R....., fournit aux Anglais des plans de nos places-fortes; un nommé Webber était chargé de payer cette trahison. « S'il ( cet ingénieur ) craint d'être découvert, porte cette lettre, qu'il donne sa démission et payez-lui le double des appointemens qu'il re>> çoit du bureau de la guerre; faites-lui un pré>> sent de cinq cents livres sterling..... Faites venir » O...... de Caen et C.... de Paris. Que Webber joue » le principal rôle à Dunkerque. Il sera prudent » de l'envoyer de Lille à Dunkerque pour prendre » connaissance des lieux. »

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Dans les notes qui suivent cette lettre, on lit, sous la date du 26 mai 1793: « A donner à W... s'il » exécute le plan de Douai, vingt-quatre mille li

'J'ignore si le Webber, ici mentionné, est le même que le Weber, auteur des Mémoires qui portent ce nom : je ne prétends point inculper ce dernier.

»vres; à payer d'avance dix mille livres. » Et, sous la date du 21 juin, on lit : « Webber est re>> venu de Lille. »

Plusieurs autres agens sont mentionnés dans ces pièces, tels que Mors....tn ou Morston, qui résidait à Cambrai d'où on le rappela :

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« Son boitage (infirmité) le rend dangereux dans le >> cas d'une commotion populaire; qu'il reste à >> Saint-Omer.....Ne permettez pas que Morston » donne congé de sa maison à Cambrai, qu'il la quitte seulement; ne le laissez pas demeurer » avec vous : il est prudent d'avoir des logemens séparés. » Dans les notes qui suivent, sous les dates des 22 et 25 mai, Morston est encore mentionné.

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Greenwood était chargé de donner, de temps en temps, des dîners au parti choisi.

Harvood devait aller joindre Webber à Dunkerque.

Une dame Knox recevait 12,000 livres par an ou peut-être par mois.

Mas...tis, banquier, devrait être à Paris, porte » la lettre, parce qu'il a des moyens pour soutenir >> les fonds et faire baisser les assignats.

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Stapleton, Cornethweit, Hunter, Gregory, Chester, Withmore, Milne, Streton, Mitchel, Ness, Cobb, Herries, Keating, et quelques autres, dont les noms ne sont désignés que par leur lettre initiale, participaient à ces infâmes travaux. On y

voit aussi figurer quelques noms français, tels que ceux de Duplain, de Morel, etc. '.

On va savoir l'emploi de ces vils agens et des sommes énormes qu'on leur prodiguait. D'abord, il est question d'incendier des magasins de fourrage. « Le plan du fourrage doit être exécuté, dit » l'auteur de la lettre, quoiqu'il doive être notre >> dernière ressource, et il doit avoir lieu dans » toutes les villes le même jour. A tout événement, » soyez prêts avec tous les hommes choisis pour » le 10 ou le 16 août; les mèches phosphoriques » seront suffisantes, et une centaine peut être don»née à chaque affidé sans danger, vu que chaque >> centaine ne forme qu'un volume d'un pouce et » demi de long. Nous aurons soin de pourvoir chaque comité d'un nombre suffisant avant ce » temps. Milord (Pitt) désire seulement que vous gardiez toujours avec vous les affidés; mais ne souffrez pas que N.... ait aucune part à cette >> opération; il boit trop d'ailleurs l'affaire de » Douai a manqué d'être découverte par sa pré>> cipitation. Faites venir O...., de Caen, et C... » de Paris.... Dites-leur de ne pas épargner les dépenses, qu'ils soient généreux en toute chose.... >> Maintenez le change aussi haut que vous pourrez, >> faites-le monter jusqu'à deux cents par livre >> sterling; que Hunter soit bien payé; assurez-le » de la part de Milord que le temps qu'il perd lui

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1 Dumouriez nomme plusieurs autres agens. Voy. ci-dessus, p. 294.

>> vaudra plus que le double de sa commission.... » Il faut que nous fassions de plus en plus tomber » les assignats; refusez ceux de la république; >> maintenez les hauts prix, et que les négocians » accaparent tous les articles de première nécessité. >> Si vous pouvez persuader le C....ge d'acheter » le suif et toutes les chandelles à un prix quel» conque, faites que le peuple paye justement cent » sous la livre.... Que Chester aille, de temps en >> temps, à Ardes et à Dunkerque. Encore une fois,

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n'épargnez pas l'argent. Nous espérons que » l'affaire des assassinats sera conduite avec pru» dence; les curés déguisés et les femmes sont les >> personnes les plus propres. Envoyez cinquante >> mille francs à Rouen et autant à Caen, etc., etc.2.

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On ne croirait pas que de tels projets aient froidement été conçus par un fonctionnaire vivant à la fin du dix-huitième siècle; ils sembleraient plutôt sortis d'une caverne de brigands que du cabinet d'un ministre; mais la pièce où ces projets sont consignés, porte tous les caractères d'authenticité; le texte anglais est en regard, les chiffres des noms propres sont figurés dans l'impression. Cependant, quoique l'histoire nous offre des exemples pareils, quoique cette pièce soit sans reproches, j'ai peine à me persuader que la po

Ce mot ainsi abrégé se trouve plusieurs fois dans cette pièce, il paraît signifier le collége.

2 Texte et nouvelle traduction des lettres et notes anglaises, p. 41, 43.

litique des cabinets puisse se donner pour auxiliaires des crimes aussi bas, des manoeuvres aussi atroces.

L'auteur de cette lettre dont la signature se compose des initiales M. F., reçoit directement les ordres du ministre Pitt; il les transmet ici au président d'un comité. Il paraît, par quelques passages, que des comités secrets étaient établis dans plusieurs villes de France et même à Paris. On trouve, dans les notes ou agenda qui suivent cette lettre, que celui qui l'a écrite était, le 15 janvier 1793, à Paris; qu'il y termina une affaire avec un homme qu'il désigne par les lettres St., et qu'il n'en partit que le 24 de ce mois; que, le 3 mars suivant, il envoya dans cette capitale un agent désigné par les lettres J. R.; que le 25 avril, il y fait passer une lettre de Herries; que, le 4 juin, il envoie M..., un de ses agens, à Paris; qu'il y fit imprimer quelques pamphlets, dont les frais d'impression et de transport sont évalués à mille deux cent quatre-vingt dix-sept livres.

Cette agence était organisée; elle avait ses courriers; elle s'étendait sur les villes des Pays-Bas, de la Flandre, de la Picardie, de l'Artois jusqu'à Orléans, Blois, Tours, Nantes, etc.

Je dois ajouter que, le 2 avril, l'auteur de cette pièce reçut une lettre de Dillon, et, le 2 mai, une autre lettre de Dumouriez, environ un mois après que ce dernier général sortit de France.

Telles étaient, dans une partie du territoire français, les manoeuvres sourdes de nos ennemis et de

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