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avoir répété toutes ces merveilles autant que je le voulus, le curé s'approcha de ma fille, & lui dit: Madame, j'ai répété ces opérations, parce qu'il le falloit pour convaincre les incrédules, & infpirer une confiance parfaite en la toute-puiffance de Jélus Maintenant, fi les tentati ns du démon menicent de vous attaquer de nouve1u, car lui feul eft l'auteur de votre mal, apprenez à vous préserver, & à vous guérir vous-même au premier preffentiment. Je vais ordonner la toux; faites bien attention au moment où elle va se déclarer, & dites avec fermeté, avec confiance, & à voix baffe: In Nomine Jefu, Bæfer weiche von mir: Au nom de Jefus, Démon, retire-tot de moi. Alors il ordonna la toux, & ma fille s'en préferv. Il pafla encore une heure à lui enfeigner la maniere de fe guérir, &c ». L'auteur de cette relation fut témoin d'une multitude d'autres prodiges que le curé opéra fur d'autres personnes qui l'intéretfoient moins que la fille & les raconte avec autant de naïveté que de bonne foi; c'eft pourtant dans ce fiecle, aux trois quarts du 18e. à la face de l'Europe éclairée, que fe font ces prétendus prodiges, & qu'il fe trouve des gens qui en font les dupes.

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Il vient de fe paffer à Chemnits une scene à la fois ridicule & tragique, qui y a fait beaucoup de bruit; c'eft l'amour & l'intérêt, ces deux paffions fi puffantes fur la plupart des hommes, qui y ont donné lieu. Les acteurs ne font pas d'une clafle bien diftinguée. Un garçon pelletier travailloit chez une jeune & jolie veuve de la ville; il ne tarda pas à fentir le pouvoir de fes charmes; il en devint éperdument amoureux, & le defir de changer d'état, l'efpoir même d'une fortune, car c'en étoit une pour lui, ne contribuerent pas moins à l'enflammer que les graces

de la veuve. Il étoit bon ouvrier, d'une figure revenante, laborieux, & fort rangé. La jeune yeuve ne le vit pas avec indifférence, elle lui trouva quelques traits de feu fon mari; il lui ressembloit, furtout par une conduite fage & réglée. Bientôt les deux amans furent d'accord; mais ce n'é· toit pas là l'affaire de la famille de la veuve; elle avoit jeté les yeux fur un autre parti qui étoit plus avantageux; on le préfenta à la jeune femme, & on lui en impofa, parce qu'elle étoit trop foible pour réfifter. Le garçon, instruit de son malheur, ne voulut pas y furvivre; mais il ne voulut pas mourir non plus fans confulter le ciel; & voici le plaifant expédient dont il fe fervit pour fçavoir la volonté de dieu. Il s'enferme dans La chambre, prend fa culotte de chamois des dimanches, & fe met à en découdre la ceinture; il avoit conclu qu'en défaifant un point, il diroit oui, & non en défaifant le fecond, & ainfi de fuite. Il penfoit que fi le dernier amenoit le oui, c'est que le ciel, permettroit qu'il fe pendit; fi au contraire, il amenoit non, ce devoit être une détense du ciel, & alors il étoit rétolu de fe contenter de fuir la maison, & d'aller pleurer ailleurs la perte de la veuve. Le oui fe trouva au dernier coup de cifeau, & la ceinture de la culotte de chamois fut l'inftrument du fupplice du jeune homme, qui fe pendit en effet de fon mieux. Heureusement pour lui, le confeil qu'il avoit cru devoir prendre du ciel, avoit demandé du tems ; on s'apperçut qu'il manquoit, on courut à fa chambre; on enfon ça la porte; il fut, fauvé, malgré lui, & il n'eut point la veuve,

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IT ALI E.

Nous avons annoncé (Iere. quinz, de Juillet, P.19) un édit du pape, concernant la vie & les

mœurs des eccléfiaftiques; voici la traduction de cette piece.

« Il n'eft rien, fans doute, qui puiffe contri-. buer davantage à exciter le culte de dieu & la piété parmi les fideles que la vie édifiante des eccléfiaftiques. Les peuples y contemplent, comme dans un miroir, l'exemple d'une conduite à imiter, ainfi que l'annonce le concile de Trente, & les mauvaises mœurs du clergé font, au contraire, la fource ordinaire & fatale de leur corruption, au détriment notable de cette beauté & de cette gloire qui doivent parer l'époufe de J. C. C'est pour ces raifons que Pie VI, fouverain pontife heureusement regnant, a voulu garantir le troupeau qui lui eft confié, & nommément celui de Rome, contre tout ce qui pourroit lui être nuifible, & contraire à fon falut éternel, & empêcher en même tems le déshonneur qui réfulteroit pour l'églife, de la conduite peu décente de ceux qui y tiennent le premier rang par leur caracte re. Il a donc dirigé les premiers foins de fon zele apoftolique à la réforme du clergé, tant féculier que régulier, & il nous a, en conféquence, ordonné de vive voix, non-seulement de renouveller par le préfent édit tout ce qui eft prefcrit par les faints canons fur cette matiere, & qui a été invariablement inculqué par les prédécetleurs, mais d'y ajouter encore ce qu'il a cru être le plus convenable au befoin & au tems ».

«Indépendamment de ce qui eft prefcrit en gé néral par le faint concile de Trente à tous eccléfiaftiques, de régler leur vie de maniere à ne donner dans toutes leurs actions que des marques de prudence, de modération & de religion, en leur recommandant le plus fortement d'être en garde contre la moinde faute, qui deviendroit en eux fort considérable par rapport à leur caractere; on peut, à ce qu'il femble, réduire à

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quatre points ce qui a été ordonné par les faints' canons & par les édits émanés en différens tems," concernant la vie & les mœurs du clergé, c'eftà dire, la décence dans l'habillement, la fageffe dans le difcours, l'habitation non fufpe&te, & la dévotion dans la célébration du faint facrifice de la meffe; chofes qui, bien ob'ervées par ceux qui font confacrés à dieu par la fainte ordination, leur concilieront en outre, l'eftime & la vénération du peuple »..

«S. S. ordonne donc & commande très-rigoureusement à tous eccléfiaftiques de s'habiller à l'avenir décemment,- & de maniere à être diftingués, tant par la couleur que par la façon de leur habit, des laïcs & des perfonnes du fiecle. Elle veut qu'ils ne puiffent être vêtus que de noir, & que la façon de leur habit foit conforme à celle des prêtres & ecclefiaftiques les mieux réglés & les plus exemplairės ».

« A cet effet, il leur eft interdit de porter des habits d'aucune autre façon ou couleur, ainsi qu'ils ont été introduits dans ces derniers tems par les féculiers pour leur aifance, & trop adoptés par les autres eccléfiaftiques, à l'étonnement, pour ne pas dire au fcandale, des ames timorées. Il fera cependant permis aux eccléfiaftiques de porter l'hiver un manteau d'une couleur obfcure; & à la campagne, le choix de la couleur de leur habillement leur fera libre, pourvu qu'il ne foit pas chargé d'ornemens vains & fuberflus. Cette maniere de s'habiller aura lieu tant le jour que la nuit, & principalement l'été, tems durant lequel on a vu ci devant des abus; & ce fous les peines portées par les édits piécédens, & renouvellées par celui-ci. L'arrangement des cheveux doit répondre à la modeftie de l'habillement : les eccléfiaftiques les porteront courts avec une tonfure vifible, & grande au moins comme un teston pour

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les prêtres. Quant aux perruques, ceux qui auront la permition d'en porter, les porteront modeftes, & avec la marque de la tonfure, & tous s'abftiendront de furcharger leur coëffure de poudre ».

« Les défauts des eccléfiaftiques, leur oifiveté & leur diffipation fe découvrent plus aifément par leurs difcours peu mefurés, dans des lieux, dans des tems & avec des perfonnes de différent fexe, & occafionnent d'ordinaire le mépris, ou. du moins le peu de cas qu'en font les féculiers, fans parler du fcandale qu'ils donnent par-là fort fou vent. Il est donc interdit à tous eccléfiaftiques, même clercs, de s'arrêter longtems dans les cafés, chez les épiciers, ou en d'autres femblables lieux publics; & furtout il leur eft très-féverement dé fendu, fous peine de prison & autres arbitraires, d'y jouer aux cartes ou à tout autre jeu. Il eft en core plus indécent aux eccléfiaftiques de paroitre en public avec des perfonnes du fexe, de leur donner le bras, & de les accompagner au théâtre, à la promenade, ou autres lieux femblables. Nous le leur défendons abfolument fous toutes les peines déjà portées à cet égard, que nous renouvellons, & que nous ferons ceftainement mettre en exécution ».

« Pour éloigner le plus qu'il eft poffible des eccléfiaftiques les occafions d'entretien avec les perfonnes du fexe, nous voulons qu'aucun prêtre ou clerc ne puille être parrain, foit de baptême, foit de confirmation, fans une permillion expreffe de notre part; leur défendant expreffé ment d'être maitres de chant ou de mufique d'aucune perfonne da fexe, fuivant la teneur de là prohibition de Clément XI d'heureufe mémoire >>.

«Il eft de même peu décent que les eccléfiaftiques paroiffent aux tribunaux laïcs, eh qualité de Procureurs ou d'avocats : nous le leur défendons également, comme il leur autrefois été défendu

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