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» d'un ruban: un fil de soie est une barrière qui » l'arrête aujourd'hui tout court'. »

masques,

Si Paris, à la fin de juillet, se trouvait dans un état d'irritation et voisin de l'anarchie, si les partis, sous différens cherchaient à se surmonter réciproquement, les départemens méridionaux n'étaient pas à l'abri de pareilles convulsions. Les ennemis de la France avaient organisé dans ces régions un plan de conjuration qui devait éclater en même temps sur différens points; ils employèrent, comme à leur ordinaire, l'aristocratie pour porter les premiers coups, et la démocratie pour les re

pousser avec violence et cruauté.

Les départemens du Var et des Bouches-du-Rhône étaient les théâtres de cette perturbation. A Pertuis, le 15 juillet, l'aristocratie, au signal du son d'une cloche, attaque les patriotes de cette ville; ceux-ci, pris au dépourvu, résistent faiblement; mais, secourus par quelques communes voisines, ils obtiennent l'avantage. Six aristocrates périrent surle-champ ou des suites de leurs blessures.

A Marseille, des conjurés avaient formé le plan d'égorger tous les patriotes de cette ville, et l'attaque devait éclater dans la nuit du 14 au 15 juillet. Le projet fut dénoncé ; des preuves palpables furent découvertes; une grande partie des conjurés s'évada et quelques-uns furent traduits dans les prisons. Le peuple les força et en arracha les détenus, les

Révolutions de Paris, t. XIII, p. 212.

massacra, et le lendemain il exerça encore sa vengeance sur six particuliers qui reçurent la mort de ses mains'.

A Toulon, troubles semblables. Une députation du département des Bouches-du-Rhône, d'après des craintes très-fondées, était venue demander au directoire de ce département la levée de six mille hommes pour défendre les frontières du côté du Piémont, alors menacées par les nombreuses troupes du roi de Sardaigne; pour défendre les côtes de la Méditerranée, pareillement menacées par des flottes ennemies; enfin pour se mettre en garde contre les secrètes conspirations de l'intérieur. Les membres de ce directoire ne décidaient rien, gagnaient du temps, et un d'eux, nommé Reboul, semblait se réjouir de l'alarme générale, et disait : Bientôt les Savoisiens viendront manger la soupe à Toulon.

Les Toulonnais, justement irrités et peut-être instigués par des agens de trouble, toujours prêts à profiter du mécontentement, s'altroupent et viennent demander au directoire une réponse définitive. Les membres du district et de la municipalité se réu

'Ces bris de prisons, ces massacres précipités, opérés par le prétendu peuple, étaient généralement instigués par des directeurs de conspirations qui, voyant la mine éventée, les chefs exécuteurs arrêtés, les sacrifiaient en les faisant tuer, afin que le plan et les noms de ces directeurs, restés inconnus, pussent échapper aux informations et aux interrogatoires de la justice. Cette pratique criminelle fut mise en usage dans presque tous les mouvemens révolutionnaires.

nissent et renouvellent la même demande. Ils n'obtiennent rien de satisfaisant. Alors huit membres du directoire sont saisis et pendus au fer d'un réverbère.

Lyon était aussi menacé d'une crise; la plupart des émigrés résidans à Nice, secrètement et par ordre, s'étaient rendus à la même époque dans cette ville. On comptait dix-huit mille hommes à Lyon, tous disposés à seconder les attaques des Piémontais. Cette réunion d'hommes alarma les habitans, et les disposa à se tenir sur leurs gardes.

Les patriotes de ces pays méridionaux, se voyant abandonnés de toutes parts, se réunirent, se concertèrent pour se protéger réciproquement, et ils établirent à Toulon un comité central, où, le 18 juillet, ils jurèrent de s'entre-secourir, de n'accorder aux ennemis intérieurs et extérieurs aucune trève et de les poursuivre sans relâche.

Plusieurs autres cantons de la France éprouvèrent, à la même époque, les mêmes craintes, et des troubles suivis de violences semblables. Lorsqu'un chef de nation laisse échapper de ses mains les rênes de l'État, les partis s'en saisissent, se les arrachent; les intrigues et les passions gou

vernent.

Tel était l'état de la France vers la fin de juillet, à la veille d'une catastrophe terrible, celle du renversement du trône : la guerre sur les frontières sans succès décisifs; au-dedans, des tentatives de guerres civiles suivies de massacres; un gouver

nement auquel il ne restait de force que sa liste civile, dont il prodiguait sans discernement l'or pour se faire des partisans, et ne s'en faisait pas. Les moyens artificieux que lui suggérait sa faiblesse, toujours découverts et dénoncés au public, nuisaient plus à la cause du trône qu'ils ne servaient à sa défense. Le mal s'accrut avec le mécontentement, parce que ce gouvernement, toujours séduit par de vaines espérances, toujours entraîné par l'habitude, par des préjugés, suivit la fausse route que lui avaient tracée ses passions, méconnut constamment la puissance de l'opinion publique, et dédaigna l'unique moyen de salut que lui présentaient les circonstances, celui de s'attacher franchement et de bonne foi à la cause de la majorité des Français. Fortifié par cette réunion, il aurait facilement réprimé les ambitions de l'intérieur, au'rait même triomphé de la faction plus redoutable du ministère anglais. Mais pour prendre, pour exé cuter une telle résolution, il fallait en être capable, il fallait être doué d'une force d'ame, d'une force de raison, supérieures à celles du commun des hommes.

CHAPITRE IV.

JOURNÉE DU 10 AOUT 1792, CHute du trône, EMPRISONNEMENT

DE LA FAMILLE ROYALE.

JE ferai ici le récit des faits, et peu de réflexions. Le trône de France n'était qu'ébranlé, et déjà on parlait d'en élever un nouveau, d'y placer une nouvelle dynastie: le duc de Brunswick était indiqué pour y remplacer les Bourbons. Quelques ambitions subalternes osaient aussi se produire; l'on rêvait l'établissement d'une république, et l'état des choses en fit naître la pensée.

Les deux partis de l'Assemblée nationale, même celui qui désirait le plus le maintien de la constitution, et la monarchie, en considérant les entraves secrètes qu'on opposait à sa marche pendant qu'on paraissait la favoriser, sentaient, dans une circonstance aussi périlleuse, l'impossibilité de soutenir avec succès la guerre étrangère, et faire taire les factions qui désolaient l'intérieur du royaume. Où il fallait de l'énergie, une grande activité, une droiture d'intention on ne trouvait qu'indifférence et promesses vaines. On marchait en apparence au but, mais on employait des lenteurs, on prenait des détours pour n'y arriver jamais à propos, ou pour ne pas y arriver.

Dans la séance des 26 et 27 juin, on avait lu les

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