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commune de Paris; mais le lendemain les députés Thuriot et Charlier parvinrent à faire rapporter ce décret.

Cependant de nouveaux excès de cette commune firent naître de nouvelles plaintes. L'Assemblée en manda les principaux membres à sa barre. Ils s'y présentèrent le 31 août. Talien, qui avait rédigé le discours, le débita devant le corps légis latif. Il était ainsi terminé : Tout ce que la commune a fait, le PEUPLE l'a sanctionné.

L'Assemblée eut encore la faiblesse de paraître se contenter de pareilles excuses, de décréter l'impression du discours, et d'inviter ses auteurs et adhérens aux honneurs de la séance..

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Le 1 septembre, Robespierre prononça au conseil-général de la commune un discours apprêté, où il se plaignit amèrement des manœuvres employées pour enlever aux membres du conseil de la commune la confiance publique, et proposa de remettre au peuple les pouvoirs que ces membres tenaient de lui.

Il paraît, par cette proposition singulière, que Robespierre voulait se débarrasser du conseilgénéral dont tous les membres n'étaient pas ses partisans, et arriver par le moyen de son peuple à la dictature qu'il ambitionnait, etc. Si c'était son plan, Manuel, procureur de la commune, en arrêta l'exécution, en rappelant aux membres du conseil qu'ils avaient tous prêté serment de rester et de périr à leur poste. Le conseil rejeta la proposition

de Robespierre. Manuel, environ un an après, mourut assassiné par le peuple.

Les membres du conseil-général de la commune, dirigés par Robespierre, Danton et Marat, se qualifiaient de représentans du peuple, et en conséquence ne reconnaissaient point d'autorité supérieure à la leur, rivalisaient avec l'Assemblée nationale, et la dominaient par la terreur. Dans la séance du matin, du 31 août, on essaya le degré d'énergie de cette Assemblée. On vint annoncer au président qu'une foule menaçante se portait sur le lieu des séances. Bientôt après, trois individus connus pour suspects se présentent à la barre, se prétendant les députés du peuple. L'orateur se plaignit de ce que ce peuple n'était pas assez libre, et à cette plainte, le président répondit: Et nous, sommes-nous libres? Quelques personnes allèrent vérifier hors de l'enceinte du lieu des séances quel était l'attroupement populaire dont ces trois individus se disaient les délégués; il n'existait point d'attroupement. On voulait essayer ce que produirait l'effroi sur l'ame des députés, ou les obliger par la terreur à vider leur salle. Ce manège avait souvent été employé contre les électeurs dans les premiers jours de la révolution.

Le président de l'Assemblée nationale demande au président de la commune en vertu de quel droit il avait mandé à sa barre Girey-Dupré, rédacteur du Patriote Français ? Les hommes de la commune

répondent En vertu des pouvoirs illimités qu'ils avaient recus dans la nuit du 9 au 10 août. Réponse impudente, mensongère, et qui valut à ceux qui la firent les honneurs de la séance.

Cette commune était en pleine insurrection; elle ne ménageait, ne laissait subsister le corps législatif que par crainte de l'opinion publique, et parce que ses membres, découragés, soumis par terreur, sanctionnaient ses attentats et lui servaient d'auxiliaires.

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Les entreprises audacieuses de la commune et la timide condescendance de l'Assemblée nationale étaient également manifestes. Il est vrai que les circonstances pressantes, l'entrée de l'ennemi sur le territoire français, commandaient des mesures extraordinaires. Mais c'était au corps législatif, autorité suprême et légalement constituée, à les prendre, et non à cette réunion illégale d'hommes soupçonnés d'être les agens d'une puissance étrangère; réunion qui, formée sans élection, s'était créée d'elle-même, s'était à elle-même attribué une autorité sans base comme sans bornes. Elle s'appuyait constamment sur la volonté de son peuple, qui n'était ni le peuple de France, ni même celui de Paris, mais qui se composait alors d'environ deux cents misérables salariés, les uns anciens agens, façonnés aux séditions sanglantes; les autres, aveuglés, entraînés par l'exaltation du patriotisme, et croyant servir la patrie, la liberté, en servant ses plus dangereux ennemis.

Telle était la force de cette commune, qui, dans la suite, fit couler tant de sang : elle aurait été moins redoutable, si on l'eût mieux connue, si l'état d'agitation et d'alarme où se trouvaient les Français leur eût permis d'ouvrir les yeux sur son existence politique et sur les principes des hommes qui la composaient.

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Les progrès des armées ennemies servirent puissamment les usurpations de pouvoirs et les projets de cette commune; et la coïncidence de l'entrée des Prussiens en France avec ces usurpations, semblerait le résultat d'un calcul politique; mais c'est une conjecture, qui quoique vraisemblable, étant dénuée de preuves, ne mérite pas qu'on s'y arrête; toutefois il est certain que les meneurs de la commune surent mettre à profit les fàcheux événemens de la guerre, unirent leurs préparatifs de défense publique avec des préparatifs de crimes, et pensèrent qu'à la faveur des uns on excuserait les autres.

La commune, ne craignant plus aucune opposition de la part des autorités, dont les unes étaient dissoutes, les autres abattues par la terreur, avait fait toutes ses dispositions; les prisons étaient remplies de futures victimes; les sacrificateurs ne craignaient plus qu'elles échappassent à leurs coups: ainsi le 1 de septembre elle arrêta que les barrières de Paris seraient ouvertes.

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En ce jour Danton vient annoncer à l'Assemblée nationale les mesures prises par la commune pour

sauver la patrie. «Le canon sonnera, dit-il, mais » ce n'est point le canon d'alarme; c'est le pas

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charge sur nos ennemis. Pour les vaincre, pour » les attérer, que faut-il? De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace. »>

Dans la matinée du 2 septembre, la commune fit afficher la proclamation suivante :

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Citoyens, l'ennemi est aux portes de Paris. Verdun, qui l'arrête, ne peut tenir plus de huit jours. Tous les citoyens qui défendent le château » ont juré de mourir plutôt que de se rendre. >> C'est vous dire que, quand ils vous font un >> rempart de leur corps, il est de votre devoir de » voler à leur secours.

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Citoyens, aujourd'hui même, à l'instant, que >> tous les amis de la liberté se rangent sous les drapeaux! Allons nous réunir au Champ-de» Mars. Qu'une armée de soixante mille hommes se forme sans délai, et marchons aussitôt à l'en» nemi, ou pour tomber sous ses coups ou l'ex» terminer sous les nôtres '. »

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Vers les deux heures après midi du même jour, dimanche 2 septembre, le canon d'alarme, la générale, le tocsin, se font entendre dans tous les quartiers de Paris. Au bruit de ces signaux de

La plupart des Mémoires relatifs aux événemens de cette journée disent que cette proclamation annonçait la prise de Verdun on voit qu'ils se sont trompés; il est vrai qu'on fit circuler dans Paris le bruit prématuré de cette prise.

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