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Dans la séance du 18, d'autres dépêches annoncent la prise du château de Bannes, l'arrestation de la plus grande partie des séditieux, et notamment celle de Du Saillant qui, fuyant, déguisé en prêtre, offrait, pour être relâché, soixante louis à un vétéran qui l'arrêtait: il fut presqu'aussitôt immolé à l'indignation publique. On apprit aussi l'abbé La Bastide, un des chefs du camp de Jalès, avait subi le même sort; que cinquante-une personnes du nombre des conjurés, parmi lesquelles se trouvaient plusieurs prêtres et une demoiselle, étaient en arrestation, et que les châteaux de Bannes et de Jalès avaient été incendiés.

que

L'Assemblée rendit alors un décret d'accusation contre les cinquante - une personnes arrêtées, et accorda trois mille livres au vétéran qui, en se saisissant de la personne de Du Saillant, avait repoussé les moyens de séduction que lui offrait ce chef de conjurés.

Ces rebelles avaient pris les armes pour renverser les institutions nouvelles, et ramener celles de la barbarie qui leur étaient profitables. Les patriotes les combattaient pour maintenir la liberté qu'ils avaient juré de défendre. De part et d'autre on pillait, on brûlait, on s'entretuait; de part et d'autre se commettaient tous les crimes de la guerre civile: tant un ordre de choses, fondé sur la raison et la justice, est difficile à établir!

Ces conjurés avaient appelé, je ne dis pas la religion, mais les croyances populaires et le fa

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natisme à leur secours. Ils prenaient le titre de défenseurs du roi et de la religion; leur cri de guerre était : Nous combattons pour la religion et pour notre bon roi Louis XVI. Ils avaient pour signe de ralliement un cœur de Jésus couronné, et portaient à leurs chapeaux une croix d'or.

Tous ces moyens, propres à exalter les têtes des ignorans, furent découverts après leur déroute. On découvrit aussi, parmi leurs papiers, des preuves incontestables de leur connivence avec les chefs de l'émigration, et un plan concerté entre Coblentz et Jalès; plan qui, comme tant d'autres, était mal conçu, parce que ses auteurs, trop présomptueux, ne daignaient jamais faire entrer dans leur calcul, la force et la résistance de l'opinion publique.

A cette levée de boucliers, quoique criminelle et par conséquent inexcusable, se rattachait toutefois, non quelque chose de louable, mais une sorte d'héroïsme qui tempérait ce qu'elle avait d'odieux. Elle coïncidait, il est vrai, avec les mouvemens de plusieurs contre - révolutionnaires de l'intérieur, notamment avec la révolte de la ville d'Arles et de la fameuse société de ce lieu, nommée la Chiffonne, parce que ses membres, pour signe de ralliement, portaient un siphon en métal à leur boutonnière. Mais ces chefs contre-révolutionnaires de l'Ardèche combattaient à découvert et faisaient la guerre franchement.

On préfèrera cette guerre ouverte à une guerre

dissimulée, fort en usage alors; on aimera mieux être attaqué en face que par derrière; par l'ennemi qui se montre que par l'ennemi qui, en vous embrassant, vous poignarde. On préfèrera la conduite de Du Saillant et de ses complices à celle de certains ministres français.

On a dit que quelques ministres entreprirent de réformer l'opinion publique; qu'ils soldèrent à grands frais des bandes d'écrivains, de pamphlé– taires, de journalistes, d'orateurs, d'observateurs, d'applaudisseurs, etc. On voyait en conséquence sur les quais, sur les places publiques, des groupes nombreux; et au centre de chacun d'eux un orateur qui pérorait contre la révolution; on y voyait aussi de petites tribunes portatives où se plaçait un lecteur de journaux et de pamphlets dirigés contre les patriotes. Cette entreprise immorale était de plus insensée; mais celle dont M. Bertrand de Molleville se vante d'être l'auteur, qui consistait en un club composé de contrerévolutionnaires armés de piques, coiffés du bonnet rouge, déguisés en jacobins, était une perfidie 1.

Il ne peut, quoi qu'on en dise, exister deux morales, l'une pour les gouvernans, l'autre pour les gouvernés : la morale est une, elle est de tous les temps, de tous les lieux; elle oblige les hommes de toutes les classes; elle est vénérée par la

Voyez présent volume (pag. 30 et 31.)

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