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Séance du 5 avril.

Robespierre soutient contre les partisans de l'ancien régime, l'opinion posthume de Mirabeau sur le droit de tester, lue à l'Assemblée par M. de Talleyrand-Périgord.

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Séances du 6 au 13 avril. Discussion sur l'organisation ministérielle. Robespierre proteste contre le caractère du projet présenté « qui est d'anéantir la liberté et les principes constitutionnels, en donnant aux ministres un pouvoir immense. » Il fait la motion qu'aucun membre de

ses discours, à un moment où il était fort peu connu. M. Hamel, dans son Histoire de Robespierre, s'efforçe d'établir entre ces deux hommes des dissentiments qui tendraient à faire ressortir la supériorité du patriotisme de Robespierre: mais en réalité Robespierre fut d'accord avec Mirabeau sur toutes les questions les plus délicates, notamment sur la loi d'émigration, et il est assez curieux d'observer qu'il se montra, en quelques circonstances, plus modéré que lui: en repoussant des rigueurs spéciales contre le prince de Condé et contre les états du Cambrésis. Quant au dissentiment qui exista entre eux sur la loi martiale, il est plus apparent que réel, et il suffit de se reporter au texte des discours que l'un et l'autre prononçèrent à cette occasion pour s'assurer qu'ils tinrent à peu près le même langage. Si sur la question constitutionnelle de la sanction royale, ils soutinrent en théorie deux opinions opposées, ils se trouvèrent parfaitement d'accord, dans l'application, à quelques jours de là dans la séance du 5 octobre pour combattre les raisons dilatoires par lesquelles le roi voulait entraver la constitution. Enfin nous allons le voir appuyer l'opinion posthume de Mirabeau sur le droit de tester. La vérité est qu'à cette époque Robespierre, qui était ouvertement monarchiste et qui devait jusqu'au dernier moment repousser les idées républicaines comme des innovations dangereuses, suivait une politique identique à celle que conserva toujours Mirabeau, et pour le radicalisme des principes, était beaucoup moins avancé que lui, quoique dès cette époque il se montre plus avide de popularité. Quant au mot que l'on prête à Mirabeau sur Robespierre: <« Cet homme ira loin, il croit tout ce qu'il dit, » rien ne prouve qu'il soit beaucoup plus authentique que tous les concetti de cette nature communément en circulation.

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l'Assemblée ne puisse être porté au ministère pendant les trois années qui suivront la session, ni avoir aucuns dons, pensions, places, traitements ou commissions du pouvoir exécutif pendant le même délai : « Un philosophe dont vous honorez les principes disait que, pour inspirer du respect et de la confiance, le législateur devait s'isoler de son œuvre; c'est l'application de cette maxime que je veux vous proposer. »

Dans l'opinion de Robespierre, les ministres devaient être absolument dépendants du pouvoir exécutif, auquel il appartenait de les nommer et de répartir leurs attributions. Il s'éleva donc contre les articles proposés par le comité sur les fonctions des différents ministres. Prétendait-on élever un pouvoir distinct à côté de l'autorité royale? Il ne fallait pas que les ministres pussent peser en aucune façon sur les corps constitutionnels. « Par exemple, disait-il pour rendre son opinion plus saisissante, le ministre de la justice n'avilirait-il pas les magistrats par de prétendus avertissements nécessaires, sous prétexte de les rappeler à la décence et à la règle de leurs fonctions? » Les mêmes principes lui firent repousser toute espèce de contrôle par les ministres sur les corps administratifs et aussi le pouvoir de mettre la gendarmerie en mouvement : c'était aux seuls corps administratifs à diriger la gendarmerie nationale. Il est assez curieux de noter qu'à ce sujet Beaumetz reproche à Robespierre de vouloir détruire l'unité monarchique au profit d'un systême fédératif. '.

1. On a beaucoup abusé dans la Révolution de cette accusation de fédéralisme. Dans le principe ce furent les royalistes qui la mirent en avant contre les révolutionnaires. On peut lire à ce sujet les plaintes de M. de Clermont-Tonnerre, dans le Recueil de ses opinions, publiée en 1791, contre « le système qui a livré la France aux municipalités, et énervé le pouvoir en le partageant. a changé la monarchie en une multitude de petites portions détachées, qui ont leurs intérêts, leurs prétentions, leur régime, n'obéis

- « Il

Robespierre s'éleva non moins vivement contre les traitements énormes attribués aux ministres.

Séance du 19 avril. Sortie véhémente de Robespierre contre les ministres et contre le comité diplomatique, à propos d'une adresse par laquelle les habitants de Porentruy informaient l'Assemblée d'une concentration de troupes autrichiennes sur leur territoire: les ministres sont inactifs, dit Robespierre, et cependant, depuis plus de six mois, il n'est pas permis de douter de l'intelligence des ennemis de l'extérieur avec ceux du dedans. Et c'est une nation étrangère qui nous avertit des dangers que nous courons! Il incrimine les membres du comité diplomatique, les commissaires chargés de surveiller les ministres, et qui, infidèles à leurs devoirs, gardaient le silence ou trompaient l'Assemblée. « C'est le moment pour l'Assemblée de savoir que chacun de ses membres doit se regarder comme chargé personnellement des intérêts de la nation. C'est le moment de sortir de la tutelle des comités et de ne pas prolonger les dangers publics par une funeste sécurité. »

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Séance du 23 avril. On donne lecture à l'Assemblée d'une lettre écrite au nom du roi par le ministre des affaires étrangères à tous les ambassadeurs près les diverses cours de l'Europe, lettre où, afin de détruire des bruits mal fondés, le ministre annonce à ses agents que Sa Majesté à accepté librement la nouvelle forme du gouvernement français, qu'elle s'estime parfaitement heureuse du présent état de choses, qu'enfin elle est sincèrement attachée à la constitution et aux principes de la Révolution. Des transports

sent à personne, et qui regardent ce qui reste du pouvoir exécutif plutôt comme un ennemi commun que comme un centre de réunion. » Nous voilà bien loin de l'idéal centralisateur qu'une certaine école historique attribue à la Révolution. On verra que les idées exprimées par Robespierre à la Convention, dans son discours sur la Constitution, ne diffèrent pas de celles qu'il manifestait en 1790 et en 1791.

d'enthousiasme accueillent cette lecture. Plusieurs membres proposent qu'on envoie à Louis XVI une députation pour le remercier d'avoir, en quelque sorte, appris à l'univers, son attachement à la constitution. Robespierre, « toujours sévère comme les principes et la raison, » dit un journal du temps (Le Point du Jour), s'efforça de calmer cette effervescence, et dit qu'il fallait, non remercier, mais féliciter le roi du parfait accord de ses sentiments avec ceux de la nation. L'Assemblée chargea une députation d'aller immédiatement porter au roi ses félicitations, dans les termes mémes proposés par Robespierre. La majorité du côté droit, déconcertée, refusa de prendre part à la délibération.

Séance du 27 avril.

gardes nationales.

Discours sur l'organisation des

Séance du 9 mai. Le comité de constitution voulait restreindre le droit de pétition aux seuls citoyens actifs, et que ce droit fût purement individuel, et ne pût-être exercé collectivement par nulle corporation, nulle société, nulle commune. Robespierre s'éleva vivement contre ces restrictions : « Le droit de pétition est le droit imprescriptible de tout homme en société. Les Français en jouissaient avant que vous fussiez assemblés; les despotes les plus absolus n'ont jamais osé contester formellement ce droit à ce qu'ils appelaient leurs sujets. Plusieurs se sont fait une gloire d'être accessibles et de rendre justice à tous. C'est ainsi que Frédéric Il écoutait les plaintes de tous les citoyens. Et vous, législateurs d'un peuple libre, vous ne voudrez pas que des Français vous adressent des observations, des demandes, des prières, comme vous voudrez les appeler! Non, ce n'est point pour exciter les citoyens à la révolte que je parle à cette tribune, c'est pour défendre les droits des citoyens; et si quelqu'un voulait m'accuser, je voudrais qu'il mit toutes ses actions en parallèle. Je défends les droits les plus sacrés de mes commettans; car mes commettans sont tous Français, et je ne ferai sous ce rapport aucune distinction entre

eux je défendrai surtout les plus pauvres. Plus un homme est faible et malheureux, plus il a besoin du droit de pétition; et c'est parce qu'il est faible et malheureux que vous le lui ôteriez! Dieu accueille les demandes non-seulement des plus malheureux des hommes, mais des plus coupables. Or, il n'y a de lois sages et justes que celles qui dérivent des lois simples de la nature. Si vos sentiments n'étaient point conformes à ces lois, vous ne seriez plus les législateurs, vous seriez plutôt les oppresseurs des peuples. Je crois donc qu'à titre de législateurs et de représentants de la nation, vous êtes incompétents pour ôter à une partie des citoyens les droits imprescriptibles qu'ils tiennent de la nature. »

Les autres restrictions que le comité voudrait apporter au droit de pétition ne sont pas davantage motivées : « Il suffit qu'une société ait une existence légitime pour qu'elle ait le droit de pétition; car si elle a le droit d'exister reconnu par la loi, elle a le droit d'agir comme une collection d'êtres raisonnables, qui peuvent publier leur opinion commune et manifester leur vou.» « Je le demande à tout homme de bonne foi qui veut sincèrement le bien, mais qui ne cache pas sous un langage spécieux le dessein de dominer la liberté, disait en terminant Robespierre, je demande si ce n'est pas chercher à troubler l'ordre public par des lois oppressives, et porter le coup le plus funeste à la liberté. » Robespierre monta de nouveau à la tribune dans la séance du lendemain pour combattre l'interdiction proposée par le comité contre les citoyens non actifs : « Il est évident que le droit de pétition n'est autre chose que le droit d'émettre son vœu; que ce n'est donc pas un droit politique, mais le droit de tout être pensant. Bien loin d'être, comme on vous l'a dit, l'exercice de la souveraineté, de devoir être exclusivement attribué à tous les citoyens actifs, le droit de pétition au contraire suppose l'absence de l'activité, l'infériorité, la dépendance. Celui qui a l'autorité en main ordonne; celui qui est dans l'inactivité, dans la dé

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