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aboutirait à la prohibition des automobiles de poids lourd; décharger les requérants des condamnations prononcées contre eux; condamner l'État aux dépens; subsidiairement, ordonner une expertise à fins de constater les effets de la circulation de la voiture sur une route en bon état de construction et d'entretien ;

Lombard, à leurs modes de transport, le 1er octobre 1910. Cette machine, qui en charge, pèse 16 tonnes, remorquant deux wagonnets, contenant 2 mètres cubes de terre chacun, et marchant de 18 à 20 kilomètres à l'heure, a dû (on le conçoit facilement) défoncer complètement la route. Il n'est pas nécessaire d'être un technicien pour le comprendre il n'y a pas de route qui puisse résister aux passages fréquents de pareils engins! D'ailleurs, l'expertise ordonnée par le conseil de préfecture a abouti à des conclusions unanimes des trois experts. Elle a été faite, en prenant pour base l'état de la chaussée avant les transports automobiles, l'état de la chaussée après ces transports, l'évaluation des dégradations dues à la circulation habituelle, l'évaluation des dégradations faites par les transports automobiles. Les experts ont, en somme, employé le mode d'évaluation qui est d'usage courant pour la fixation des subventions spéciales pour dégradations aux chemins vicinaux.

Nous ne croyons pas que ce système ait, en l'espèce, donné un mauvais résultat. Le chiffre de l'indemnité de 10.306 francs, auquel aboutissent les conclusions unanimes des experts, nous semble une évaluation aussi équitable que possible, du montant de l'indemnité due par les requérants à l'Etat. Messieurs, si vous partagez notre manière de voir, si vous estimez, comme nous, que la loi du 29 floréal an X permet de poursuivre et de réparer les dégradations commises aux routes nationales par l'abus de la circulation des automobiles, vous aurez rendu à la voirie française et à l'industre automobile un service signalé; vous permettrez ainsi à l'Administration de réclamer aux auteurs responsables des dégradations, de plus en plus sérieuses, causées à nos routes, les indemnités nécessaires à leur reparation, vous allégerez d'autant les dépens de l'Etat, et vous éviterez peut-être ainsi l'établissement de taxes nouvelles, dont l'industrie automoinle s'est quelque peu émue. Et qu'on ne vienne pas surtout nous objecter, qu'en obligeant les propriétaires de voitures automobiles de poids lourds à reparer les dégradations causées par leurs véhicules, vous allez paralyser une industrie particulièrement nécessaire à la défense nationale. Les intérets du service des ponts et chaussées sont, au contraire, en complet accord avec ceux de la défense nationale, et le ministre de la guerre l'a fort bien reconnu dans une lettre qu'il adressait, le 13 février 1912, au ministre des travaux publics, pour approuver les projets de limitation de vitesse et de poids qui étaient proposés pour le futur code de la route. Depuis cette poque, le ministère de la guerre a imposé, dans les épreuves des concours de véhicules de poids lourds (pour 1914), les conditions de limitation de poids, que proposait le ministre des travaux publics. Or, les charges maxima, qu'admet le ministère de la guerre, sont de : 9 tonnes 1/2, pour des véhicules qui, à vide, doivent être au plus de 3 tonnes 1 2 lorsqu'ils sont à quatre roues, de 4 tonnes 1 2 lorsqu'ils sont à six roues. Nous voilà bien loin, messieurs, du poids formidable de 16 tonnes, qui est celui du camion des sieurs Bastin et Lombard, poids auquel ne saurait résister

Vu les observations présentées par le ministre des travaux publics.... tendant au rejet des requêtes, par les motifs que le procès-verbal a été notifié, à la requête du préfet, par le maire, agent administratif, et qu'il a été ainsi satisfait aux prescriptions de l'art. 10 de la loi du 22 juillet 1889; que le moyen de forme invoqué contre les arrêtés est sans grand intérêt, le Conseil d'État pouvant évoquer l'affaire; que rien ne s'oppose à ce que les différents faits successifs constituant les contraventions soient réunis par les agents verbalisateurs jusqu'à la constatation définitive et transcrits avec elle dans un même procèsverbal; que, si le législateur de 1851 a proclamé le principe de la liberté en ce qui concerne le poids des véhicules, il ne pouvait songer alors à la traction automobile avec ses poids lourds et que lui-même a prévu pour les prévenir, dans l'art. 9 de la loi, les excès que ses dispositions libérales peuvent engendrer ; que les sieurs Bastin, Lombard et Cie, en faisant circuler une voiture d'un poids excessif et à une vitesse exagérée, si on les compare aux maxima fixés par le deuxième congrès international de la route, ont commis une de ces fautes punies comme constituant un abus de la route; que les requérants incriminent l'état de la chaussée, la déclivité, la circulation normale, mais que les experts ont tenu compte de ces divers éléments pour fixer l'indemnité due;

Vu (les lois des 29 floréal an X, 30 mai 1851 et 22 juillet 1889);

CONSIDERANT que les deux requêtes sus-visées sont dirigées contre deux arrêtés intervenus dans une même instance; que, dès lors, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

En la forme: - Cons. que, contrairement aux prescriptions de l'art. 48 de la loi du 22 juillet 1889, le conseil de préfecture, dans son arrêté interlocutoire du 13 mai 1911, par lequel il reconnaissait le principe de la responsabilité des sieurs Bastin, Lombard et C", s'est borné

aucune route, si solide qu'elle soit. Le ministre de la guerre a prohibé l'emploi de tels engins, qui ne sauraient être utiles au service de la defense nationale. Et comme l'indiquait, en 1912, M. Millerand, le bon état des routes intéresse la défense nationale, au moins autant que l'assurance d'avoir, en temps utile, les voitures de poids lourds nécessaires aux transports des armées. Pour nous résumer, messieurs, nous estimons que la lo de 1851 n'était pas applicable à l'espèce actuelle, mais que la loi du 29 floreal an X permet de condamner les requérants à la réparation des dégradations causées au sol de la route nationale n° 51, par le passage répeté de leurs camions et wagonnets employés au transport des terres.

« Nous concluons en conséquence : 1o à l'annulation des arrêtés du conseil de préfecture de la Marne, des 13 mai 1911 et 2 mai 1912; 2o à la condamnation des sieurs Bastin et Lombard au paiement de 10.306 francs en réparation du dommage causé et aux frais du procès-verbal »

à viser, sans les rapporter textuellement, les dispositions législatives dont il faisait l'application; que, dès lors, cet arrêté doit être annulé pour vice de forme et qu'il y a lieu d'annuler par voie de conséquence l'arrêté définitif du 2 mai 1912;

Mais cons. que l'état de l'instruction permet au Conseil d'État de statuer immédiatement;

Sur la régularité de la procédure : Cons. qu'il résulte des pièces versées au dossier par le procès-verbal de contravention du 5 janvier 1911 a été notifié à la requête du préfet, ainsi que l'affirmation avec citation à comparaitre; qu'ainsi les sieurs Bastin, Lombard et Cie ne sont pas fondés à soutenir qu'il n'a pas été satisfait aux prescriptions de l'art. 10 de la loi du 22 juillet 1889;

Au fond: Cons. que, si le procès-verbal relate des faits dont. l'agent verbalisateur n'a pas été personnellement témoin et qui, dès lors, ne doivent pas être considérés comme établis jusqu'à preuve contraire, il peut néanmoins, ayant été dressé par un agent qui a qualité à cet effet, servir de base aux poursuites et motiver une condamnation, si ses énonciations sont confirmées par les autres documents du dossier;

Cons. qu'il résulte de l'instruction qu'un camion automobile appartenant aux sieurs Bastin, Lombard et Cie a, par suite de son poids considérable, causé d'importantes dégradations au sol de la route. nationale n° 51;

Cons. à la vérité que la loi du 30 mai 1851 dispose dans son art. 1er que les voitures suspendues ou non suspendues, servant 'au transport des personnes ou des marchandises, peuvent circuler sur les routes nationales, départementales et chemins vicinaux de grande communication sans aucune condition de réglementation de poids » ; qu'ainsi, il ne saurait être fait application dans l'espèce des sanctions prévues par l'art. 9 de ladite loi;

Mais cons. que le fait de mettre en circulation un véhicule d'un poids exceptionnel, susceptible par son seul passage de causer à la voie publique des dégradations profondes, constitue un usage anormal de la route; que la circonstance que ce fait n'est pas réprimé par la législation actuelle sur la police du roulage ne fait pas obstacle à ce que les conséquences dommageables qui en résultent pour le domaine public donnent lieu à des poursuites par application de la loi du 29 floréal an X, dont l'art. 1er range parmi les contraventions de grande voirie toutes espèces de détériorations commises sur les grandes. routes;

Cons. que les agents de l'Administration ont pu constater l'importance des dégradations causées par le camion automobile des contreve

nants, lors de ses passages successifs, au sol de la route nationale n° 51, de 1er octobre 1910 au 2 janvier 1911, entre les points kilométriques 38.930 et 43.450; qu'il résulte de l'ensemble des pièces du dossier qu'en tenant compte de l'état de la chaussée, des saisons et de la circulation habituelle, il sera fait une exacte évaluation du montant total du dommage en le fixant à la somme de 10.000 francs;... (Arrêtés en date des 13 mai 1911 et 1er mai 1912, annulés pour vice de forme; les sieurs Bastin, Lombard et Cie sont condamnés: 1o au paiement d'une somme de 10.000 francs en réparation du dommage causé par leur camion automobile à la route nationale n° 51, du 1er octobre 1910 au 2 janv. 1911, entre les points kilométriques 38.930 et 43.450; 2o aux frais du procès-verbal dressé contre eux le 5 janvier 1911; 3° aux frais de l'expertise à laquelle il a été procédé).

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N° 216

[4 mars 1914.]

Travaux publics communaux. Architectes. Honoraires. Agent-voyer directeur de la voirie d'une ville démissionnaire. Réclamation d'honoraires et de supplément de traitement (Faron). Voir C. d'Et., p. 294.

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d'égouts dans la Seine. - Pollution de la Seine. — Immeubles riverains. Responsabilité de la ville.

La ville de Paris est responsable de la dépréciation causée à des immeubles par suite des émanations provenant de la Seine contaminée par le déversement des matières de vidange apportées par les égouts de Paris, ayant leur débouché dans la Seine. Sa responsabilité ne saurait être atténuée, alors que la ville n'établit pas que le dommage ait été aggravé, dans une proportion appréciable, par d'autres eaux que celle de l'égout

collecteur ou par l'organisation du régime du fleuve. Rejet, d'autre part, d'un argument tiré de ce que les déversements auraient été suspendus pendant l'une des huit années en cause, cette interruption, toute momentanée, n'ayant pu avoir d'influence sur les dommages éprouvés (1).

En conséquenee, des indemnités ont été allouées à raison du préjudice causé: à un restaurateur, pour dépréciation défitire de son immeuble et de son fonds de commerce, la ville n'ayant pas indiqué un programme de travaux de nature à faire cesser le préjudice souffert; mais le chiffre des pertes annuelles, fixé par le conseil de préfecture, a été réduit à celui donné par le troisième expert, en tenant compte de la situation de l'établissement contigu à un bras de la Seine à demi desséché (Ville de Paris c. Lemaire, 1re esp.). ; — à un autre restaurateur pour pertes annuelles subies par son établissement; mais une indemnité de dépréciation définitive a été refusée, les additions effectuées depuis l'origine du dommage à l'établissement même en faisant présumer que l'établissement, situé sur la terre ferme, près d'une grande route, avait conservé une clientèle de passage, malgré l'état du fleuve (Ville de Paris c. Giquel, 2 esp.); à un patron pêcheur éprouvé, dans son industrie, par des disparitions du poisson à certaines époques de la période en cause; mais une indemnité de dépréciation définitive a été refusée, étant donné le caractère temporaire de sa permission de pêche et les conditions dans lesquelles cette permission avait été finalement renouvelée (Deshayes, 3oesp.);

aur héritiers d'un maître lavoir avec établissement de bains, pour pertes annuelles et même dépréciation définitive, le bail avec promesse de vente dont était titulaire cet exploitant lors du début des dommages ne tenant pas compte des dépréciations qu'ont subies par la suite le lavoir et l'établissement de bains Héritiers Pottier, 4 esp.).

1" ESP.

(39.942. Ville de Paris c. Lemaire. - MM. Worms, rapp.; Corneille, c. du g. ; Mes Aubert et Dufour, av.).

Vr LA REQUÊTE présentée pour la ville de Paris..., et tendant à ce

4. Voy. Ville de Paris c. Clerdonnet et autres espèces jugées par arrêts du 18 mars 1904, p. 249, et aussi Ville de Paris c. Demoiselle Talon, fi juin 1907, p. 565.

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