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qu'il n'avait pas désapprouvée : son indécision causait des lenteurs.

De plus, le 20 décembre 1791, le roi fit signifier à l'électeur de Trèves que, s'il ne s'opposait pas efficacement à tous rassemblemens des émigrés dans ses États, il serait obligé de le regarder comme l'ennemi de la France. Les puissances coalisées faisaient beaucoup de démonstrations hostiles; mais n'était pas encore en mesure de faire la guerre, elles ajournèrent leurs projets. Les électeurs set soumirent en apparence à toutes les satisfactions exigées par la France. L'on fit, dit M. Toulongeon, une grande faute de s'en contenter 1.

Pendant que la coalition gagnait du temps, la Hollande et la Suède, ayant fait la paix avec la Russie, se réunirent aux autres puissances coali– sées. Le Danemarck, gouverné par le ministre Bernstorff, eut la sagesse de n'y prendre aucune part.

Pitt, qui soudoyait et dirigeait secrètement les armemens de l'Europe contre la France, adressait à cette dernière puissance des protestations publiques de son amitié, et les vaisseaux anglais, dans le port de Marseille, se pavoisaient aux couleurs nationales. La coalition temporisait, et la diplomatie trouvait sans peine des prétextes pour justifier ses nombreux préparatifs, et, sous ce rapport, le ministère de France était facile à persuader.

Ce retardement, si l'on en croit quelques per

Histoire de France depuis la révolution, t. II, p. 104.

sonnes, était encore déterminé par un autre motif. « Le système (des puissances étrangères) était de » ne point déclarer la guerre à la France, mais de

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la forcer à la déclarer; et pour cela de la trainer, » de délais en délais, et d'employer l'intervalle » à susciter au-dedans des troubles et des em» barras. On y réussit 1. »

Dans cet état de choses, on pense que les agitateurs étaient sans cesse en activité et favorisaient, dans l'intérieur de la France, les projets du dehors. Aussi, à cette époque, ne voit-on dans les journaux que conspirations vraies ou fausses, que des villes troublées, ensanglantées, et il n'est guère de lieux d'habitation qui, dans les premiers mois de 1792, n'aient été le théâtre de quelques mouvemens, de quelques combats. Le patriotisme était en guerre ouverte contre le fanatisme, contre l'aristocratie. La disette des subsistances, ou les accaparemens de denrées nécessaires, devinrent aussi l'objet ou le prétexte des soulèvemens. Voici une notice succincte de ceux du mois de janvier 1792.

Dans la ville d'Haguenau et dans la nuit du 3 au 4 janvier, un incendie dévora un vaste magasin de fourrage destinés à l'armée française.

Une lettre écrite de Saint-Flour, le 5 janvier, que l'évêque de cette ville fit parvenir au roi, porte qu'un fanatique avait poignardé un prêtre constitutionnel au milieu de la célébration de la messe

'Histoire de France depuis la révolution, par Toulongeon, t. II, p. 108.

de minuit, à l'instant où il consommait le sacrifice. Les troubles d'Avignon et ceux de la ville d'Arles se continuaient avec fureur.

A l'occasion du passage de M. de La Fayette à Verdun, les dragons, en garnison en cette ville, allant au-devant de ce général, furent insultés par les grenadiers du régiment de Poitou qui n'y allèrent pas. Pendant les journées du 8 et du 9 janvier, les deux régimens se battirent, le sang coula, et M. de La Fayette ne parvint à rétablir l'ordre qu'en ordonnant le départ du régiment de Poitou.

Pareille querelle entre des militaires éclate à Thornn dans le même temps et pour des opinions politiques.

A Élicourt, village éloigné de cinq lieues de Bapaume, le sermon d'un prêtre non-sermenté produit du trouble entre les habitans; ils se seraient entregorgés, si un détachement de la garde nationale ne fût survenu.

Le 12 janvier, la ville de Valognes fut le théâtre de divers troubles occasionés par le choix que des municipaux avaient fait d'un chapelain qui n'était point assermenté.

Le même jour, dans la ville d'Arles qui depuis plusieurs mois était en état de révolte, le curé constitutionnel de Sainte-Croix fut décrété de prise de corps, et le curé de Sansaires, village situé dans les environs de cette ville, fut assassiné à coups de sabre, ainsi que sa domestique.,

Le 15 janvier et jours suivans paraissaient être

destinés à une perturbation générale. A Reims, des émissaires ayant semé la discorde entre les bataillons de volontaires en garnison dans cette ville, ils s'attaquèrent; plusieurs furent blessés. La municipalité, le district et la garde nationale eurent beaucoup de peine à rétablir le calme.

Dans les mêmes jours, à Nanci, les hussards de Chamborand se battirent contre ceux du régiment du Rouergue, et commirent plusieurs excès contre les habitans.

A Agen, dans les mêmes jours, une rixe éclate entre les habitans et le cinquième régiment de cavalerie; des coups de fusil sont tirés de part et d'autre.

Dans le même temps le fanatisme fit naître une scène sanglante à Maurepas, village situé près de Péronne plusieurs volontaires furent tués ou blessés.

A La Rochelle, le 15 janvier et les jours suivans une querelle violente s'élève entre les grenadiers du cinquante-unième régiment et des gardes nationaux. La municipalité parvient à la faire cesser.

A la même époque, le camp de Jalès, département de l'Ardèche, reçoit une activité nouvelle : on s'en aperçut par des excès commis dans le voisinage.

A Lille, le 18 janvier, les bouchers et les boulangers ayant refusé de recevoir des soldats de la garnison le prix de leur fourniture en assignats, ces soldats furieux exigèrent que leur solde fût payée en argent. Il fallut beaucoup de prières et de

soins pour arrêter les progrès de cette sédition que les officiers municipaux, dans leur lettre, attribuent aux manoeuvres des ennemis du bien public.

A la même époque, les perturbateurs des départemens méridionaux, nommés à Nîmes les cébets, étaient dirigés et soulevés par les sieurs Froment et Descombier.

Le curé constitutionnel de Montreuil fut assassiné en allant visiter des malades, et mourut de ses blessures dans le même mois.

Le 25 janvier devait éclater à Paris un grand complot, et, à la faveur de la confusion qu'il aurait produit, le roi serait, disait-on, parti pour Metz. Le comité de surveillance en avait acquis toutes les preuves; mais il est permis de douter de leur certitude. Voici l'exposé des événemens qui concourent à la preuve de ce complot.

Dans la nuit du 20 au 21 janvier, le feu se manifesta en trois endroits dans la prison de la Force.

Une agitation extraordinaire commença le di→ manche, et se continua le lundi 23 janvier, avec plus de force. On sait que les lundis sont les jours les plus convenables aux instigateurs qui peuvent facilement la veille séduire le peuple rassemblé dans les cabarets. Tout Paris fut en grand mouvement; le prétexte était la cherté du sucre. Le peuple se porta chez les épiciers et dans les magasins remplis de cette denrée, et demanda qu'elle Lui fût vendue à raison de vingt-deux sous la livre,

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