Page images
PDF
EPUB

justice et d'honneur, la raison et le patriotisme n'ont pas encore pénétré jusqu'à eux. Ce sont des orgueilleux qu'il faut humilier, des ignorants qu'il faut instruire. Je vous propose donc d'inviter les députés des communes du Cambrésis, ses véritables défenseurs, à écrire aux membres des états une lettre capable de dissiper leur ignorance, de les rappeler aux sentiments patriotiques et aux idées raisonnables. »

Séances du 14 décembre 1789 et du 16 janvier 1790. — II prend la défense des habitants de Toulon qui s'étaient révoltés contre le commandant d'Albert de Rioms et l'avaient mis au cachot : « M. d'Albert de Rioms ayant manifesté des principes contraires à ceux de la Révolution et s'étant permis des procédés contraires aux droits de la liberté publique, la conduite des habitants de Toulon 'offre le caractère d'une résistance légitime contre l'oppression. »>

Séance du 23 décembre. Il se fait le défenseur contre l'abbé Maury des non-catholiques, juifs et protestants, ét des comédiens, et soutient leur aptitude à occuper des fonctions municipales et à siéger au sein de la représentation nationale : « Les comédiens mériteront davantage l'estime publique quand un absurde préjugé ne s'opposera plus à ce qu'ils l'obtiennent; alors les vertus des individus contribueront à épurer les spectacles, et les théâtres deviendront des écoles publiques de principes, de bonnes mœurs et de patriotisme... On vous a dit sur les Juifs des choses infiniment exagérées et souvent contraires à l'histoire. Les vices des Juifs naissent de l'avilisement dans lequel vous les avez plongés! Ils seront bons quand ils pourront trouver quelque avantage à l'être... Je pense qu'on ne peut priver aucun des individus de ces classes, des droits sacrés que leur donne le titre d'hommes. Cette cause est la cause générale; il faut décréter le principe! »

ANNÉE 1790.

Séance du 18 janvier. — Il appuie la motion de M. de la Salcette de réduire tous les ecclésiastiques bénéficiaires au revenu de 3,000 livres : « Les biens ecclésiastiques appartiennent au peuple. Demander aux ecclésiastiques des secours pour le peuple, c'est ramener ces biens à leur propre destination. »

Séance du 25 janvier.

Il proteste de nouveau contre le décret du marc d'argent, à propos des difficultés que subit l'exécution de ce décret, dans diverses provinces.

[ocr errors]

Séance du 22 février. Le comité de constitution avait présenté un projet de loi contenant des mesures rigoureuses contre les officiers municipaux qui, dans les cas d'attroupements séditieux, auraient, par négligence ou par faiblesse, omis de proclamer la loi martiale. Robespierre s'élève trèsvivement contre l'aggravation implicite de la loi martiale contenue dans ce projet : « Il faut qu'on me pardonne de n'avoir pu concevoir encore comment la liberté pourrait être établie ou consolidée par le terrible exercice de la force militaire, qui fut toujours l'instrument dont on s'est servi pour l'opprimer, et de n'avoir pu concilier encore des mesures si arbitraires, si dangereuses avec le zèle et la sage défiance qui doivent caractériser les auteurs d'une révolution fatale au despotisme. Je n'ai pu oublier encore que cette révolution n'était autre chose que le combat de la liberté contre le pouvoir ministériel et aristocratique. Je n'ai point oublié que c'était par la terreur des armes que l'un et l'autre avaient retenu le peuple dans l'oppression, que c'était en punissant tous ses murmures et les réclamations même des individus, comme des actes de révolte, qu'ils ont prolongé pendant des siècles l'esclavage de la nation, honoré alors du nom d'ordre et de tranquillité. »

Sans doute les troubles dénoncés sont regrettables. Mais les faits n'ont-ils pas été exagérés? Et la fermentation n'estelle pas entretenue par les partisans de l'aristocratie? « Qu'on ne vienne donc pas calomnier le peuple! J'appelle le témoignage de la France entière: je laisse ses ennemis exagérer les voies de fait, s'écrier que la Révolution a été signalée par des barbaries: moi j'atteste tous les bons citoyens, tous les amis de la raison, que jamais Révolution n'a coûté si peu de sang et de cruautés. Vous avez vu un peuple immense, maître de sa destinée, rentrer dans l'ordre au milieu de tous les pouvoirs abattus, de ces pouvoirs qui l'ont opprimé pendant tant de siècles; sa douceur, sa modération inaltérables ont seules déconcerté les manœuvres de ses ennemis, et on l'accuse devant ses représentants! »

Séance du 19 février. — Robespierre attaque la parcimonie du comité ecclésiastique dans le réglement des pensions faites aux moines dépossédés de leurs biens.

Séance du 23 février. Il s'oppose à l'emploi de la force armée pour le recouvrement des impôts.

Séance du 13 mars. Il réclame la mise en liberté immédiate des prisonniers retenus par des lettres de cachet : « Si quelque chose peut nous affecter, c'est le regret de siéger depuis six mois sans avoir encore prononcé la liberté de ces malheureuses victimes du pouvoir arbitraire 1. »

Séance du 26 mars.

triotique.

- Il parle contre la contribution pa

Séance du 29 mars 2. Il s'oppose à l'envoi de commis

1. Revenant dans la séance du 16 mars sur la position des prisonniers détenus par lettres de cachet, Robespierre emploie pour les désigner une expression pittoresque ceux qui ont été escamotés le despotisme. par

[ocr errors]

2. Robespierre jouissait dès cette époque d'une certaine popularité. La société des Amis de la constitution, autrement dit le club des Jacobins, venait de le nommer à l'unanimité, son président. Il écrivait à

saires du roi dans les provinces et veut qu'on laisse les municipalités s'organiser librement : « De cette organisation dépend, on peut le dire, le triomphe des principes proclamés par l'Assemblée nationale, et la solidité de son ouvrage. »>

Séance du 20 avril. Il réclame l'établissement du jury en toute matière, au civil aussi bien qu'au criminel. Un député ayant demandê : « Avant de discuter, qu'on me définisse donc ce que c'est que des jurés? » Ce fut Robespierre qui se chargea de lui répondre : « D'après tout ce qui a été dit, il semble que pour fixer l'opinion il suffit de répondre à la question du préopinant en définissant l'essence et en déterminant le principal caractère de la procédure par juré. Supposez donc, à la place de ces tribunaux permanens auxquels nous sommes accoutumés, et qui prononcent à la fois sur le fait et sur le droit, des citoyens jugeant le fait et des juges appliquant ensuite la loi. D'après cette seule détinition, on saisira aisément la grande différence qui se trouve entre les jurés et les différentes institutions qu'on voudrait vous proposer. Les juges des tribunaux permanens, investis pour un temps du pouvoir terrible de juger, adop teront nécessairement un esprit de corps d'autant plus redoutable que, s'alliant avec l'orgueil, il devient le despotisme. Il est trop souvent impossible d'obtenir justice contre des magistrats en les attaquant soit comme citoyens, soit comme juges. Quand ma fortune dépendra d'un juré, je me rassurerai en pensant qu'il rentrera dans la société; je ne

ce propos à un de ses amis (1er avril): « Je trouve un dédommagement suffisant de la haine aristocratique, qui s'est attachée à moi dans les témoignages de bienveillance dont m'honorent tous les bons citoyens. Je viens d'en recevoir un récent de la société des Amis de la constitution, composée de tous les députés patriotes de l'Assemblée nationale et des plus illustres citoyens de la capitale; ils viennent de me nommer président de cette société... »

craindrai plus le juge qui, réduit à appliquer la loi, ne pourra jamais s'écarter de la loi je regarde donc comme un point incontestable que les jurés sont la base la plus essentielle de la liberté; sans cette institution je ne puis croire que je sois libre, quelque belle que soit votre constitution.

» Tous les opinans adoptent l'établissement des jurés au criminel. Eh! quelle difference peut-on trouver entre les deux parties distinctes de notre procédure? Dans l'une, il s'agit de l'honneur et de la vie; dans l'autre, de l'honneur et de la fortune. Si l'ordre judiciaire au criminel sans jurés est insuffisant pour garantir ma vie et mon honneur, il l'est également au civil, et je réclame les jurés pour mon honneur et pour ma fortune. On dit que cette institution au civil est impossible: des hommes qui veulent être libres et qui en ont senti le besoin sont capables de surmonter toutes les difficultés; et s'il est une preuve de la possibilité d'exécuter l'institution qu'on attaque, je la trouve dans cette observation que beaucoup d'hommes instruits ont parlé dans cette affaire sans présenter une objection soutenable! Peut-on prouver qu'il est impossible de faire ce que l'on fait ailleurs, qu'il est impossible de trouver des juges assez éclairés pour juger des faits? Mais partout, malgré la complication de nos lois, malgré tous nos commentaires, les faits sont toujours des faits; toute question de fait sur une vente se réduira toujours à ce point: La vente a-t-elle été faite? (Murmures.) J'éprouve en ce moment même que l'on confond encore le fait et le droit. Quelle est la nature de la vente? Voilà ce qui appartient à la loi et aux juges. N'avezvous pas vendu? Cette question appartient aux jurés... Quoi! vous voulez donc que le bon sens, que la raison soit exclusivement affecté aux hommes qui porteut une certaine robe?»>

Séance du 18 avril. A propos de troubles survenus à Saint-Jean-de-Luz, il renouvelle ses protestations contre

« PreviousContinue »