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I

fe héroïne, fe laiffe attacher les bras ; après quoi la nymphe se démafque, & chante fa victoire.

Cette défaite du chef entraîne celle de toute fa troupe plus d'effroi d'une part, plus de menaces de l'autre, & tous fe réuniffent à chanter & à célébrer l'Amour & fa puiffance. Ce ballet a été fort applaudi.

Les comédiens françois jouerent, le 12 Août le Mariage clandeftin, comédie en vers & en 3 actes du Sr. le M. Cette piece, imitée d'une comédie angloise du célebre Garrick, a pour héroïne une jeune personne chérie de fon pere mariée secrétement avec un jeune homme bien né, à la vérité, mais commis de ce négociant qui lui a témoigné beaucoup d'amitié & de confiance. Elle a eu peu de fuccès, & l'auteur l'a retirée du théâtre.

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La Belle Arfene, comédie en 4 actes en vers, mêlés d'ariettes, dont les paroles font du Sr. Favart, & la mufique du Sr. de Monfigny, fut jouée, pour la premiere fois, au théâtre italien, le 14 Août. Alcindor, chevalier fameux dans les joûtes & dans les combats, aime la belle Arfene. Son intrépidité naturelle l'abandonne auprès de l'inhumaine: il eft tremblant & timide. La fée Aline, marraine d'Arfene, veut fervir l'amour du chevalier, qui dans un de ces jours où les fées voyoient leur pouvoir fufpendu, l'a fauvée du plus grand danger. Elle lui reproche fa timidité & fon refpect outré; elle lui fait donner parole qu'il fe laiffera gouverner par fes confeils; la route qu'il a fuivie, ne vaut rien auprès des femmes. Arfene eft toujours cruelle: Alcindor pique fon amour propre, en la priant d'augmenter ses rigueurs pour l'aider à fortir de fes fers, & lui prédit qu'elle aimera quelque jour. Arfene indignée, chaffe

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le chevalier de fa préfence avec une hauteur revoltante. Aline inftruite de tout ce qui s'eft paffé, gronde fa filleule de fa févérité. Arfene plus ambitieufe que tendre, obtient de fa marraine d'être tranfportée dans le féjour célefte. Elle y voit d'abord tout avec plaifir; mais elle commence à reconnoitre que voir n'eft pas toujours fentir tout ce qu'elle veut, elle l'ordonne cela s'exécute; mais n'avoir plus rien à defirer devient à la longue un malheur; l'idée qu'elle s'étoit faite des palais de fa marraine, s'affoiblit, & perd à chaque inftant de fon éclat. Elle demande aux femmes qui la fervent, fi dans ce féjour célefte, l'on ne voit jamais de génies & de fylphes; elles lui répondent que ces fubftances plus parfaites ont du mépris pour les beautés de la terre. Tant pis pour eux, dit-elle avec dépit. Elle trouve qu'il vaudroit autant vivre avec les ftatues qu'elle voit dans les jardins. On lui apprend qu'il ne tient qu'à elle de les animer. Elle veut éprouver ce pouvoir fur celle qui frappe fa vue & qui paroit fouler à fes pieds l'amour & fon carquois. Elle ordonne, & dans l'inftant la ftatue reçoit la vie; Arfene eft attentive à tous fes mouvemens; la ftatue fent fon cœur revivre, & paroit enchantée de ce bonheur; elle conte fon hiftoire: elle étoit autrefois, dit-elle, charmante jeune, mais vaine, mais cruelle, & fe faifant un jeu du fupplice de fes amans. Une fée la changea en pierre pour la punir; mais, ajoute-t-elle, il devoit y avoir un terme à ma métamorphofe; il étoit dit que je redevrois le jour à quelqu'un de plus vain, de plus orgueilleux, de plus tyran que moi. Grace à vous, dit-elle à Arfene je refpire une feconde fois ; elle fe retire enfuite en lui difant de tenir fa place, fi elle le veut. Arfene cherche à fe refufer à tout ce qui lui prouve la néceffité d'aimer pour devenir plus heureuse,

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Aline, qui sûrement conduit tous ces refforts; vient voir fa protégée, & lui fait des reproches de la trouver encore inquiete & rêveufe dans un féjour qui fembloit devoir la combler de fatisfaction, lorfqu'elle l'a préféré à la terre. Arfene convient qu'elle pense à ce pauvre Alcindor, qui peut-être ne pourra pas foutenir le malheur de n'avoir pu lui plaire : le chevalier cherche envain auprès de la déeffe de l'indifférence, un remede à fa paffion de la grotte qu'habite cette trifte divinité, il fort une voix qui lui dit qu'il eft fait pour aimer & pour être aimé, & que le destin lui réferve un cœur digne du fien; la fée l'arrache de ce lieu, en lui difant de venir remplir fa destinée. Arfene, toujours plus dégoûtée du palais de fa marraine, le quitte, & fe trouve dans l'obscurité d'une épaiffe forêt, pendant un orage qui renverfe autour d'elle des arbres; le tonnerre éclate à fes pieds: elle tombe de frayeur, elle appelle du fecours,& le hafard fait paffer dans cet endroit de la forêt un charbonnier qui revient de fon travail en chantant que le tonnerre fait mûrir le raifin. A cette voix, Arfene redouble ses cris; le charbonnier, d'un caractere gai, vient à elle, la foutient, la raffure, la regarde, la trouve jolie, & lui offre fon réduit; il fait plus, il veut l'époufer; & fur le refus qu'en fait Arfene, il dit qu'il la prendra pour fa fervante; en un mot, ail acheve par la familiarité & la liberté de fes propos, de brifer l'orgueil de cette créature vaine. Envain veut-elle apprendre au charbonnier à la refpecter; fes grands airs ne lui infpirent que, le defir de l'abandonner, & en effet, il veut la laiffer au milieu de tous les dangers dont elle eft menacée, fi elle paffe la nuit dans la forêt : Arfene l'arrête, & le fupplie de ne point la quitter. Le charbonnier veut abufer de la néceffité où eft Arfene d'accepter le gîte qu'il lui a offert. Il

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la tutoie; & comme si déjà elle étoit sa femme, le manant veut l'embraffer. A cet excès de bardieffe, fi oppofée à la noble timidité d'Alcindor, elle s'évanouit. Le charbonnier la laiffe pour aller lui chercher quelque fecours chez lui. Dès qu'il eft parti, Arfene veut effayer de fuir, & ne trouve aucune iffue; tous fes malheurs fe représentent à elle; Alcindor revient à fa penfée; elle reconnoit tous les torts avec lui, & convient que fa vanité feule l'a empêchée d'avouer qu'elle l'aimoit, & de devenir heureuse. A-peine a-t-elle fait cet aveu que le rocher fur lequel elle s'étoit précipitée, fe change en un fuperbe fopha, & que la forêt n'eft plus qu'un fallon magnifique, où fa marraine l'unit au chevalier par les liens de l'hymen. Cette piece, dont les principaux traits font pris d'un conte du Sr. de Voltaire, intitulé la Bégueule, a été fort applaudie.

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Les conteftations qui, divifent aujourd'hui la Grande-Bretagne & fes colonies de l'Amérique feptentrionale, deviennent, de jour en jour, des plus graves & des plus intéreflantes ; elles menacent ce vafte continent d'une révolution dont les fuites peuvent avoir la plus grande influence fur les états de l'Europe, & apporter des changemens confidérables dans le fyftême politique de notre globe. Dans ces circonftances, nos lecteurs ne pourront que nous fçavoir gré de leur préfenter un précis exact des motifs qui ont fait naître ces différends.

De tous les fléaux phyfiques & moraux qui, dans tous les tems, ont affligé l'humanité, la fuperftition & la tyrannie ont été les plus funeftes à l'homme. Ces deux monftres, que quelques fanatiques ont décoré, par abus des noms fpécieux de théologie & de pb. litique, armes meurtrieres entre les mains des méchans,

des termes,

& chimeres inutiles pour les bons, femblent avoir traẻ vaillé de concert à dégrader l'homme; partout ils ont joint l'artifice à la force, pour le dépouiller de fes droits & pour en faire l'inftrument paffif de leurs volontés. Leurs actes fanguinaires font confignés dans les annales de tous les peuples. Après avoir exercé toutes leurs fureurs dans cette ifle, ils avoient enfin difparu à l'époque mémorable de la révolution : tout y rentra dans l'ordre, lorfqu'on fçut réprimer & contenir dans de juftes bornes la religion & la politique. La philosophie a porté depuis, un coup prefque mortel aux abus de la premiere; mais la feconde femble avoir pouffé de profondes racines, & vouloir aujourd'hui se signaler par de nouvelles ufur pations: elle eft parvenue de nouveau à aliéner les efprits, & à femer la divifion dans l'état, en oppofant une partie des citoyens à l'autre ; fes coups ont été portés à différentes reprifes contre les colonies; mais l'ouvrage eft maintenant à fon comble. Chacun redouble fes plaintes. Les Américains crient à la tyrannie, le parlement & la cour à la rebellion: les premiers réclament les droits qu'ils tiennent de la nature; les feconds oppofent l'autorité qu'ils veulent ufurper; & des deux côtés, on court

aux armes.

Tel eft l'état de difcorde où fe trouvent aujourd'hui P'Angleterre & fes colonies. C'eft la fource de ces diffenfions civiles, les prétentions du parlement & les droits du peuple, que nous nous propofons d'examiner ici. Comme il eût été trop long de rendre compte des brochures au imparfaites que nombreuses, qui ont paru fur ces différens objets, nous nous fommes déterminés à examiner le fujet par nous-mêmes, & à en donner à nos lecteurs une idée générale auffi claire qu'il fera en notre pouvoir.

Tous ceux qui ont écrit fur cette matiere, ont cru appercevoir dans la conduite du parlement un dévouement vénal aux vues du miniftere; & dans celle de la cour un fyftême fuivi de tyrannie & d'oppreffion, un plan formé dans l'obfcurité du cabinet, & mis en exécution depuis la paix de 1763, pour dépouiller les colonies feptentrionales de leurs droits, & pour y établir un gouverne ment purement militaire. Une douzaine d'actes paffés depuis cette époque, tendant à reftreindre les manufactures & le commerce des colonies, à y changer l'adminiftration de la justice civile & criminelle, à y lever des impôts, & à y entretenir une armée confidérable de foldats étrangers en tems de paix; ces actes, plutôt tyranniques que féveres, prouvent affez la vérité de l'affertion,

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