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ture de ses intentions, par ses talens et ses vastes connaissances, qui, à ces nobles qualités, joignait un zèle ardent pour la liberté, M. Grégoire, évêque de Blois, appuya la proposition de l'abolition de la royauté par cette saillie, sans doute indiscrète : L'histoire des rois est le martyrologe des nations.

Après plusieurs propositions, celle de Collot d'Herbois fut adoptée; la voici : La Convention déclare que la royauté est abolie en France.

Voilà la forme du gouvernement changée; et ce changement, je dois le dire, était depuis longtemps projeté par le ministère anglais. Sans doute ce n'était point l'abolition de la royauté ni une république que ce ministère désirait en France; mais il voulait un changement quelconque, sauf à renverser le gouvernement nouveau s'il ne convenait pas à ses intérêts.

En Angleterre, dans la séance de la Chambre des pairs du 17 février 1794, lord Lansdowne s'élève contre la conduite du ministère britannique, démontre l'impossibilité de subjuguer l'opinion des Français, et dit à ce propos : « Le changement de » gouvernement en France a été préparé depuis » un grand laps d'années. C'était l'avis d'un des >> plus grands hommes d'État de l'Angleterre, lord » Chatam, père du ministre Pitt, qui l'avait an» noncé '. >>

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'Influence du gouvernement anglais sur la révolution française, par Portiez, p. 107.

Ce projet de renverser le trône de France et de changer son gouvernement n'était pas, comme on l'a vu dans cet ouvrage, inconnu à Louis XVI ni à la reine son épouse'; on sait encore que, dans la plupart des scènes violentes et sanguinaires de la révolution, il s'est commis des crimes étrangers au caractère des Français; qu'on y voyait figurer des agens de l'Angleterre, des Anglais même, et qu'on recommandait à ces agens de répandre l'argent avec profusion. Aussi M. Erskine, membre de la Chambre des communes du parlement d'Angleterre, dans un ouvrage curieux qu'il publia en 1795, après avoir parlé des factions qui s'entrechoquaient et troublaient la France, dit : « Au mi>> lieu de cette crise unique, des hommes capables » de juger sainement des choses s'attendaient, à >> chaque courrier, à apprendre la chute de ce >> gouvernement monstrueux; mais ils n'avaient pas le mot de l'énigme, ou plutôt ils perdaient » de vue les causes qui devaient consolider ce >> gouvernement. Ils ignoraient que le ministère britannique était la Minerve qui couvrait la France » de son égide, et lui donnait cette force prodigieuse qu'on l'a vue déployer. En effet, la néces

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sité de résister aux attaques extérieures, balan»çait victorieusement toutes les causes de désunion, >> résultant des mouvemens intérieurs". »

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Voy. tom. I, p. 270.

Coup-d'œil sur les causes et les conséquences de la guerre actuelle avec la France, 23o édition, p. 37.

Les gens raisonnables en Angleterre n'avaient pas le mot de l'énigme, mot qui aurait dévoilé la politique du ministère anglais, et ne connaissaient pas la force de l'influence que ce ministère exerçait sur les événemens de la révolution française. La masse des Français était alors et est encore aujourd'hui dans la même ignorance; on ne voyait et on ne voit que la surface des événemens, que l'action des instrumens, sans apercevoir les secrets ressorts qui les faisaient ou qui les font mouvoir.

Le ministère anglais voulait diffamer la révolution française par des déchiremens, des meurtres et des crimes de toute espèce, voulait la rendre odieuse, en dégoûter les Français et les nations qui seraient tentées de les imiter; mais n'ambitionnant que ses colonies et la ruine de ses ports, et ne désirant conserver l'intégrité de la France que pour la dominer à sa manière, il ne voulait pas non plus que les Français étendissent trop avant leurs conquêtes, parce qu'ils auraient acquis en Europe une supériorité qui aurait gêné ou neutralisé l'action de son influence: aussi ce ministère, dès qu'il vit les succès de nos armes, déclara-t-il la guerre à la France. Il ne voulait pas non plus que les puissances ennemies de la France, les Prussiens, les Autrichiens, etc., se partageassent cette proie, comme ils en avaient le dessein.

Le plan de ce partage était connu des ministres anglais; il le fut bientôt des émigrés eux-mêmes qui en furent alarmés. Un des plus influens d'entre

eux, M. Malouet, fut chargé de faire à ce sujet des représentations au comte de Mercy, ministre autrichien, qui lui répondit: Ah! vous croyez donc que nous faisons la guerre pour vos beaux yeux; vous en verrez bien d'autres 1.

Cet aperçu de la politique et des plans de nos ennemis était nécessaire pour l'intelligence des événemens dont je vais reprendre le récit. On y verra que ces événemens sont en parfaite concordance avec ces plans.

Au moment où les membres de la Convention commencèrent à se réunir, les ennemis s'attacherent à dissoudre cette assemblée, ou au moins à la discréditer par des dissensions violentes, afin de l'empêcher d'acquérir une consistance qui aurait dérangé leurs projets. Ils furent bien secondés par les députés parisiens qui avaient des crimes à expier, des châtimens à craindre.

Ainsi à la cinquième séance, celle du 25 septembre, une vive agitation éclata dans le sein de l'assemblée conventionnelle. Marat en fut la cause. Marat, exclu récemment de la commune de Paris, aurait dû montrer moins d'audace, et sa nouvelle dignité de membre de la Convention lui commandait plus de mesure et de circonspection; mais cet homme, poussé par une influence étrangère, emporté par son tempérament éminemment atra

1 De la Belgiquc, par M. de Pradt, ancien archêveque de Malines, pag. 107.

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bilaire, ne respectait rien, ne se respectait pas lui-même.

Voici une courte analyse de cette séance du 25 septembre; elle donnera la mesure des partis, offrira un préliminaire indispensable aux événemens qui suivirent. Il fut question dans la séance du matin d'un parti qui voulait une dictature. « Que l'on me désigne, dit Merlin de Thionville, >> celui qui a la folie, l'ambition de tyranniser son pays, et je le poignarderai moi-même : j'interpelle mon collègue Lasource, qui m'a dit >> hier qu'il existait une faction qui voulait un dic

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>>tateur. »

Lasource s'élance à la tribune, développe plus exactement son assertion, parle de la garde départementale que dans les séances précédentes on avait proposée pour la sûreté de la Convention non pour la protéger contre les Parisiens dont il se loue, et qui l'ont défendu dans une circonstance où cinquante sabres, dit-il, étaient levés sur ma tête; mais contre des scélérats qui prétendent dominer la Convention et la France. Ces scélérats existent, puisque hier Merlin m'a dit que je serais assassiné sur ma porte. Je ne crains point les poignards, mais je crains ceux qui décernaient des mandats d'arrêt contre des membres de la précédente Assemblée, tandis qu'on égorgeait les détenus dans toutes les prisons de Paris.

Un député de Marseille déclare qu'il existe un parti qui veut établir le triumvirat ou la dictature,

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