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& juftifient pleinement toutes les démarches des coloas pour la confervation de leurs droits & privileges.

Mais avant que d'entrer dans aucun détail touchant leurs griefs, & leur réfiftance au pouvoir fuprême de leur métropole, jettons un coup d'œil fur l'état de ces colonies, lors du traité de Verfailles en 1763, & voyons quelle autorité le parlement y exerçoit, quelle déférence les Amé ricains avoient pour les ordres, & l'heureuse harmonie qui en réfultoit.

Soit attachement pour leur ancienne patrie, foit im. puiffance de fecouer le joug, fuit peut-être cette coutume des peuples de ne fe révolter contre l'oppreffion que lorf qu'elle est pouffée à l'excès, les colonies avoient fuppor ré jufqu'à cette époque, fans fe plaindre, la dépendance du parlement; elles s'étoient entierement foumifes à tous les réglemens qu'il avoit plu à cette affemblée de faire touchant leur commerce intérieur & extérieur. Si la métropole leur laiffoit le droit de fe taxer elles-mêmes, & de fe gouverner intérieurement par leurs propres loix, on peut dire que l'exercice de fon autorité fur tout le refte tenoit un peu de la tyrannie. On leur permit d'élever quelques manufactures grofheres pour leur habillement; mais en même tems on n'oublia rien pour s'opposer à leur fuccès: on gêna leur induftrie; on arrêta leur activité par mille entraves; un ouvrier ne put travailler qu'après fept ans d'apprentilage; un maitre ne put avoir plus de deux ouvriers à la fois, ni employer aucun efclave dans fon attelier on borna chaque manufacture à la confommation intérieure de fa province, & Pon prohiba route com. munication entre elles. Ainfi l'habitant d'un comté ne pur faire aucun échange avec un chapelier, fon voifin, parce qu'il étoit d'un autre difiric; on l'obligeoit d'envoyer fon caftor à 15 lieues, où, après l'avoir manufacrusé on le lui revendoit chargé des frais d'un double tranfport. On a foumis à des reftriations plus féveres encore leurs mines de fer: fans creufets pour le fondre, fans machines pour le tourner, fans marteaux & fans enclumes pour le façonner, ils ne purent le porter qu'en barres ou en gueufes dans la métropole. Ainfi, quoique la nature ait abondamment pourvu leur pays de ce métal, ils furent obligés de tirer des manufactures d'Angleterre des clous, des pioches, des haches, &c., & tous les uftenfiles néceffaires à la culture & au défrichement des terres, aux prix que leur impofoit le marchand, chargés de taxes, de droits, & de tous les autres frais de double fret, de commiffion &c. Il leur étoit encore moins permis de

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convertir le fer en acier : ils ne pouvoient avoir aucun fourneau pour cet effet. Cette prohibition eft d'autant plus févere, qu'elle facrifie toute l'Amérique à cinq ou fix' manufacturiers d'Angleterre, qui ne font pas même en état de fournir à toutes les demandes qu'on leur fait, puifqu'on en importe une quantité considérable d'Allemagne. Tout tranfport de laine, en nature ou en œuvre, d'une colonie dans une autre, leur a été expreffément défendu. Une seule toison, ou quelques culottes tricottées dans une famille, expofent le bâtiment ou le chariot à une confifcation générale, & le conducteur à une amende confi

dérable.

La métropole a traversé les exportations & les impor tations par bien d'autres entraves. Elle s'eft d'abord approprié indiftin&tement toutes les productions des colonies; elle leur a enfuite permis de porter directement au fud du cap Finiftere, des grains, des farines, du riz, des légumes, des fruits, du poiffon falé & du bois de charpente tout le refte lui appartient exclufivement; el fe ne leur a pas même permis de faire ufage du débouché avantageux que l'Irlande offroit à leurs bleds, à leurs lins & à leurs douves. On obligeoit les navires qui vouloient porter du bois de Campêche dans un marché étranger, de le décharger préalablement dans un port de la Grande-Bretagne, & de le rembarquer enfuite; opérations fujettes à rifques, des frais, & à une perte de tems confidérable. A l'égard des importations, toutes les mar chandifes devoient fe tirer de la métropole, à l'exception des vins de Madere & des Açores, des fruits, & des fels néceffaires pour les pêcheries; encore obligeoit-on les bâtimens à faire leur retour de ces différens articles. en Angleterre, où ils payoient de gros droits, & étoient fujets à des frais confidérables de chargement. Cette reftriction non-feulement augmentoit confidérablement le prix. de ces objets néceffaires; mais elle expofuit encore le navire aux dangers & aux frais d'un voyage allongé de près de 400 lieues dans une mer orageufe, & à une augmentation d'affurance de 25 pour cent en tems de guerre..

Nous pafferons fous filence les autres actes d'autorité de l'Angleterre à l'égard de fes colonies; ce que nous venons de rapporter fuffit pour donner une idée du pouvoir exercé par l'une, & de la foumiffion des autres. (C'est par cet injufte monopole, ces réglemens féveres, & ces prohtbitions multipliées, que la métropole s'eft attiré tout le profit du commerce de fes colonies, qu'elle s'eft indemni

fée avec ufure de la protection qu'elle leur accordoit, & qu'enfin les colons ont contracté envers elle une dette qui fe monte aujourd'hui à fix millions fterlings; dette qui s'augmente journellement, & qui ne permettra jamais à l'Amérique d'atteindre le niveau de fes affaires.

Cependant, malgré tout ce qu'on a opposé à l'induf. trie & à l'activité de ces fociétés naiffantes, elles ont vu augmenter leurs richesses & leur population. Une foule d'étrangers, exposés en Europe aux tribulations de la finance, aux perfécutions civiles & religieuses, se réunirent dans ces climats lointains, où, aux vexations de commerce près, ils jouiffoient d'une liberté affez étendue, & d'une entiere fécurité touchant leur propriété. Le parlement d'Angleterre n'avoit point encore manifefté fes prétentions tyranniques. Chaque colonie fe gouvernoit felon fes loix. Connoiffant fes befoins & fes reffources, elle y pourvoyoit par de légeres contributions. C'étoit un don des citoyens, plutôt qu'une taxe du gouvernement. Les loix y étoient faites à la pluralité des fuffrages; mais il falloit les deux tiers des voix pour établir un impôr. Tout offrant l'image d'une égalité parfaite, le paisible & vertueux colon y jouiffoit à Pombre des loix de tout le bonheur compatible avec la fragilité humaine.

Oa diftinguoit alors fur ce vafte continent quatre fortes de gouvernemens, Royal, Propriétaire, de Charte, & Militaire; ouvrage bizarre du hazard, du climat, des préjugés & des circonftances du tems. Le dernier de ces gouvernemens, introduit à la fin de la derniere guerre, git le Canada, l'Acadie, la Géorgie, & les deux Florides; ces provinces reçoivent immédiatement toutes leurs impulfions de la cour. Les trois autres gouvernemens fone modelés fur celui de la Grande-Bretagne : un gouverneur, qui représente le roi, affifté de douze confeillers ( 1 ), voi.

(1) Ces confeillers, autrefois choifis par le peuple parmi les principaux citoyens, pour fervir de confeil au gouverneur & l'aider dans fes fonctions, font aujourd'hui des créatures de la cour, la plupart fans propriété dans la colonie, payées par le miniftere, & revêtues du même pouvoir que la chambre des feigneurs de Westminster. C'eft ainfi que les abus s'introduifent. Les provinces que leur charte autorifoit à établir quel gouvernement elles voudroient, ont autfi imité la législation compliquée de leur patrie; elles ont ouvert par-là la porte à mille abus. Vexés en Angleterre, par les grands, le clergé & la cour, ils arrivent für ces rivages déferts, vivent longtems heu

là ce qui forme la chambre haute; & les députés du peuple, la chambre balfe. Il y avoit cependant cette différen ce entr'eux, que dans le premier, * le gouverneur & le confeil étoient directement nommés par la cour, qui fe réfervoit la négative fur toutes les loix auxquelles ils con. -fentoient; que dans le fecond, le gouverneur devoit fe -choifir dans la maifon qui avoit jadis été, inveftie de la fouveraineté de la colonie, & être approuvé de la cour; & qu'enfin le troisieme ( Charter Governement) étoit seul maitre de fes mouvemens, fans dépendre aucunement de la cour; c'étoit le cas des quatre provinces qui compofent la Nouvelle-Angleterre; auffi ont-elles toujours excité la jaloufie du miniftere.

Les loix émanées de ces affemblées nationales, tant pour le civil que pour le criminel s'exécutoient comme en Angleterre. L'affemblée des jurés conftatoit le fait, & un juge prononçoit fur le droit, fuivant les termes de la loi. Des cours d'amirauté, établies dans chaque province, con-noiffoient de toutes les affaires relatives aux actes de la navigation. Les juges tenoient leurs offices fous le bon plaifir de la couronne, & recevoient leurs falaires de l'affemblée nationale de la colonie. Tout fembloit donc heureufement combiné pour prévenir l'injuftice & la fraude. La puiffance légiflative & la puiffance exécutrice con couroient au bien général & au bien particulier, & s'exer- foient avec auffi peu de partialité qu'il étoit poffible.

Jufques-là la métropole s'étoit contentée de s'approprier tous les profits du commerce de fes colonies: elle l'avoit reftreint en tout ce qui pouvoit lui être avantageux: elle nommoit les ports & les nations où il devoit fe faire; & quoique la plupart de ses restrictions fuffent Tyranniques, le paisible & laborieux colon ne s'en plaigaoit point, ou les fupportoit avec patience. Attaché à fon ancienne patrie par les liens les plus facrés, il fuppléoit à la liberté qu'elle lui raviffoit par fon induftrie & fon activité. La jouiffance de fes droits & privileges étoit à fes yeux une compenfation fuffifante; & il s'applaudiffoit d'être l'inftrument de la profpérité & de la grandeur de fes concitoyens.

reux fans hiérarchie civile ni eccléfiftique; & par une inconféquence finguliere, ils adoptent à la fois une forme de gouvernement qui détruit leur égalité, & une reli gion qui, bientôt après, inonde de fang leurs Louveaux afyles, & eclate en atrocités dont l'histoire n'offre pas d'exemples,

On ne peut douter de l'affection que les colonies por toient à leur métropole, lorfqu'on confidere avec quel zele elles ont concouru au bien général dans le cours de la guerre, & particulierement à la défenfe de l'Améri que. La cour faifoit une demande; & fur le champ on la rempliffoit au-delà de fes efpérances : (2) levées d'hommes & d'argent, expéditions volontaires, on n'a rien négligé de tout ce qui pouvoit tourner à l'avantage du fou• verain: auffi le parlement leur fit-il remettre des fommes confidérables à titre d'indemnités.

Ayant fi généreufement fupporté leur part des dépen... fes & des travaux de la guerre, elles s'attendoient à participer aux avantages de la victoire, & à fleurir fous les -Joix qui les avoient régies jufqu'alors. Elles avoient même lieu d'efpérer que la métropole, après une paix la plus glorieufe & la plus avantageufe qu'elle eût jamais conclue, fe relâcheroit un peu de fa févérité à leur égard, & les mettroit à même de fe libérer envers elle d'une dette de cinq millions, ou au moins de mettre un peu plus d'égalité dans la balance du commerce. Mais, au-lieu d'un, meilleur traitement, elles virent s'accroître les vexations de leur mere commune. Les changemens furvenus dans le miniftere en amenerent d'autres dans la conduite de la cour: la politique changea avec les couitifans; & dès-lors prit naiffance un nouveau plan d'adminiftration à l'égard des colonies.

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On voulut exiger d'elles comme droit, ce que jufqu'alors on leur avoit demandé comme don on voulut prendre par force ce qu'on s'étoit contenté de folliciter de leur affection: on les taxa; pouvoir qu'elles avoient toujours exercé elles-mêmes, après en avoir hérité de la nature & de leurs conftitutions, & auquel elles avoient va droit exclufif, comme nous le verrons ci-après. On pour vut à l'exécution de ces loix fifcales, en faifant de l'adminiftration de la juftice une expédition militaire ; & fous prétexte de maintenir la fupériorité de la métropole fur fes colonies, on fe difpofa à les affervir à fes caprices.

Tels font les principes qui ont dirigé le parlement & le roi dans les différens actes qui ont paru fous divers noms depuis 1764 jufqu'à préfent. L'énumération de ces actes & l'examen des objets qu'ils contiennent, nous en

2.

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(2) Les colonies ont levé entre elies 24, ooo hom. mes les ont armés, habillés, & tenus à leur folde durant la guerre. Ils ont été employés dans plufieurs poftes importans du Nouveau-Monde,

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