hardi dont je parlerai dans le chapitre suivant, ou plutôt ce projet lui avait été suscité par l'ennemi constant de la France et de la monarchie; car, en révolution, souvent tel se croit l'auteur d'un projet, qui n'est que l'exécuteur du projet d'un autre. Ce parti manda des fédérés de quelques départemens; ceux de Bretagne, arrivés à Paris le 25 juillet, furent accueillis par les Parisiens aux cris de vive la nation! et logés à la caserne des Cordeliers. Le matin du 30 du même mois, les fédérés marseillais firent leur entrée dans cette capitale. Ils furent reçus avec des transports de joie; conduits à l'hôtel de la Mairie, ils défilèrent devant le maire, puis furent invités à un dîner patriotique. De cinq cents qu'ils étaient, cent restèrent à la caserne de la Nouvelle-France, et quatre cents se rendirent aux Champs-Élysées, chez un restaurateur qui portait pour enseigne : Le grand salon du couronnement de la constitution '. Près de ce grand salon, où se rendaient les Marseillais, était une maison pareille, appelée JardinRoyal, où venaient de diner quarante ou cinquante particuliers, la plupart grenadiers des sections des Filles-Saint-Thomas et des Petits-Pères, où se trou En se rendant aux Champs-Élysées, ces 400 Marseillais commirent quelques violences: ils arrachèrent de la tête de quelques particuliers, des chapeaux ornés de cocardes de rubans, cocardes proscrites par invitation depuis quelques jours; ce début, qui annonçait l'exaltation de leur patriotisme, ne fut point approuvé. vaient aussi quelques gardes-du-corps, des officiers suisses et des hommes attachés au service des Tuileries, presque tous vêtus en gardes nationales. Ils sortaient de table au moment où les Marseillais allaient s'y mettre chez le traiteur voisin. Il s'éleva bientôt entre ces deux compagnies de dineurs une scène violente que les partis ont diversement racontée. Toutefois il paraît certain que des personnes inconnues vinrent dire aux Marseillais réunis, que les dîneurs du voisinage avaient crié vive le roi! vive la reine! à bas la nation! avaient chanté des chansons inciviques; qu'ayant témoigné leur indignation, ces personnes furent insultées, menacées, poursuivies. A ce récit se joignirent ces cris: A nous les Marseillais! aux armes! Alors ceux-ci s'élancent hors de la maison, franchissent les barricades qui les séparaient de celle où se trouvaient les grenadiers des Filles-SaintThomas; le peuple crie qu'il faut les désarmer; les Marseillais répondent que, pour cette opération, il faut les conduire dans un corps-de-garde On se bat : les grenadiers des Filles-Saint-Thomas résistent, mais cèdent bientôt à la supériorité du nombre, à l'impétuosité des Marseillais, et fuient à travers les Champs-Élysées; plusieurs se réfugient dans le jardin des Tuileries, et font, après eux, fermer le Pont-Tournant. Des combats particuliers s'engagent sur la place de Louis XV, et des coups de sabre sont donnés. Un coup de pistolet blesse un Marseillais à l'épaule. Un nommé Duhamel, accusé de l'avoir tiré, est poursuivi par le peuple jusqu'à la rue Saint-Florentin; il est arrêté et massacré par ce même peuple qui avait suscité la querelle. Il est évident que cet événement était prémédité et arrangé par le génie malfaisant qui déjà avait si souvent rempli la France de troubles et de crimes. Barbaroux, dans ses Mémoires, dit, au sujet de ce dîner : « J'ai lieu de croire que cette partie ne fut » pas proposée par le sentiment, mais par une » noire combinaison. » En effet, pourquoi placer dans le même voisinage des compagnies d'hommes de partis contraires? Santerre fit cette disposition. Santerre, qui portant le masque d'un patriotisme exagéré, ne laissait pas de se montrer souvent docile aux factions ennemies de la liberté. Qui amena cette troupe nombreuse d'hommes et de femmes troupe étrangère aux dîners, troupe qui ne semble avoir été placée là que pour faire des rapports sans doute mensongers, allumer les brandons de la discorde, irriter les Marseillais contre leurs voisins et les provoquer à une lutte sanglante? Remarquons que parmi cette troupe se trouva la fameuse Reine Audu qui, dans les journées des 5 ́et 6 octobre, et dans d'autres journées, suscitées par le ministère anglais, figura au premier rang des femmes turbulentes et sanguinaires. 1 Les Marseillais, fatigués d'un long voyage, ar Mémoires de Barbaroux, page 53. (Collect. B. F. ) |