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MESSIEURS,

Nous apportons à la cour deux libelles, qui fe répan= dent depuis quelques jours dans le public. Le premier a pour titre: Catéchisme du citoyen, ou Elémens du droit public françois, par demandes & par réponses, à Geneve, aux dépens de la compagnie ; & contient 112 pages d'impreffion.

Le fecond eft intitulé: L'Ami des loix, avec cette épigraphe Omne malum nafcens facile opprimitur ; inveseratum fit plerumque robuftius. Cic. Il contient 32. pages d'impretion; mais il eft fans nom d'auteur ni d'Imprimeur, & l'on ne dit pas en quel lieu il a été imprimé.

Notre miniftere ne peut fe difpenfer d'exciter toute la févérité de la juftice contre ces deux libelles, & de requérir une flétriffure d'autant plus éclatante, que l'auteur de L'ami des Loix en particulier femble en quelque forte, l'avoir provoquée, puifqu'il n'a pas craint de faire remettre à chacun de vous un exemplaire de cet ou vrage.

Le fyftême de ces deux imprimés eft parfaitement femblable; leurs principes font les mêmes, & Pun & l'autre tendent au même but.

Nous ne nous permettrons point de mettre ici fous vos yeux les queftions hardies que ces auteurs téméraires fe fout permis de traiter, & les folutions encore plus effrayantes que l'on trouve dans ces écrits féditieux. Heureufe la France, fi ces problêmes fuffent toujours demeurés fous le voile dont la prudence de nos peres avoit enveloppé tout ce qui concerne le gouvernement & l'adminiftration, pour ne point exciter de fermentation dans les efprits, peut-être encore agités des derniers orages que nous avons éprouvés! Nous nous contenterons de vous dire, que les auteurs de ces deux ouvrages ne cherchent qu'à détruire toute fubordination dans le corps politique de l'état, & qu'ils fe font pro mis d'ébranler, s'il étoit poffible, la monarchie françoife jufques dans fes fondemens: l'un & l'autre, comme de concert, affectent de méconnoître le véritable caractere de la puiffance fouveraine. Ils font les plus grands efforts pour afforblir les liens qui uniffent le peuple & le monarque; & divifant les intérêts indivifibles du prince & de l'état, par une diftinction auffi contraire aux véritables maximes de notre gouvernement qu'elle eft injurieufe à mes rois, ils ont espéré foulever la nation contre le foug

verain, & balancer la puiffance royale par les délibérat tions prifes dans les flots tumultueux des affemblées populaires.

Ce n'eft pas d'aujourd'hui que ces principes ont été mis en avant comme pour s'affurer de l'impreffion qu'ils pourroient faire fur les efprits. On les retrouve en entier dans le Judicium Francorum, contre lequel M. Gilbert de Voifins s'éleva en 1732, & nous dirons en ce moment comme il difoit alors: Vous ne pouvez voir fans indignation les fauffes & les pernicieuse couleurs par lesquelles on effaie de confondre & d'effacer les véritables principes de l'ordre public, parmi nous; d'ébranler jusqu'aux loix fondamentales du royaume, & d'altérer, s'il je pouvoit, cette autorité fouveraine, qui réfidant en la perfonne de nos rois, eft l'unique fource de tout pouvoir légitime & de toute puiffance publique dans l'état.

Nous ne vous avons encore retracé qu'une partie des excès multipliés dans les deux écrits qui nous occupent en ce moment. Il eh eft un plus criminel encore; c'étoit trop peu pour leurs auteurs de répandre dans le public ces femences de divifions, ce germe de fu reurs inteftines, & de vouloir, en quelque forte, arracher du cœur des François l'amour de leurs rois, qui eft le caractere distinctif de la nation; ces audacieux ofent encore appeller les peuples à la révolte; ils levent l'étendard de la fédition; & l'un d'eux a porté la témérité jufqu'à vouloir faire envisager la rébellion comme l'effort de la plus fublime vertu.

Nous ne répétons qu'en frémiffant, les propres termes de cet infenfé, Quoi! la rebellion, aux yeux de la fageffe, deviendroit une vertu ! A quel aveuglement ne porte point le délire de l'amour de la liberté ? Laiffons vanter à l'hiftoire ce fanatifme ufé des anciennes républiques, enfevelies fous les débris de la Grèce & de l'Italie. Cette liberté qui les rendit fi vaines, fouvent fi malheureufes, vaut-elle une dépendance telle que la nôtre, infenfible par fa douceur, précieufe par fes effers! fénat de Rome, aréopage d'Athènes, éphures de Lacédémone, nos magiftrats n'ont rien à vous envier; vous fures citoyens dans des républiques; ils fçavent l'être dans une monarchie; ils fervent également & leur prince & l'état entier !

Les pairs affemblés au parlement les 4 & 5 de ce mois, pour examiner la plainte en fubornation de témoins donnée par la dame de St. Vincent, entendirent le rapport des charges fans rien

flatuer; mais le 7, ils ordonnerent que la requête de cette dame feroit jointe au fond du procès.

Le 6, l'ouverture de l'affemblée du clergé fe fit aux grands auguftins, avec les cérémonies d'usage. Elle eft compofée de 32 évêques, de 32 eccléfiaftiques du fecond ordre, & de 4 agens du clergé, dont deux nouveaux. Le fujet du fermon que l'évêque de Sénez y a prononcé, a roulé sur les avantages de l'union des deux puiffances temporelle & Spirituelle. On dit que le don gratuit demandé eft de 16 millions.

Le 8, fix pairs tant eccléfiaftiques que laïques, allerent fiéger à la cour des aydes, & prirent rang après le premier préfident. Il y avoit une affaire affez importante de rapport au jugement de, laquelle ils ont coopéré; le rapporteur a faifi cette occafion d'adreffer dans fon exorde un compliment au Sr. de Malesherbes, qui a voulu l'interrompre & l'empêcher; mais foutenu de la compagnie dont il portoit le vou, il a continué fon éloge, & témoigné la part que fon corps prenoit à la perte dont ils étoient affurés, & qu'il ne falloit pas moins que la place où il étoit appellé auprès du trône, pour aider à la foutenir, & la confiance où tous les membres étoient, qu'il n'oublieroit jamais une compagnie où il avoit présidé avec tant de gloire, & dont l'attachement lui étoit

connu.

Ce compliment eft fondé fur ce que le fieur de Malesherbes eft nommé fecrétaire d'état, à la place du duc de la Vrilliere qui fe reti. re le roi lui conferve fon entrée au confeil & 60 mille liv. de penfion. Le Sr. de Malesherbes a pour fucceffeur le Sr. de Barentin, qui eft remplacé dans la charge d'avocat-général au parlement par le Sr. Joly de Fleury, maitre des requêtes, & neveu du procureur-général.

Le maréchal de Clermont-Tonnerre fut reçu le 13 au parlement, duc & pair de France.

La reprise de L'union de l'amour & des arts à l'opéra a beaucoup de fuccès. Ce fpectacle pasoit amufer Mgr. le comte d'Artois, qui y eft venu trois fois de fuite. Le 14, en fortant de fa loge, ce prince alla fans cérémonie, faire une vifite à la ducheffe de Chartres, qui étoit au lit il fe rendit enfuite au jardin du palais royal où il y avoit une foule incroyable de monde qui s'eft fort empreffée à le voir & à le fuivre.

Le même jour 14, la cour des aides fe rendit en corps à l'hôtel du Sr. de Malesherbes pour le complimenter & lui témoigner de nouveau tous fes regrets ce fut le préfident de Montreuil qui porta la parole. Cette démarche fi flatteufe & fi méritée, fit répandre des larmes au digne magiftrat qui en étoit l'objet les membres de fa compagnie ne parurent pas moins attendris, & cette fcene fut des plus touchantes.

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Le 16, le comte d'Eu fut enterré à Sceaux, fans cérémonie, ainfi qu'il l'avoit defiré. Par fon teftament, il a inftitué fon légataire univerfel le duc de Penthievre. Malgré les difpofitions que ce prince a faites, il y a quelques années, on eftime que fa fucceffion fera encore un objet de près d'un million de rentes, fans y comprendre un mobilier immenfe.

Mgr. le comte d'Artois defirant que la race des chevaux françois puifle avoir la même réputation que celle des chevaux anglois, a fait annoncer des courfes qui commenceront au premier Octobre prochain. Ce prince & M. le duc de Chartres ont donné chacun 50 louis pour les premiers frais de cet établffement auquel on a mis les conditions fuivantes: 1°. de n'admettre à la courfe que des chevaux françois dont l'extraction fera vérifiée par des écuyers dénomAoût, 1775. 1e. quinz. C

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més: 2°. qu'il fera payé 25 louis chez un notaire indiqué pour chaque cheval qu'on voudra faire courir: 3°. que les courfes fe feront dans la plaine de Sablons, dont il faudra faire trois fois le tour.

Mgr. le duc de Chartres, qui étoit parti de cette capitale la nuit du 30 du mois dernier, eft arrivé le 4 de ce mois, à Rochefort, où il a été reçu avec tous les honneurs dûs à fon rang. La corvette la Tourterelle, commandée par le Sr. de Rochenard, eft à la rade de ce port pour tranfporter ce prince à bord de la frégate la Terpficore, qui fait partie de la petite efcadre d'évolution fortie du port de Breft. On dit que ce prince a deffein de faire plufieurs campagnes, & qu'enfuite M. le duc de Penthievre pourroit, avec l'agrément du roi, lui tranfmettre fa charge de grand amiral.

On affure que la cour a donné des ordres pour faire paffer à St. Domingue les 6 derniers bataillons des 6 premiers régimens de France.

Le corps des avocats de cette capitale a toujours été dans une espece d'effervefcence depuis le retour de la magiftrature, & il s'occupe fort main-. tenant du renouvellement de fon tableau. On fçait que ce corps a 5 ou 600 membres, qui fe divifent en 18 bancs, où ils dépofent leurs robes & bonnets au palais, & que chacun des bancs auxquels ils fe fixent arbitrairement, a toujours deux députés nommés alternativement pour diriger les affaires de l'ordre avec le bâtonnier. Ces députés fe font fouvent affemblés pour avifer aux moyens de faire repentir leurs confreres qui ont plaidé pendant l'exil, & qui ont ainfi prolongé fa durée. Ils ont d'abord entrepris les quatre qui allerent à Fontainebleau dire au chancelier, en 1771, qu'ils étoient 28 déterminés à exercer leur miniftere. Un de ces quatre a été rayé du tableau; les deux autres ont été condamnés à recevoir une

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