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moindre résistance occasionerait de grands malheurs; que les ministres ne répondaient plus de la conservation de la personne du roi; qu'ils ne voyaient d'autre moyen de le sauver que l'envoi d'une députation du corps législatif qui couvrirait de son inviolabilité le roi et sa famille; que Louis XVI désirait et demandait cette députation; qu'il n'oublierait jamais l'effet heureux qu'avait produit une pareille démarche le 20 juin, et qu'il ne doutait pas que, dans les circonstances présentes, les résultats n'en fussent aussi avantageux'.

Cette proposition, appuyée par quelques membres, fut rejetée par plusieurs autres. Ceux qui avaient composé la députation auprès du roi, dans la journée du 20 juin, se plaignirent d'avoir été insultés au château. La proposition n'eut pas de

suite.

Le château des Tuileries, comme le disait le ministre, était alors investi. Les Marseillais, les Bretons, et la colonne du faubourg Saint-Antoine, grossie en route, étaient rangés en bataille sur la place du Carrousel. Un bataillon du faubourg Saint-Marcel pénètre par la terrasse des Feuillans dans le jardin des Tuileries; un bataillon de la Croix-Rouge se saisit du Pont-Royal. Des gendarmes et des bataillons entiers de gardes natio

'Mémoires de Ferrières, tom. III, p. 183, 184. (Collect. B. F.)

nales, destinés à la défense du château, quittent le poste qui leur était assigné, et, aux cris de vive la nation! se replient sur le Petit-Carrousel, ́se rangent parmi les assaillans.

La cour, assiégée de toutes parts, avait fait placer des troupes à chaque barricade de ses portes et des canons sur divers points.

On voyait les officiers suisses encourager leurs soldats, leur distribuer du pain, de l'eau-de-vie, et leur dire que les Marseillais qu'ils avaient à combattre n'étaient que des malfaiteurs, des galériens, de ces hommes qui avaient désarmé le régiment d'Ernest, qui les désarmeraient aussi, et assassineraient ensuite la famille royale. Vaines exhortations!

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« On croyait tellement au château que l'attaque >> n'aurait pas lieu, qu'à sept heures du matin, on s'y occupait encore à rédiger une pétition à » l'Assemblée, pour demander l'éloignement des >> Marseillais. Cette pétition circula et fut couverte » d'un assez grand nombre de signatures. Le

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'Quelques signatures furent surprises. Voici ce que rapporte un des signataires. « On vint me dire que l'état-major faisait une pétition pour être présentée à l'Assemblée nationale afin d'obtenir un décret qui était d'avance mon c'était de conduire le roi et sa famille à l'Assemblée. » En effet on apporta cet écrit, j'y apposai ma signature... J'appris une demi-heure après que je n'avais pas signé ce

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que j'avais cru; mais bien une pétition tendante à demander

qu'il fût rendu un décret pour le renvoi dans la matinée de » tous les fédérés qui sont dans la capitale, ainsi que les Mar

>> conseil se tenait toujours dans le cabinet du » roi, où se trouvaient aussi la reine et la famille

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royale.

>> Vers huit heures, un officier municipal était '» » entré et avait apporté la nouvelle que les co>> lonnes rassemblées se portaient de tous les points de Paris sur les Tuileries. Eh bien! que » veulent-ils ? dit le garde-des-sceaux Dejoly. Le » municipal répondit: La déchéance. Eh bien! que l'Assemblée la prononce donc! La reine dit: >> Mais que deviendra le roi? L'officier municipal se courba sans répondre.

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>> Alors le procureur général (Roederer), à la tète » du département, revêtu de son écharpe, entra » et dit : Personne ne doit s'interposer entre le dé»partement et le roi; je dois étre seul ici avec le >> roi et la reine. On se retira.

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» Il leur déclara que le péril était à son comble; >> que la majeure partie de la garde nationale était séduite; que le reste incertain était insuffisant » pour défendre la demeure du roi; qu'infaillible»ment le roi, la reine, leurs enfans et tout ce qui >> se trouvait près d'eux, seraient égorgés, si le >> roi ne prenait sur-le-champ le parti de se ren» dre à l'Assemblée nationale. La reine s'opposa >>fortement à l'exécution de ce conseil. Elle avait

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seillais et les Bretons. » (Mémoires de François Viard, capitaine-chasseur, pièces comprises au premier inventaire des pièces justificatives, p. 142, 143.)

» déjà dit qu'elle préférait se faire clouer aux murs » du château, plutôt que d'en sortir. Elle pressa » même le roi, en lui présentant des armes. On lui >> dit alors: Vous voulez donc, Madame, nous ren»dre responsables de la mort du roi, de votre fils, » de Madame, de vous-même et de toutes les personnes qui sont ici pour vous défendre'? »

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Voici comment le marquis de Ferrières rend cette scène : « La reine s'élève avec force contre » cette proposition de Roederer; elle la trouve >> déshonorante; tous gardent le silence. Quoi ! » s'écrie la reine dans un moment de dépit, nous » sommes seuls! personne ne peut agir? - Oui, » Madame, seuls, répond Roederer, l'action est » inutile, la résistance impossible. M. Gerdret » membre du département, ajoute quelques ob>>servations. La reine l'interrompt brusquement : » Taisez-vous, Monsieur, vous êtes le seul qui » n'ayez pas le droit de parler ici; quand on a fait » le mal, on ne doit pas vouloir le réparer. M. Ger>> dret se tait 2. »

Le roi, entraîné par la dernière réflexion de M. Roederer, sans répondre3 se leva, et fit un geste

'Histoire de France depuis la révolution, par M. Toulongeon, t. II, p. 344.

2 Mémoires du marquis de Ferrières, tom. III, p. 190. (Col. B. F.)

3 M. Toulongeon dit que le roi ne répondit rien; d'autres personnes lui attribuent diverses paroles; suivant Ferrières, le roi s'écria En élevant la main au ciel Allons, donnons

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qui annonçait qu'il désirait que son action fût imitée. La reine dit à M. Roederer: Monsieur, vous répondez de la personne du roi; vous répondez de celle de mon fils. Madame, répliqua Roederer, nous répondons de mourir à vos côtés : voilà tout ce que nous pouvons garantir.

La famille royale sortit du château par la porte qui s'ouvre sur le jardin des Tuileries, et le traversa diagonalement pour se rendre dans la salle du corps législatif; elle fut, dans ce trajet, escortée par un peloton des grenadiers de la section des FillesSaint-Thomas et par un peloton des gardes-suisses, par MM. de Maillardoz, de Bachmann, de SalisZizers, aide-major, Chollet et Allimann, adjudans. M. de Salis-Zizers disposa ces troupes en bataillon carré, et fit faire halte devant quelques hommes audacieux et féroces qui portaient la tête de Mandat, et leur imposa par sa bonne contenance. Arrivé sur la terrasse des Feuillans couverte d'individus, le roi éprouva quelques obstacles. Le passage lui fut refusé. La reine eut dans cette traversée quelques désagrémens à souffrir. M. Roederer adressa à la multitude un discours où il parlait de lois et de constitution: son éloquence fut perdue.

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encore, puisqu'il le faut, cette dernière marque de dévoue» ment. » Suivant madame Campan, il dit, s'adressant aux ministres et aux personnes qui l'entouraient: Allons, Messieurs, il n'y a plus rien à faire ici.

1 Point de femme! criait-on, paroles injurieuses.

en assaisonnant ces mots de

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