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achetée, & se propofa d'y fiair fes jours. 1ly employoit le temps à cultiver fes terres & fon jardin, à réprimer fes paffions, & à mettre en pratique les leçons d'Adverfité. Il paffoit tous fes momens de loifir dans un petit hermitage qu'il avoit pratiqué au fond de fon jardin fous un bofquet d'arbres touffus, entourés de lierre & de chevrefeuil, & où un ruiffeau, qui tomboit d'un rocher voifin, formoit un bain délicieux. On lifoit ces mots gravés fur la porte:

"Sous ce toit couvert de mouffe ha-` » bitent la vérité, le contentement, la » liberté & la vertu. Dites-moi, vous qui ofez méprifer cette heureufe retraite, quels palais magnifiques vous » procurent des biens plus réels? »

n

Il parvint dans cet afyle jufqu'à un âge très-avancé, & mourut honoré & regretté de tous ceux qui le connoilloient.

Par M. Simoneau.

VERS à Madame de Montanclos, Auteur du Journal des Dames.

L'AMOUR, fier de donner des loix

Aux mortels même les plus fages,
Calculoit au bout de les doigts
Et le nombre de fes exploits,
Et le produit de tant d'ouvrages;
Lorfque la Déefle aux cent voix,
Portant trompette en bandouilliere,
En fon vol, brillante & légere,
Fendit les airs rapidement,
Où courez-vous, belle Déesse?
Dit l'Amour en la poursuivant ;
Toujours quelqu'affaire vous prefle
Arrêtez du moins un moment.
La Déefle, non complaifante,
De ce difcours fit
peu de cas ;

Dans fa courfe, l'indifférente,
Loin d'arrêter, doubla le pas.
Mais, à fon gré, l'Amour déroute
Celle qui penle l'éviter ;

En le fuyant, fans s'en douter,
On le retrouve fur fa route.

Auffi le petit Dieu lutin,

Dont le croyait bien éloignée

La dédaigneuse Renommée,

De nouveau barra fon chemin.

Eh! quelle eft donc cette humeur noire
Alors que je vous fais ma cour?
Reprit malignement l'Amour;
Je luis prefque tenté de croire
Que vous me trouvez dangereux.
Comme votre air eft foucieux!
Auriez-vous donc à la Victoire
A reprocher des faits honteux ?
Eft-ce que vous boudez la Gloire
On fait plus d'ingrats que d'heureux.
Heureux par vous! quel avantage!
En eft-il à lui préférer ?

Et ne l'être pas, quel dommage!
On pourroit s'en défefpérer.
Ce mielleux & doux langage
Parut fans doute un perfifflage;
Mais la Déeffe s'arrêta:

Et redoutant qu'un ton févere
Ne piquât l'enfant de Cythere,
Doucement elle ripofta :

Non; je ne veux mal à perfonne;
Avec la Gloire en paix je vis,

Et tout le bien dont je jouis

Vient des confeils qu'elle me donne.

Mais puifqu'au plus charmant des Dieux

J'ai le flatteur efpoir de plaire;

En lui dévoilant un myftere
Dont il me femble curieux;
Sans différer je vais l'inftruire;
S'il daigne à mon projet sourire,
Il me fera plus précieux.

Il faut qu'aux Faftes du Génie
Soit inferit glorieufement
Certain Journal intéressant

Qu'en France aujourd'hui l'on publie.
L'Efprit, les Grâces, l'Harmonie,

La Décence & le Sentiment
Ont prononcé ce jugement.
Je vais au Temple de Mémoire
Chercher la Mufe de l'Histoire,

Puis l'une & l'autre, à qui mieux mieux
Nous en exalterons la gloire ;

Et tous ces hommes envieux,
Dont la brigue eft infatigable,
Verront enfin qu'un lexe aimable
Peut s'élever auffi haut qu'eux.
Ah! dit l'Amour, rien n'eit fi fage
Que ce dont vous vous avilez:
Celle que vous préconifez

A droit de même à mon hommage
Mais c'eft peu de la protéger ;
Vous êtes d'un fi bon exemple,
Montons ensemble jusqu'au Temple
Je prétends auffi l'obliger :

Je veux, pour lui prouver mon zele;
Que Clio, quittant le burin,
Arrache de la propre main,
L'une des plumes de mon aile;
Et que, fur un velin, traçant
En caractere inaltérable,

De cette femme inimitable

Le nom, les grâces, le talent,
On lile: Ces charmans ouvrages
Ont acquis l'immortalité,
Et telle auffi fut fa beauté,
Qu'elle entraîna tous les fuffrages.

Ainfi, Muse, Déelle, Amour
Ont defiré, divine Hortenfe,
Vous éternifer fans retour;

Mais ce n'eft pas leur complaifance
Qui feule alluma leurs tranfports;
Croyez qu'à l'envi l'un de l'autre,
Ils ont fait bien autant d'efforts
Pour leur honneur que pour le vôtre.

L'ANE, LE LION ET LE LOUP.

Fable imitée d'une Nouvelle, Italienne,

DANS l'Arcadie autrefois habitoit

Martin Aliboron, fleur de la race Afine:

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