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les départemens, munis de pouvoirs qui les autorisent à enlever, dans plusieurs maisons et châteaux désignés, l'argenterie et les choses précieuses qui pourraient s'y trouver.

Le 14 septembre, on vit, dans les rues de Paris, des hommes décorés de l'écharpe municipale, enlever en plein jour, aux femmes, leurs boucles d'oreilles, leurs bijoux, et aux hommes leurs boucles de souliers et leur montre. Dans la séance de ce jour, le ministre Roland dénonça ces attentats à l'Assemblée nationale. L'Assemblée décréta que le maire Pétion rendrait compte par écrit des moyens employés pour arrêter cet étrange brigandage.

De pareils vols se commirent dans les villages voisins de Paris. La municipalité de Colombe vint, le 15 septembre, dénoncer à l'Assemblée nationale les pillages que des individus, se disant commissaires de la commune de Paris, avaient exercés sur les habitans de ce lieu.

La municipalité de Courbevoie vint, dans la séance du 17 septembre, se plaindre de certains commissaires armés qui, au nom de la commune de Paris, enlèvent les chevaux des propriétaires, chevaux qu'ils avaient déjà déclarés. Même plainte de la municipalité de Ris, près de Corbeil : cette municipalité fit arrêter les commissaires et les gendarmes qui les escortaient.

Il paraît que les crimes commis avaient épuisé les finances des meneurs, ou que, se proposant d'en commettre d'autres, ils sentaient le besoin d'une

grande force pécuniaire. Arracher des bijoux et des montres aux passans, était un moyen vulgaire peu productif, et qui ne pouvait durer; envoyer dans les départemens pour piller l'argenterie et le numéraire de quelques maisons désignées, l'entreprise était hasardeuse et le succès incertain. La faction le sentit, et résolut d'opérer plus grandement.

Dans la nuit du dimanche 16 au lundi 17 septembre, un vol très-considérable fut fait dans le Garde-Meuble de la couronne '.

Le dimanche, à dix heures du soir, une patrouille de la section des Tuileries aperçut un homme qui descendait du réverbère du Garde-Meuble; elle s'en saisit et trouva les poches de ce voleur remplies de bijoux et de diamans; elle vit, jeté sous la colonnade, le superbe vase d'or, appelé présent de la ville de Paris. Un autre voleur voulant s'échapper, se laissa tomber d'une fenêtre et se cassa la cuisse il fut trouvé sur lui beaucoup d'objets du plus grand prix. Il portait un mouchoir plein d'or, d'argent, de diamans et d'autres pierres précieuses.

pas

Ces deux voleurs n'étaient les seuls; ils portaient pour armes de longs poignards; ils furent conduits chez le ministre qui les、 interrogea; ils nommèrent plusieurs complices. Ils parurent à ce

Il existait un poste militaire dans le Garde-Meuble ; mais ce poste, resté dans l'intérieur de l'édifice et n'ayant point placé de sentinelles au-dehors, ne s'aperçut point du vol.

ministre avoir reçu de l'éducation, et être de la classe de ceux qu'on appelait gens d'importance'. Ce ministre fut même informé que des hommes puissans protégeaient les voleurs; mais il n'en remplit pas moins son devoir en les faisant poursuivre et condamner 2.

Les voleurs manoeuvres furent punis; les voleurs ordonnateurs échappèrent au châtiment : on n'a encore que des soupçons sur les noms de ces derniers.

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On évalua les objets volés à trente-six millions. « Ces millions, dit madame Roland, passèrent aux » mains de gens qui devaient s'en servir pour perpétuer l'anarchie, source de leur domination 3.» On faisait tout alors pour amener une anarchie complète. Marat, comme je l'ai dit, demandait, comme unique moyen de salut, toutes les tétes des grands, trois cent mille tétes et un triumvirat; on parlait de la loi agraire; on attaquait les intérêts de toutes les classes, de tous les propriétaires, pour les faire soulever.

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On suscitait journellement quelque émeute à Paris il y en eut à l'Arsenal et au Carrousel; on faisait courir les bruits les plus inquiétans; la commune de Paris continuait à remplir, par des actes

1 Séance du 17 septembre 1792.

2 Mémoires de madame Roland, tom. II, pag. 40. (Coll. B. F.)

3 Idem, p. 39.

illégaux, les prisons de Paris qu'elle venait de vider

par des massacres, et l'on parlait du renouvellement de ces scènes horribles. On ajoutait que plusieurs députés de l'Assemblée et les députés à la Convention nationale, déjà arrivés dans cette ville, devaient être égorgés, et que le 20 septembre serait l'époque de la crise la plus affreuse de la révolution. On alla jusqu'à projeter de démolir le Louvre.

Dans la séance du 19 septembre, le ministre de l'intérieur se plaignit du patriote Palloy : il devait borner ses travaux à arrêter les progrès de l'incendie qui s'était manifesté le 10 août dans les bâtimens qui séparaient les cours des Tuileries du Carrousel : il avait excédé ses pouvoirs, fait plusieurs travaux et démolitions qui ne lui étaient pas commandés, et s'était retiré aux frontières, laissant sans paiement ses ouvriers qui menaçaient de se soulever. Il a causé, dit-il, plus de cent mille écus de perte à la nation.

Le ministre ajoute que des hommes, autorisés par la municipalité, veulent actuellement commencer la démolition des bâtimens du Louvre '.

A tant de subversions et de projets ruineux, qui ne reconnaîtrait les inspirations des ennemis de la France!

Après le 10 août, l'Assemblée avait établi un camp près de Paris. Un grand nombre d'ouvriers y

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Voyez dans les journaux du temps, la séance du 19 septembre 1792.

travaillaient ou feignaient d'y travailler. La commune ne les pressait pas. Ces ouvriers commençaient à devenir un sujet d'inquiétude; ils furent, dans la suite, une arme puissante dans les mains des agens des factions étrangères.

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« Je sais, à n'en pas douter, porte une lettre lue » à l'Assemblée nationale dans la séance du 17 septembre, que si les projets de campagne de >> Brunswick ne réussissent pas, on a résolu, pour » dernière ressource, de salarier des scélérats à » Paris, de tenter une insurrection, et de faire » assassiner la famille royale '.

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Dans la même séance, le député Lasource dit, au nom d'une commission : « Le but de vos en» nemis est de désorganiser l'armée et les auto>> rités constituées, de piller et incendier Paris, >> afin que le camp ne se forme pas. Apprenez, >> citoyens, que Coblentz et Brunswick ont dans » Paris cinq ou six cents agens secrets qui se ré>>> pandent dans les groupes, dans les cafés, et prê>>chent la révolte et l'assassinat.... Mais le plus >> affreux de tous les systèmes est celui d'empêcher » la Convention nationale de s'assembler. On fait >> circuler le bruit que beaucoup de députés de >> cette Assemblée doivent être massacrés; on veut

'Ces accusations sont si graves, les personnes accusées sont d'un tel rang que j'ai cru devoir faire quelques changemens dans cette lettre et n'en donner que quelques lignes. Son contenu est invraisemblable.

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