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relation, qui, adreffée à divers fouverains qui l'a voient chargé d'obferver fcrupuleufement les opérations du curé Gaffner, & répandue enfuite dans plufieurs endroits, étoit entre les mains de tout le monde à Ratisbonne. Cette piece, affurément curieuse, mérite que nous en donnions un extrait elle pourra égayer nos lecteurs, & leur donner une nouvelle idée de la maniere dont on raisonne en 1775 dans quelques contrées de l'Allemagne, où cependant il y a des lumieres. C'eft ainfi que débute l'auteur de la relation: Vidi facerdotem qui non nifi in affedibus præternaturalibus folummodò ab initio operationum fufcipiendarum impofitione manus dextræ ad occiput patientis acquirit in nomine Jefu virtutem imperandi defpoticè cundis actionibus facultatum fpiritualium, vitalium & animalium corporis humani, & ita quidem, ut ad nutum ipfius præcepti in nomine Jefu aciones contrarias producat. Mirabilem ac incomprehenfibilem hanc potentiam foli omnipotenti Jefu adfcribit, quam maximo cum onere & labore, fine minimo emolumento, in charitatem proximi, & ad ma◄ jorem dei gloriam exercet. De omnibus hifce verė ftupendis in thefi convidus fum, quoad hypothefin fufpendo judicium meum. Après ce début l'auteur continue ainfi : « A 9 heures du matin, j'ai fait appeller le curé; il eft venu chez moi, je lui ai présenté ma fille, femme d'efprit & de courage. Elle lui a raconté comment fes convulfions la prennent, & quelles parties de fon corps en font attaquées. Le curé l'a fait d'abord mettre à genoux devant lui; il tenoit une de fes mains fur le front de ma fille, & l'autre fur l'occiput. Après avoir prié quelques momens à voix baffe, il lui a dit de fe relever; il a commencé ainfi fes exorcifmes: Præcipio tibi in nomine Jefu, ut incidas in delirium & convulfionem capius, illæfis aliis corporis partibus. A l'inftant, la nature a obéi; ma

fille a dit les plus grandes extravagances; & auf frôt que le prêtre a dit, ceffet, elle s'eft trouvée dans fon état naturel, fans fe fouvenir de ce qui s'étoit paffé. Le curé a renouvellé ton ordre à la nature, en ajoutant: & cum maximo furore, elle s'eft levée auffitôt avec la plus grande fureur, a couru dans la chambre, comme une forcenée & a voulu attaquer un jeune feigneur préfent à ces opérations miraculeufes. Le curé l'a fauvé en criant, ceffet, & loud in elle a été tranquille. Il ordonna enfuire avec la formule ordinaire, ut incidat in animi deliquium; je la vis tomber auffitór en forbletle & fans connoiflance; à peine pus-je fentir le battement de fon pouls; elle revint fur Je champ à elle-même, au mot ceffet. I ordonna fucceffivement la toux convulfive fans délire, les larmes, les cris, le rire, &, les uns après les au◄ tres, tous les fymptômes dont elle s'étoit plainte. Après la toux, qui avoit été très-violente, elle dit qu'elle fentoit quelque chofe qui lui venoit de la poitrine dans la gorge, comme fi elle alloit avoir fon crachement de fang; le cuté cria: Præcipio ut fis in flatu fano perfect fimo; & ma fille ne fentit plus rien, & dit qu'elle fe portoit à merveille. Il ordonna que la main entrat en convulsion, d'abord fine dolore, enfuite cum maximo dolore ; il fur obéi, & ma fille le conjura de faire ceffer fon mal, ce qu'il fit fur le champ. I ordonna palpirationem cordis in magno, majori & in maximo gradu; tout cela s'exécuta par degrés. Ces opérations avoient duré deux heures; je voulus que ma fille fe repofât; elle s'affit pendant quelque tems, & fe mit enfuite à fe promener dans la chambre; le curé lui ordonna de refter immobilis in faru rigidiffimo per omnes corporis partes. Je la vis auffitôt imobile; je courus à elle pour l'examiner, & je priai enfin le prétre de ceffer ce nouveau prodige, qui finit au mot ambules. Après

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avoir répété toutes ces merveilles autant que je
le voulus, le curé s'approcha de ma fille, & lui
dit: Madame, j'ai répété ces opérations, parce
qu'il le falloit pour convaincre les incrédules, &
inspirer une confiance parfaite en la toute-puif-
fance de Jélus Maintenant, fi les tentati ns du
démon menicent de vous atraquer de nouveau,
car lui feul eft l'auteur de votre mal, apprenez
à vous préserver, & à vous guérir vous-même
au premier preffentiment. Je vais ordonner la toux;
faites bien attention au moment où elle va se dé-
clarer, & dites avec fermeté, avec confiance, & à
voix baffe: In Nomine Jefu, Bafer weiche von
mir: Au nom de Jefus, Démon, retire-toi de moi.
Alors il ordonna la toux, & ma fille s'en pré-
ferv. Il pafla encore une heure à lui enfeigner
la maniere de fe guérir, &c ». L'auteur de cette
relation fut témoin d'une multitude d'autres pro-
diges que le curé opéra fur d'autres perfonnes qui
l'intéreffoient moins que la fille & les racon-
te avec autant de naïveté que de bonne foi; c'est
pourtant dans ce fiecle, aux trois quarts du 18e.
à la face de l'Europe éclairée, que fe font ces
prétendus prodiges, & qu'il se trouve des gens
qui en font les dupes.

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Il vient de fe paffer à Chemnits une scène à la fois ridicule & tragique, qui y a fait beaucoup de bruit; c'eft l'amour & l'intérêt, ces deux paffions fi puffantes fur la plupart des hommes, qui y ont donné lieu. Les acteurs ne font pas d'une clafle bien diftinguée. Un garçon pellerier travailloit chez une jeune & jolie veuve de la ville; il ne tarda pas à fentir le pouvoir de fes charmes; il en devint éperdument amoureux, & le defir de changer d'état, l'efpoir même d'une fortune, car c'en étoit une pour lui, ne contribuerent pas moins à l'enflammer que les graces

de la veuve. Il étoit bon ouvrier, d'une figure revenante, laborieux, & fort rangé. La jeune yeuve ne le vit pas avec indifférence, elle lui trouva quelques traits de feu fon mari; il lui reffembloit, furtout par une conduite fage & réglée. Bientôt les deux amans furent d'accord; mais ce n'é toit pas là l'affaire de la famille de la veuve; elle avoit jeté les yeux fur un autre parti qui étoit plus avantageux; on le préfenta à la jeune fem me, & on lui en impofa, parce qu'elle étoit trop foible pour réfifter. Le garçon, inftruit de fon malheur, ne voulut pas y furvivre; mais il ne voulut pas mourir non plus fans confulter le ciel; & voici le plaifant expédient dont il fe fervit pour fçavoir la volonté de dieu. Il s'enferme dans La chambre, prend fa culotte de chamois des dimanches, & fe met à en découdre la ceinture; il avoit conclu qu'en défaifant un point, il diroit oui & non en défaifant le second, & ainsi de fuite. Il penfoit que fi le dernier amenoit le oui, c'est que le ciel, permettroit qu'il fe pendît; fi au contraire, il amenoit non, ce devoit être une déteníe du ciel, & alors il étoit réfolu de fe contenter de fuir la maison, & d'aller pleurer ailleurs la perre de la veuve. Le oui fe trouva au dernier coup de cifeau, & la ceinture de la culotte de chamois fut l'inftrument du fupplice du jeune homme, qui fe pendit en effet de fon mieux. Heureusement pour lui, le confeil qu'il avoit cru devoir prendre du ciel, avoit demandé du tems; on s'apperçut qu'il manquoit, on courut à fa chambre; on enfon ça la porte; il fut fauvé, malgré lui, & il n'eut point la veuve,

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ITALIE.

Nous avons annoncé (Iere. quinz, de Juillet, p.19) un édit du pape, concernant la vie & les

mœurs des eccléfiaftiques; voici la traduction de cette piece.

« Il n'eft rien, fans doute, qui puiffe contri-, buer davantage à exciter le culte de dieu & la piété parmi les fideles que la vie édifiante des eccléfiaftiques. Les peuples y contemplent, comme dans un miroir, l'exemple d'une conduite à imiter, ainfi que l'annonce le concile de Trente, & les mauvaises mœurs du clergé font, au contraire, la fource ordinaire & fatale de leur corruption, au détriment notable de cette beauté & de cette gloire qui doivent parer l'épouse de J. C. C'eft pour ces raifons que Pie VI, fouverain pontife. heureusement regnant, a voulu garantir le troupeau qui lui eft confié, & nommément celui de Rome, contre tout ce qui pourroit lui être nuifible, & contraire à fon falut éternel, & empêcher en même tems le déshonneur qui réfulteroit pour l'églife, de la conduite peu décente de ceux qui y tiennent le premier rang par leur caracte re. Il a donc dirigé les premiers foins de fon zele apoftolique à la réforme du clergé, tant féculier que régulier, & il nous a, en conféquence, ordonné de vive voix, non-feulement de renouveller par le préfent édit tout ce qui eft prefcrit par les faints canons fur cette matiere, & qui a été invariablement inculqué par fes prédécetleurs, mais d'y ajouter encore ce qu'il a cru être le plus convenable au befoin & au tems ».

«Indépendamment de ce qui eft prescrit en général par le faint concile de Trente à tous eccléfiaftiques, de régler leur vie de maniere à ne donner dans toutes leurs actions que des marques de prudence, de modération & de religion, en leur recommandant le plus fortement d'être en garde contre la moinde faute, qui deviendroit en eux fort confidérable par rapport à leur caractere; on peut, à ce qu'il feinble, réduire à

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