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règlent et s'appuient sur l'opinion du plus grand nombre et sur celle des hommes influens, le. croyaient ou paraissaient le croire. Voilà ce qui produisit une multitude d'adhésions aux nouveaux décrets.

Les usurpations de la municipalité provisoire, ses actes violens semblaient commandés par les circonstances, semblaient même nécessaires au salut de la patrie, et on ne pensait guère à disputer à cette autorité la légalité de son existence, de ses opérations; on disait que lorsqu'il s'agit de défendre la patrie attaquée, les bienséances, les formes ordinaires, les lois même doivent se taire, que le danger justifie tout. Lorsque le feu dévore une maison, on en jette les meubles par la

fenêtre.

Les ennemis attaquaient vivement nos frontières. Dans la séance du 15 août, on apprit que les Prussiens, maîtres de Rodemarck et de Sierk, assiégeaient. Thionville et avaient ouvert la tranchée. Des lettres du 21 du même mois annonçaient que ces Prussiens étaient entrés en France, marchant sur deux colonnes; qu'ils menaçaient d'attaquer Bitche et Longwy. Cette dernière ville fut prise sans résistance ou livrée par trahison. Ces nouvelles et quelques autres de même nature servirent de prétexte à des mesures extraordinaires de surveillance. On s'occupa avec une louable activité de la défense publique. On rétablit, dans les places de Paris, les amphithéâtres d'enrôlemens.

On leva de nombreuses recrues, on les habilla, on les arma, et on les fit partir pour divers camps, ou bien on les réserva pour le camp de Paris décrété par l'Assemblée nationale; on s'apprêtait à se défendre, à exterminer les ennemis de la France c'était un devoir, un acte de vertu.

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En même temps on montrait un acharnement excessif à dénoncer, à interroger, à emprisonner et à faire périr sur l'échafaud toutes les personnes attachées au service ou à la garde de la famille royale, et qui avaient participé aux sourdes manoeuvres des ministres. Les formes ordinaires parurent trop lentes; on s'occupa de les abréger.

La commune provisoire, par un arrêté du 27 août, ordonne le désarmement de tous les habitans signataires de la pétition faite contre la journée du 20 juin.

Le 29 août, Danton, ministre de la justice, vient au conseil proposer de nouveaux moyens de vigueur. Il fait, entre autres, cette sinistre proposition : « Qu'il soit dressé, dans les sections, un état » de tous les citoyens nécessiteux capables de faire » le service militaire, et qu'il leur soit assuré une >> paie. >>

On ordonne que la caisse soit battue pour annoncer à tous les citoyens, absens de leur domicile, qu'ils aient à s'y rendre, sous peine de n'y pouvoir rentrer avant que le danger de la patrie soit passé. On fit, pendant la nuit, des visites domiciliaires pour s'assurer si, dans chaque maison, il

MUNICIPALITÉ PROVISOIRE. n'existait pas des armes cachées, ou plutôt pour y découvrir et arrêter des personnes que l'on re

doutait.

On ordonne la fermeture des barrières pendant quarante-huit heures; on ordonne de plus qu'il sera formé, hors de ces barrières et dans les villages voisins de Paris, une seconde ligne de circonvallation, composée de gardes nationaux, afin, porte le procès-verbal, d'arrêter toute personne suspecte qui pourrait tenter de s'échapper.

On ordonne l'arrestation d'un grand nombre de personnes suspectes qui se cachent depuis le 10 août, et de tous les ecclésiastiques qui, assujettis au serment prescrit par la loi du 26 décembre 1790, celle du 17 avril 1791, n'auront pas prêté ce serment ou l'auront rétracté.

et par

La commune provisoire ordonne aussi que les travaux des assemblées primaires seront suspendus, et ce qui décèle ses affreux projets, elle fait suspendre, contre le vœu formel de la loi, les séances du jury et même toutes les procédures commencées par le tribunal criminel: il était inutile de juger ceux qu'on se proposait d'égorger.

La rigueur de ces mesures et la promptitude que mit la commune à les prendre, en fit présager de plus violentes encore: on avait fait sortir des prisons tous ceux qu'on y détenait pour dettes, et on les avait remplies de personnes dévouées à la cour, suspectes de royalisme ou plutôt contraires aux opinions des dominateurs.

Cependant Marat signalait la noirceur de son cáractère; son journal ne suffisait pas à l'épanchement de son humeur corrosive. Quoique pauvre, il faisait, à grands frais, imprimer et afficher sur les murs de Paris de nombreux placards. On sait qu'il demanda quinze mille livres au ministre Roland par la voie d'une affiche; et que le ministre ayant repoussé cette demande, il en adressa une pareille, par la même voie, au duc d'Orléans. On ignore le succès de cette dernière demande.

Après la nouvelle de la prise de Longwy, l'Assemblée nationale ayant décrété qu'il serait levé trente mille hommes dans Paris pour être envoyés sur nos frontières entamées, le lendemain Marat fit afficher dans tous les carrefours de cette ville un placard nouveau où il déchire Condorcet, Brissot; crie à la trahison; dit qu'on veut livrer la France à Brunswick et envoyer trente mille Parisiens à la boucherie; invite les Parisiens à ne point s'enrôler, et dit qu'il faut fouler aux pieds les décrets de l'Assemblée nationale. Marat fut quelques jours après nommé membre du comité de surveillance de la commune, ou comité de salut public; il fut de plus, par l'assemblée électorale, sur laquelle Robespierre exerçait une influence révoltante, nommé député à la Convention nationale.

Je dois dire aussi que Marat, dans une autre affiche , propose comme unique moyen de sauver la France, l'établissement d'un triumvirat. On sait que les triumvirs devaient être Robespierre, Dan

ton et Marat. Dans la suite, Marat demanda un tribun, un défenseur, et trois cent mille têtes.

L'Assemblée nationale souffrait de voir l'autorité de la commune provisoire s'élever au-dessus de son autorité; disposer, au mépris des lois, des administrations, des personnes et des biens, et exercer une dictature qu'elle avait envahie; mais cette Assemblée, dans ce moment de danger, d'exaltation et d'anarchie, loin de commander, semblait n'exister que par la tolérance des dominateurs. Les ministres n'étaient pas dans une position plus avantageuse. Celui de l'intérieur se plaint à l'Assemblée, dans sa séance du 30 août, qu'ayant nommé un administrateur des vivres, cet administrateur venait d'être destitué par la commune qui en avait nommé un autre, de sorte qu'il ne pouvait plus répondre de l'approvisionnement de Paris. Il se plaint aussi d'un des membres de cette commune, qui a enlevé du garde - meuble un canon damasquiné, objet de curiosité, et plusieurs papiers contenus dans un secrétaire de ce garde - meuble dont il avait brisé la serrure.

Dans la même séance, on apprend que cette commune avait envoyé une force populaire investir l'hôtel du ministre de la guerre, sous prétexte d'y saisir Girey-Dupré, rédacteur du journal dit le Patriote Français, qui, dans un article, avait déplu aux dominateurs.

L'Assemblée nationale rendit sur-le-champ un décret qui casse et dissout le conseil-général de la

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