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pendance, adresse des voeux. La pétition n'est donc point l'exercice d'un droit politique, c'est l'acte de tout homme qui a des besoins. (Les tribunes applaudissent.) « On vit dans cette discussion, chose assez rare pour être signalée, l'abbé Maury, soutenir l'opinion de Robespierre.

Robespierre prit une troisième fois la parole, à propos de l'article du projet, portant que les citoyens ne pourraient demander le rassemblement de la commune ou de leur section qu'avec de certaines formalités et pour objet d'intérêt municipal, déterminé d'une manière précise: « C'est ainsi qu'on parvient à anéantir insensiblement les droits des - citoyens, à leur ôter toute influence, à les mettre dans la dépendance de leurs délégués et sous le despotisme des municipalités. (On murmure.) Les objections banales qu'on fait contre ces raisonnements sont le désordre et l'anarchie. Eh bien! aurez-vous jamais autre chose que le désordre et l'anarchie si vous établissez les formes despotiques qu'on vous propose! D'un côté, oppression, de l'autre, indignation des citoyens; lutte perpétuelle entre les mandataires et le peuple; voilà ce qui résultera de cet ordre de choses. Lorsqu'au contraire les citoyens ont le droit de faire des représentations, d'éclairer les représentants, alors l'ordre se soutient sur les bases de la justice et de la confiance. » Séance du 12 mai. Robespierre réclame l'égalité des droits politiques pour les hommes de couleur. La discussion fut très-vive: elle paraissait se poser entre l'existence des colonies et les principes. « Si vous voulez de la déclaration des droits quant à nous, s'était écrié le créole Moreau de Saint-Méri, il n'y a plus de colonies. » La phrase vulgairement attribuée à Robespierre : « Périssent les colonies plutôt qu'un principe, » n'est pas de lui, mais bien de Duport. Cependant dans son discours à cette occasion on retrouve un - mouvement à peu près analogue : « L'intérêt suprême de la - nation et des colonies est que vous demeuriez libres, et que -vous ne renversiez pas de vos propres mains les bases de

la liberté. Périssent les colonies... (Il s'élève de violents murmures.) s'il doit vous en coûter votre bonheur, votre gloire, votre liberté! Je le répète, périssent les colonies! si les colons veulent, par les menaces, nous forcer à décréter ce qui convient le plus à leurs intérêts. »

Séances du 16 et du 18 mai.

Motion de Robespierre sur

la non rééligibilité des membres de l'Assemblée à la prochaine législature, et discours pour la soutenir.

Séance du 27 mai. D'après le projet de loi présenté par les comités sur la convocation de la première législature, les directoires de districts étaient autorisés à déterminer eux mêmes, suivant les circonstances, le lieu où se réuniraient les assemblées électorales. Robespierre combat cette disposition contraire, selon lui, à la liberté électorale, et l'assemblée, tenant compte de ses observations, décide que les assemblées primaires se tiendront au chef-lieu de canton.

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Il demande la réforme du décret

Discours sur l'abolition de la peine

Séance du 31 mai. Un philosophe qui avait pris une part importante au mouvement du XVIIIe siècle, l'auteur de l'Histoire philosophique des deux Indes, l'abbé Raynal, alors âgé de quatre vingts-ans, avait envoyé au président de l'assemblée une lettre qui était une censure amère des travaux de l'Assemblée, une sorte de pamphlet contre la Révolution. Le président donna lecture de cette lettre. Roederer interpella rudement à ce propos le président, l'accusant de s'être moqué de l'Assemblée en lui proposant d'écouter cette lecture. Mais Robespierre émit au contraire l'opinion que l'Assemblée s'était honorée en entendant cette lecture. Jamais elle ne lui avait paru autant au-dessus de ses ennemis qu'au moment où il l'a vue écouter, avec une tranquillité si expressive, la censure la plus véhémente de sa con

duite et de la révolution qu'elle a faite. Il excuse l'abbé Raynal sur son grand âge; et il est persuadé que cette démarche produira dans le public un effet tout contraire à celui qu'on en attend.

Séance du 1er juin. - Robespierre s'oppose aux poursuites réclamées par le ministre Montmorin contre le Moniteur, pour une correspondance d'Allemagne, insérée dans le numéro 151 de ce journal, et dans laquelle on prêtait au roi le projet d'évasion le plus absurde, disait le ministre. La fuite à Varennes eut lieu vingt jours plus tard.

Séance du 9 Juin. - Robespierre soutient l'incompatibilité des fonctions municipales avec les fonctions législatives, par ce motif que le même homme ne peut-être inviolable et responsable à la fois.

Séance du 10 Juin. Il insiste pour le licenciement des officiers de l'armée : « Au milieu des ruines de toutes les aristocraties, quelle est cette puissance qui seule élève encore un front audacieux et menaçant? Vous avez reconstitué toutes les fonctions publiques suivant les principes de la liberté et de l'égalité, et vous conservez un corps de fonctionnaires publics armés, créé par le despotisme, dont la constitution est fondée sur les maximes les plus extravagantes du despotisme et de l'aristocratie; qui est à la fois l'appui et l'instrument du despotisme, le triomphe de l'aristocratie, le démenti le plus formel de la constitution, et l'insulte la plus révoltante à la dignité du peuple. Sur quel puissant motif est fondé ce hideux contraste de l'ancien régime et du nouveau. Croyez-vous qu'une armée nombreuse et permanente

1. Quelques jours auparavant Robespierre, parlant sur cette question aux Jacobins, avait prononcé cette phrase: Je le dis avec franchise, peut-être même avec rudesse quiconque ne veut pas, ne conseille pas le licenciement est un traître. » A ces mots, un membre, saisi de transport, interrompit l'orateur et demanda, aux applaudissements de l'assemblée, que ces derniers mots fussent inscrits en gros caractères aux quatre coins de la salle.

soit un objet indifférent pour la liberté? Ignorez-vous que tous les peuples qui l'ont connue ont réprouvé cette institution, ou ne l'ont envisagée qu'avec effroi? Combien de précautions ne devez-vous donc pas prendre pour préserver d'une influence dangereuse la liberté! Vous savez que c'est par elles que les gouvernements ont partout subjugué les nations; vous connaissez l'esprit des cours; vous ne croyez point aux conversions miraculeuses de ces hommes dont le cœur est dépravé et endurci par l'habitude du pouvoir absolu, et vous soumettez l'armée à des chefs attachés naturellement au régime que la Révolution a détruit ! »

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18 juin. Robespierre est élu accusateur public au tribunal de Paris 1.

Séance du 23 juin. - Robespierre demande que des couronnes civiques soient décernées aux citoyens qui ont arrêté le roi à Varennes 2.

Séance dn 26 juin. Il parle contre le projet de décret qui ordonne que des commissaires nommés par l'Assemblée

1. Les électeurs de Versailles et de Paris le nommèrent en même temps accusateur public du département. Il déclina avec regret l'honneur que lui faisaient << ses chers citoyens de Versailles, » et il les en remercia par une longue lettre où il leur exprime tous ses sentiments de gratitude. Mais il accepta ces fonctions à Paris. A ce sujet, il écrivait à un de ses amis d'Arras : « Les électeurs de Paris viennent de me nommer accusateur public du département de Paris, à mon insu et malgré les cabales. Quelque honorable que soit un pareil choix, je n'envisage qu'avec frayeur les travaux pénibles auxquels cette place importante va me condamner, dans un temps où le repos m'était nécessaire. Mais je suis appelé à une destinée orageuse, il faut en suivre le cours; jusqu'à ce que j'aie fait le dernier sacrifice que je pourrai offrir à ma patrie. »

2. A la suite de l'événement de Varennes l'Assemblée résolut de choisir un gouverneur au dauphin. A cette occasion Marat, dans l'Ami du peuple, désigna pour ce choix, à défaut de Montesquieu, Robespierre, « le seul homme, disait-il, qui pût le suppléer par la pureté du cœur, l'amour de l'humanité et les vues politiques.

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recevront les déclarations du roi et de la reine; c'était déroger aux principes de l'égalité des citoyens devant la loi. La reine est une citoyenne, le roi est un citoyen comptable de la nation, et en qualité de premier fonctionnaire public, il doit être soumis à la loi. C'est donc aux juges du tribunal de l'arrondissement des Tuileries, chargés de l'information, qu'appartient également le droit de recevoir les déclarations du roi et de la reine1.

1. Le 22 juin, Robespierre avait prononcé au club des Jacobins un grand discours où il dénonçait la fuite du roi comme une conspiration évidente des ennemis de l'extérieur coalisés avec les ennemis de l'intérieur: « Ce qui m'épouvante, moi, messieurs, c'est cela même qui me paraît rassurer tout le monde. Ici j'ai besoin qu'on m'entende jusqu'au bout. Ce qui m'épouvante, encore une fois, c'est précisément cela même qui paraît rassurer tous les autres : c'est que depuis ce matin, tous nos ennemis parlent le même langage que nous. Tout le monde est réuni; tous ont le même visage, et pourtant il est clair qu'un roi qui avait quarante millions de rente, qui disposait encore de toutes les places, qui avait encore la plus belle couronne de l'univers et la mieux affermie sur sa tête, n'a pu renoncer à tant d'avantages sans être sûr de les recouvrer. Or, ce ne peut pas être sur l'appui de Léopold et du roi de Suède, et sur l'armée d'outre-Rhin qu'il fonde ses espérances: que tous les brigands d'Europe se liguent, et encore une fois ils seront vaincus. C'est donc au milieu de nous, c'est dans cette capitale que le roi fugitif a laissé les appuis sur lesquels il compte pour sa rentrée triomphante; autrement sa fuite serait trop insensée. Vous savez que trois millions d'hommes armés pour la liberté seraient invincibles : il a donc un parti puissant et de grandes intelligences au milieu de nous, et cependant regardez autour de vous, et partagez mon effroi en considérant que tous ont le même masque de patriotisme. » Robespierre démontre » que le comité militaire regorge de traîtres, » que les ministres s'entendent avec l'Assemblée pour vendre la France aux étrangers. Il prévoit les plus grands malheurs : « Comment pourrions-nous échapper? Antoine commande les légions qui vont venger César! et c'est Octave qui commande les légions de la république. On nous parle de réunion, de nécessité de se serrer autour des mêmes hommes. Mais

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