Page images
PDF
EPUB

Elle eft belle fans fard; à sa voix confolante
Un fentiment nouveau pénetré dans mon cœur:
J'entrevois les verrus qui menent au bonheur.
Mon âme en treflaillant rejette l'impofture,
Et je me lens meilleur, plus près de la nature.

Ton Poëme à la main, je parcours quelquefois, Mes plaines, mes côteaux, mes vallons & mes bois;

J'apperçois le flambeau, précédé par l'aurore,
Sortir du fein des mers que fon éclat colore; *
Je jouis du midi, de la fin d'un beau jour;
Chaque objet pour tes vers augmente mon amour.
Tu peins ce que je vois, & tu le peins en maître.
Le bourgeon entr'ouvert, la fleur qui vient de

naître,

Cette fource qui fuit, ces odorans berceaux,
L'haleine des zéphyrs, le doux chant des oileaux,
Mes troupeaux bondiflans fur la verte prairie,
Les épis vacillans dans la plaine jaunie,
Ces fites variés, ces grouppes, ce lointain,
Tout ce qui m'environne eft tracé de ta main.

Cependant fi le fort t'eût conduit fur ces rives,
Où la Newa fix mois tient les ondes captives;

*La campagne de l'Auteur eft fur les bords da golfe de Finlande.

Ou, d'un char parcffeux, Phébus verse long

temps

Une clarté doute ufe & des rayons mourans ;
La Nature, fublime, étonnante, énergique,
Eût fans doute occupé ton efprit poëtique.
Tu peignis les hivers; mais ceux de nos climats
Ost pour l'obfervateur de plus piquans appas,
Des traits plus reflentis, un plus grand caractère.
Quand l'Epoux d'Orythie, exhalant fa colère,
Par fes horribles cris trouble les élémens,
L'œil refte environné de fpectacles frappans.
Un Océan de neige inonde les campagnes;
On ne diftingue plus les vallons des montagnes ;
Les lacs font difparus, & plus le ciel eft pur,
Plus un froid pénétrant condense son azur.
La fumée, en touchant l'invifible barrière,
Retombe fur les toits & roule jufqu'à terre ;
Tandis que le duvet argenté de nos champs
Jette un éclat femblable aux feux des diamans.
Les troupes des oileaux, dans le vague planan.

tes •

S'abattent brulquement & tombent défaillantes.
Sur l'agile courfier le poil eft hériflé,

Des horreurs du trépas chaque être eft menacé.
S'éloignant une fois de nos palais profanes,
La terreur va sceller les portes des cabanes:
Et Neptune lui-même, en ces lieux confterné,
Sous un albâtre épais languit emprisonné.

C'eft dans cette faifon, au milieu des nuits fom

bres,

Qu'un météore ardent vient triompher des om? bres; *

Il ramene le jour. Miniftre du fommeil,
Morphée eft plein d'effroi fur l'horifon vermeil,
En voyant tout à coup les traits de la lumiere
Interrompre fes loix, rétrécir la carriere.
Une flamme légere en fes longs mouvemens
Eparpille dans l'air des faisceaux ondoyans,
Et des cieux moins brunis les voûres impofantes
Se revêtent fouvent de colonnes brillantes.

Mais c'eft peu; contemplons ces momens désaf

treux,

Ces orages d'hivers, ces ouragans affreux,

* L'aurore boréale devient plus intéressante à mefure qu'on s'approche du Pôle. Ce phénomène ne paroît dans tout fon éclat qu'entre le 60° & le 70° degré de latitude feptentrionale. Ceux qui veulent s'en former une idée précife peuvent con fulter le grand Dictonnaire Encyclopédique, article Aurore boréale.

**Cette elpece d'ouragan, nommé en Russe métel, eft très redoutée. Elle fait périr nombre de perfonnes en route. Ses effets font incomparablement plus fenfibles en Sibérie & dans ce

Quand l'Aquilon, doublant l'horreur & la froi

dure,

Charge encor le tableau des maux de la nature.
Il chaffe des côteaux, dans le fond des vallons,
Ces humides tapis de neige & de glaçons.
Et lance en même temps, fur les cimes pelées,
Les flocons entaflés dans le creux des vallées.
Ces tourbillons, ces corps l'un à l'autre oppofés,
Ce choc des élémens l'an par l'autre brifés,
Troublant le Voyageur dans le champ qui va

cille,

L'enferment avec bruit dans un globe mobile.
Il marche ; l'orbe cede. Où diriger les pas!
Près de lui, loin de lui fe preffent les frimats,
Et le ciel & la terre, & les objets fenfibles
A fes
yeux étonnés deviennent invisibles.

Mais il ne reste plus de traces de nos maux
Quand le foleil vainqueur entre dans les Gémeaux.
Quels tranfports raviflans! quel charme inexpri-
mable!

Zéphyr, en devançant une Déeffe aimable,
Par un fouffle paifible & plein de volupté,
Epanche mollement la vie & la fanté.
Il fe joue, & tout prend une face nouvelle;

qu'on nomme les steps ou déferts, que dans les provinces intérieures de l'Empire.

L'Idalic eft aux lieux rajeunis par fon aile.
Sous les aftres de l'Ourfe on trouve le Lignon.
La folie a banni l'ennui de ce canton.

Le fentiment s'éveille & s'enflamme fans cefle.
Echo prolonge au loin le cri de l'alégrefle,
Ce cri délicieux, le fignal du printemps;
Et l'enfant de Paphos eft le Dieu de nos fens.
La loi qu'il nous impofe eft la feule adorée.
On s'abreuve à longs traits dans fon urne facrée.
Que la tendre Euphrofine & les touchantes Sœurs,
Inclinent pour Chloé plus que pour les grandeurs;
Une Dane titrée au fond de l'âme enrage
De céder d'agrémens aux Nymphes du village;
C'est un affont, dit-on, fait à la qualité. *
Ah! rien ne plaît au cœur fans la fimplicité.
En vain à le parer Dorphife fe tourmente,
L'art éblouit fans doute & la nature enchante.

Ce n'eft point par degrés que Flore en nos climats
Aflemble les atours & reprend les appas.
A peine le Zéphyr carefle la prairie,
A peine ces climats font rendus à la vie,
Que le front de Cybele eft nuancé d'émaux.
L'émeraude a percé l'écorce des rameaux,
Et déjà Philomèle au fein d'un verd bocage,
De les accens perlés charme le voifinage.

*Vers de la Comédie de Nanine,

« PreviousContinue »