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Des parfums du matin les airs font impregnés.
Dans cet enchantement, dans ces temps fortunés,
Le Laboureur confie au guéret qu'il fillone
Des trésors qu'en deux mois il décuple & moil-
fonne. *

Dans le cœur de l'été pénétrons fous le ciel,
Où l'on voit dominer les remparts d'Arcangel;
Minuit fonne, & le jour éclaire ces contrées. **

*On a cherché à exprimer deux vérités dans ce vers; l'une, qu'entre Mofcou & Pétersbourg il ne s'écoule guères que deux mois depuis le temps qu'on feme les grains en Mars, jufqu'à celui où on fait la récolte. L'autre, que les femences ripportent dix grains pour un. C'est même quelque chofe de commun en Ingrie, en Estonie vori..

en Li

** Ces vers font imités d'un morceau de la Pétréade de feu M. Lomonofow où Pierre le Grand eft repréfenté naviguant fur la Mer Blan che. En voici la traduction littérale. « L'aftre du » jour atteint minuit & ne cache point la face are » dente dans l'aby(me. Il paroît comme une mon

tagne de flammes au deflus des vagues, & étend un éclat pourpré de derriere les glaçon » Au milieu d'une nuit merveilleufe, éclairée de tous les rayons du foleil, les fommets dorés

De l'Océan du Nord les vagues azurés,
Ecument de fatigue en rompant le rayon
D'un difque, qui fe meut fans quitter l'horifon
L'édifice pompeux, aux ailes blanchiflantes,
Qui vole en effleurant les plaines mugiflantes,
Par les nœuds du commerce arrêté fur ces bords,
Va transporter au loin nos utiles trésors; *
Sans avoir entrevu dans les courses célebres,
Ni les faphirs des nuits, ni l'aftre des ténebres.
Aux bornes de ces mers, quels colofles brillans
Semblent toucher les cieux de leurs fronts mena-
çans?

Leur afpe&t fait frémir. Ces mafles formidables
Sont l'onde transformée en rocs inaltérables.
Le fluide, durci par d'éternels hivers,
Plus haut que l'Apennin s'éleve dans les airs.
Des monftres à fes pieds, méditant fa ruine,

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* Prefque toutes les marchandises qui fortent de Ruffie font des objets de premiere néceffité, comme le chanvre; le fer, le cuivre, les mâts les bois de conftruction, la cire, le fuif, &c. & les grains, branche nouvelle de commerce que le pays doit à l'augufte Catherine II. On croira difficilement à quel point ce dernier article augmente l'exportation qui fe fait par Arcangel.

Ne peuvent ébranler fa profonde racine;
Et lorfque le foleil tempere les ardeurs,
Ces prifmes merveilleux répetent les couleurs.
Hélas! où m'emportai-je, & quel espoir m'abuse!
Pour rendre ces objets il nous faudrait a Mule.
Elle feule pourrait, fur ces bords écartés,
Deffiner noblement ces locales beautés.

O! combien j'applaudis, alors que ton génie
Des habitans des champs m'offre la bonhommie,
Leurs vertus fans apprêts, leurs fêtes fans lan-
gueur.

La chafteté, la foi, l'équité, la candeur,
La franchise adorable & les amours finceres
Semblent être en dépôt fous les toits følitaires :
Dans ces humbles hameaux que dédaignent les
Grands,

On y trouve, au lieu d'or, de paifibles momens.
La médiocrité ne connaît point d'alarmes.
Après un long travail le repos a des charmes.
Le plaifir cft plus pur quand il n'est point payé,
Et qui n'eft pas oifif n'eft jamais ennuyé.
Je les vois quelquefois ces Bergers, ces Bergeres,
Ces Villageois contens au feuil de leur chaumieres:
Que je méprile alors nos lambris fastueux !

Le calme eft dans mon cœur, la gaîté fous mes

yeux;

Il ne manque plus rien au bonheur de ma vie,

Heureux qui, s'appuyant fur la philofophie,
Modefte en fes defirs & fans biens fuperflus,
Dans un séjour obfcur cultive les vertus !
Lié par les devoirs, & non chargé d'entraves,
Il vit fans préjugés, fans maître & fans esclaves ;
Et contemple en pitié les fragiles faveurs,
L'appareil du pouvoir, le fonge des honneurs,
Ces titres, ces emplois, brigués avec balletle,
Dont l'homme médiocre entoure fa faiblefle;
Qui, charmant les regards jufqu'au bord du cer-
cueil,

Etourdiffent fa tête en flattant fon orgueil.
L'augufte vérité, la compagne fidelle,
Toujours à fes côtés, lui femble toujours belle;
Et la tendre amitié, prodiguant tous les dons,
'Embellit les foyers de fes plus doux rayons;
C'est le feu de Vesta que garde l'innocence.

Ah! dans ce fiecle affreux de crime & de licence,
Quand le luxe cruel vient endurcir les cœurs,
Et brile infolemment la barriere des mœurs;
Quand l'homme dégradé, fans force & lans cou-
rage,

Préfente à Plutus feul fes vœux & fon hommage,
Et croit que le bonheur, qu'il cherche avec trans-

port,

Ne fe trouve jamais que fur des piles d'or ;

Il est beau de tracer la félicité pure

Qu'on goûte à peu de frais au fein de la nature;
D'offrir à nos Créfus, aux cinq fens émouflés,
Tous les jeux des hameaux par des jeux remplacés;
D'honorer à leurs yeux le foc de Triptolême;
De peindre la vertu, bafe du bien fuprême;
De rappeler enfin les humains étonnés,
Aux emplois innocens pour lefquels ils font nés:
Ce font-là les travaux de ton génie aimable.

Pourfuis, ô Saint-Lambert! que ta main secou→ rable

Préfente de nouveau ces tableaux ravissans,
Qui fatisfont l'efprit, le cœur, l'âme & les fens;
Ajoute à nos plaifirs en remontant ta lyre:
Un C** te cenfure & l'Europe t'admire.
C'est ainsi qu'autrefois l'ingénieux Maron
S'élevait par fes chants au fommet d'Hélicon,
De l'Empire Romain captivait le fuffrage,
Tandis que Mévius lui prodiguait la rage.
Ton âme eft au-deflus de ces faibles dégoûts;
Le talent fut créé pour faire des jaloux.
Malheur à l'Ecrivain qui défarme la haine.
Les arts font devenus une indécente arêne,
Ou toujours les vaincus infultent aux vainqueurs;
Et combien de Lettrés font des Gladiateurs?
Cent pédans belliqueux vous déclarent la guerre;*
Ils font vos ennemis, dès que vous favez plaire.'

* On diftingue à Paris la haute & la baffe Lit

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