Page images
PDF
EPUB
[graphic][subsumed][merged small][merged small][merged small][subsumed]

.

CHAPITRE V.

NOUVELLES INVASIONS DE POUVOIRS PAR LA MUNICIPALITÉ PROVISOIRE, MASSACRES DANS LES PRISONS, MASSACRES DES PRISONNIERS D'ORLÉANS TRANSFÉRÉS A VERSAILLES, vol du gardeMEUBLE, COMBAT ET VICTOIRE DE VALMY,

PENDANT que la commune provisoire de Paris démolissait, renversait, brisait les monumens des arts, les monumens de la reconnaissance` nationale; qu'elle supprimait les institutions, même celles établies en faveur de la révolution et de la liberté publique; qu'elle en créait d'autres plus favorables aux projets de ses meneurs; enfin pendant qu'elle organisait l'anarchie et jetait les fondemens de cette épouvantable et longue domination qu'on a nommée le régime de la terreur, les dépar▬ temens, les armées françaises apprirent la chute du trône, et la prison de la famille royale. Ces nouvelles firent sur les esprits des impressions diverses, suivant la position et les principes des individus, suivant la force ou la flexibilité de leur caractère.

Les journaux, les proclamations, en faisant connaitre ces changemens, disposèrent les esprits à les accueillir. Plusieurs départemens, qui avaient sollicité la déchéance du roi, étaient déjà préparés

T. II.

13

à cette catastrophe; elle leur parut la conséquence des voeux qu'ils avaient exprimés, et ne produisit ni mécontentement ni troubles notables. D'ailleurs, les habitans des départemens étaient alors, dans les assemblées électorales, fort occupés, conformément au décret du 11 août, à nommer des députés à la Convention nationale.

Les armées partageaient les opinions de la grande majorité des Français; elles obéissaient aux décrets, sans s'occuper de la nature du pouvoir qui les promulguait, de la faction qui les arrachait: une révolution de plus ne les étonna point; elles la crurent nécessaire. Il n'en fut pas ainsi des officiers-généraux ils jugèrent diversement de la journée du 10 août.

A l'arrivée des commissaires que l'Assemblée nationale envoya dans toutes les armées, Dumouriez, sans balancer, prêta et fit prêter à son armée le nouveau serment exigé.

Le général Dillon se montra d'abord contraire au nouvel ordre de choses; il avait fait récemment renouveler à son armée le serment de fidélité à la constitution; mais à l'arrivée des commissaires, conseillé par Dumouriez, il changea d'opinion et prêta le serment d'être fidèle à la liberté et à l'égalité.

Le général de La Fayette agit différemment. Attaché à ses sermens, attaché à une constitution à laquelle il avait coopéré, et bien informé que faction, qui le poursuivait depuis long-temps et qui

la

dominait alors, était l'ennemie déguisée de la liberté publique, et se confiant trop sur l'appui de plusieurs départemens et sur les soldats de son armée, il se mit en insurrection ouverte, fit arrê– ter les commissaires de l'Assemblée nationale, et, de concert avec la municipalité de Sedan, les fit conduire prisonniers dans le château de cette ville. Cette résistance n'eut point les résultats espérés. Ce général se voyant abandonné de ses soldats, et ne pouvant plus être utile à la France, prit le parti de s'en éloigner. Il espérait traverser, inconnu, les postes ennemis, et gagner la Hollande. Il partit dans la nuit du 19 au 20, accompagné de MM. Bureau de Puzy, La Tour-Maubourg, Alexandre Lameth, du maire de Sedan, etc. Arrivé à Bouillon, il renvoya son escorte de vingt-cinq hommes, et donna des ordres pour que son armée n'eût rien à souffrir de son absence, et que personne ne fût victime de son éloignement.Des obstacles imprévus le firent tomber dans un poste de troupes impériales; il fut arrêté à Rochefort, et ensuite, transféré, de prisons en prisons il eut à souffrir pendant cinq années toutes les rigueurs d'une captivité barbare et impolitique.

Décrété d'accusation par l'Assemblée nationale, il était parti avant que l'ordre de son arrestation fût arrivé. Dumouriez le remplaça dans le commandement de l'armée du Nord.

Diétrick, maire de Strasbourg; les officiers-généraux, Victor Broglie et Desaix, avaient organisé un système de résistance qui ne réussit pas mieux.

Les soldats abandonnèrent leurs généraux qui restèrent seuls avec leur projet et ses fatales conséquences. Peu de temps après, Diétrick et de Broglie périrent sur l'échafaud; Desaix, que sa destinée réservait à une carrière de gloire, fut absous.

[ocr errors]

Le vieux général Lukner, étonné de l'événement du 10 août, restait indécis sur le parti qu'il devait prendre, recevait des conseils de plusieurs partis et ne savait lequel suivre. « Il écrivait à La Fayette de compter sur lui; il disait à ses soldats: » Mes camarades, il est arrivé un accident à Paris ; mon ami La Fayette a fait arréter les commissaires, et il a bien fait. Peu de jours après, ap>> pelé à la municipalité de Metz, il jura, en pleu»rant, tout ce qu'on voulut '. »

Les généraux Biron et Kellermann prêtèrent sans balancer le nouveau serment; ceux de l'armée du Midi en firent autant.

Dans l'intérieur de la France et parmi la grande majorité des Français, le sort malheureux de la famille royale, il faut le dire, ne produisit point de sensations notables. Les familiers de la cour y prenaient seuls intérêt; l'attention des Français était entièrement absorbée par les dangers de la patrie et par les élections; le plus grand nombre croyait que la prison du roi était un acte de justice; les classes faibles et non pensantes, qui se

Histoire de France depuis la révolution, par Toulongeon. t. II, p. 269.

« PreviousContinue »