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dans l'intérieur de cette forteresse et n'y commissent des violences, et c'était, à ce qu'il paraît, leur dessein. La commune ne crut pas convenable de leur laisser commettre de nouveaux criet le succès de sa conduite prouva qu'elle aurait pu, si elle en eût eu la volonté, prévenir ceux qui furent commis dans les autres prisons.

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Elle prit une précaution connue et fit tendre à l'entrée de cette prison un ruban tricolore, avec cette inscription: Citoyens, respectez cette barrière; elle est nécessaire à la responsabilité de vos magistrats. Les massacreurs, arrêtés par cette barrière, harangués par des magistrats, n'insistèrent plus '; seulement ils exigèrent l'autorisation d'aller en petit nombre au bas des fenêtres de cet édifice, et d'y présenter cette tête sanglante aux yeux de la famille royale; à cette vue la reine et madame Elisabeth furent saisies d'horreur, et le roi, moins ému si l'on en croit un journal de ce temps, répondit avec résignation à celui qui lui portait la parole: Vous avez raison, Monsieur.

Il fallut inhumer les corps de ceux qu'on avait tués; leur nombre s'élevait, dit-on, à environ douze mille huit cents, mais ce résultat paraît fort exagéré. Tous les cimetières et charniers de Paris et des environs, ceux de Clamart, de Montrouge, de Vau

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Etrange contraste! ils respectaient un ruban, et ne respectaient pas les lois les plus sacrées de la société, ni la vie de leurs concitoyens !

girard, les carrières de la Tombe-Isoire à Montsouris, s'enrichirent de ces cadavres qui furent couverts d'une couche de chaux afin de hâter leur dissolution. Pour prouver que les exécuteurs n'étaient point le peuple de Paris, que les massacres n'étaient point l'effet de sa volonté spontanée, qu'ils étaient concertés par les membres influens de la commune, on a prétendu que ces membres, avant les massacres, avaient fait creuser des fosses pour recevoir les corps de ceux qu'ils projetaient de faire égorger. Ce fait n'est pas solidement établi, mais la certitude et l'abondance des preuves sur cette préméditation de crime doit faire rejeter celles qui ne sont pas suffisamment appuyées.

Le conseil-général de la commune paya les ouvriers massacreurs que les meneurs avaient employés dans les prisons. Billaud de Varennes, substitut du procureur de cette commune, avait déjà, pendant les diverses expéditions, répandu de l'argent aux exécuteurs: un arrêté du conseil de la commune du 6 septembre constate ainsi le salaire en déguisant le nom odieux du travail ;

« Le conseil-général arrête qu'il sera délivré un >> mandat sur le trésorier de la ville, de la somme » de mille quatre cent soixante-trois livres, pour le >> salaire de toutes les personnes qui ont travaillé » au péril de leur vie à conserver la salubrité de » l'air dans les journées des 2, 3, 4 et 5 septembre » dernier, ainsi que de ceux qui ont présidé à ces

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opérations aussi importantes pour la société
dangereuses pour eux'. »

que

Quelques exécuteurs mal informés pour recevoir le paiement de leur meurtre, s'adressèrent au ministre de l'intérieur et au maire Pétion, et s'y adressèrent en vain.

Le ministre Roland était absent lorsque se présentèrent chez lui quatre égorgeurs, armés de piques et d'épées; ils s'adressèrent à un chef de bureau appelé Faypoult, et lui demandèrent le prix de leurs travaux; ce chef, feignant de ne pas comprendre quelle était l'espèce d'ouvrage dont ils réclamaient le salaire, leur dit : Vous avez bien travaillé, vous demandez qu'on vous paie, rien n'est plus juste; adressez-vous à ceux qui vous ont em— ployés. Ils se retirèrent mécontens.

Le soir du même jour, un de ces hommes revint au même ministère; il était porteur d'un mandat adressé à M. Valet-de-Villeneuve, trésorier de la commune de Paris, mandat qui lui enjoignait de payer à chacun de ces quatre hommes dont les noms étaient inscrits, la somme de douze livres pour l'expédition des prétres de Saint-Firmin. Le porteur de ce mandat croyait que le trésorier demeurait au ministère de l'intérieur : on lui donna son adresse et il partit 2.

1 Procès-verbaux de la commune de Paris, Mémoires sur les journées de septembre 1792, p. 286.

A Maximilien Robespierre et à ses royalistes, par Louvet,

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Les directeurs des massacres ne bornèrent pas leurs attentats à faire égorger des prêtres, des hommes et des femmes de la cour de Louis XVI; et, ce qui décèle le secret de leur complot et lui enlève son voile patriotique, c'est qu'ils attaquèrent les partisans de la révolution, ses plus zélés défenseurs, même ceux qui se trouvaient dans des fonctions éminentes.

Le dimanche, 2 septembre, vers cinq heures du soir, ils envoyèrent à l'hôtel du ministère de l'intérieur environ deux cents hommes qui, avec le ton de la menace, demandèrent à grands cris le ministre et des armes. Ce ministre était absent; ils insistaient pour lui parler. Voici la description de cette scène par madame Roland elle-même : « J'or» donnai qu'on allât, de ma part, inviter dix » d'entre eux à monter; ils entrent je leur de>> mandai paisiblement ce qu'ils voulaient; ils me >> dirent qu'ils étaient de braves citoyens prêts à >> partir pour Verdun; mais qu'ils manquaient d'ar

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p. 33.Ce fait, rapporté par Louvet, est très-exact. Voici ce qu'on lit dans l'État des sommes payées par le trésorier de la còmmune, etc. « Mandat du 4 septembre, signé N..., Jé..., La..., >> commissaires de la commune, visé M..., au profit de Gil... Pet..., pour prix du temps qu'ils ont mis, lui et trois de ses camarades, à l'expédition des prétres de Saint-Firmin pendant deux jours, suivant la réquisition qui est faite aux> dits commissaires par la section des Sans-Culottes qui les › a mis en ouvrage, ci.... 48 livres. » (Mémoires sur les journées de septembre 1792, p. 314, 315. )

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» mes, qu'ils venaient en demander au ministre, >> et qu'ils voulaient le voir. Je leur fis observer » que jamais le ministre de l'intérieur n'avait d'ar» mes à sa disposition; que c'était au département » de la guerre et chez le ministre de ce départe» ment qu'il fallait en demander. Ils répliquèrent qu'ils y avaient été, qu'on leur avait dit qu'il n'y » en avait pas, que tous ces ministres étaient de » f..... traîtres, et qu'ils demandaient Roland. Je » suis fâchée qu'il soit sorti, car il vous convain>> crait par ses bonnes raisons. Venez visiter l'hô»tel avec moi; vous vous assurerez qu'il n'est pas >> chez lui, qu'il n'y a d'armes nulle part, et vous >> réfléchirez qu'il ne doit pas non plus y en avoir. » Retournez à l'hôtel de la guerre, ou, si vous >> voulez que Roland vous parle, rendez-vous à » l'hôtel de la marine, tout le conseil y est assem» blé : ils se retirent. Je me plaçai au balcon sur la >> cour; je vis un furieux, en chemise, les manches » retroussées jusqu'au coude, le sabre à la main, >> déclamant contre les trahisons des ministres : » mes dix députés se répandent parmi la foule et >> déterminent enfin la retraite au son du tambour, >> mais emmenant avec eux le valet de cham>>bre comme ôtage; ils le firent courir dans les » rues durant une heure, puis le laissèrent aller '. » Madame Roland parle ensuite du mandat d'arrêt

1 Mémoires de madame Roland, tom. II, pag. 28. (Collect. B. F.).

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