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Les préparatifs formidables qu'a faits l'Espagne, & que quelques-uns croient destinés contre les Maures, ont exalté quelques têtes de cette nation, célebre de tout tems par fon enthousiasme & fon goût pour le merveilleux. Un avocat de la ville de Torrés, diocefe de Malaga, en fournit un exemple; il vient de mourir, & l'on a trouvé parmi fes papiers une prophétie qu'on s'eft empreffé de copier & de répandre. Cette prophétie rappelle la fable que Mariana rapporte fur l'autori té d'un Arabe, & qu'il place au commencement du regne de Rodrigue; la voici. Il y avoit à Tolede un bâtiment qu'on appelloit le palais enchanté, & qui étoit foigneufement fermé. L'opinion générale étoit que l'empire des Goths feroit détruit en Espagne fi l'on ofoit jamais l'ouvrit. Rodrigue s'imaginant que fes prédéceffeurs y avoient enfermé des tréfors, fit rompre les ferrure's & brifer les portes. Tout ce qu'il y trouva fut un coffre de fer, dans lequel étoit une toile pliée; an y avoit peint des hommes d'une taille & d'u habillement extraordinaires; & au-deffous une inscription latine, qui portoit que l'Espagne alloit être envahie par une nation semblable aux hom mes peints fur cette toile. La prophétie de l'a-, vocat de Torrés, paroit être un rechauffé de cette fable; avec cette différence qu'elle annonce la gloire de l'Espagne, & la deftruction des Maures. La voici. « Depuis l'an 1770 de l'ere chrétienne, jufqu'à l'an 1780, & avant qu'il foit arrivé, on verra de grands événemens fur mer & fur terre. Il paroitra une étoile qui les préfagera; plufieu's nations qu'on croyoit ne pouvoir jamais être fou mifes, feront fubjuguées. Un inconnu entrera par la porte du détroit, & fe montrera avant de ma nifefter fon courage; il viendra un Hercule qui, s'il veut tenter fortune, détruira toute l'Afrique, qui paffera fous le fil de fon épée. Il marchera

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avec une armée pour châtier les téméraires; & dès qu'il fe fera fait connoitre tout le monde fe rangera fous fes drapeaux. Les nobles, les feigneurs, les princes du fang royal fouffriront beaucoup, & le mal s'étendra à toutes les conditions jufqu'à celles du berger. Le bruit des tambours, le fon des trompettes monteront jufqu'au ciel. Toute la terre barbare fera ravagée, & en moins de trois ans on n'y verra plus aucun fruit. Perfonne ne fera exempt de prendre l'épée; le clergé même, le frere- lai, y feront obligés; les riches s'armeront & habiteront fous des tentes. Le lion combattra un ferpent fuperbe & féroce, & le mettra à mort. La victoire fera du côté de la juftice; dieu l'a ainfi ordonné, & le vaincu ne pourra jamais fe relever ».

TURIN (le 28 Juin.) Le comte de Cordon, envoyé extraordinaire du roi en Angleterre, d'our il n'eft abfent que par congé, eft venu fur les frontieres de Piémont pour y complimenter, au nom de tous les habitans, L. M. iur leur heureuse arrivée dans cette partie de leurs états; il étoit accompagné de l'intendant général de la Savoie, & fuivi d'une foule prodigieufe de peuple, aux acclamations duquel L. M. ont été conduites jufqu'à Lavelbourg, où elles font reftées le jour de la fête-dieu; le roi y a porté le dais à la proceffion du St. facrement, avec le prince de Piémont & fes deux capitaines des gardes. Le roi &. la reine ont féjourné deux jours à St. Jean de Maurienne, où L. M. ont reçu les complimens de l'évêque, du chapitre, des officiers municipaux: & des autres corps de la ville. Le 20, elles font arrivées à Chambery avec toute la famille royale, & y ont reçu auffi tôt une députation du fénat, de la Ste. chapelle & des corps & communautés. Soixante cavaliers, en uniforme rouge & verd,

galonné d'or, commandés par le comte de Cordon, & quatre cens hommes à pied, vêtus de même compofoient la milice bourgeoife, fous le nom de dragons de la princeffe de Piémont, & de chevaliers de l'arquebufe. Le lendemain, L. M. ont admis la nobleffe des deux fexes à l'honneur de leur baifer la main. Le peuple a donné dans cette occafion les preuves les moins équivoques de fon vif attachement pour fes maitres. Le roi, la reine & la famille royale ont dû partir hier au matin pour parcourir la province de Chablais; L. M. féjourneront deux jours à Annecy, iront à Thonon, Evian, Rumilly, & feront de retour à Chambery le 8 Juillet..

ESPAGNE.

MADRID (le 25 Juin.) Le prince des Afturies, l'infant don Gabriel & l'infant don Louis exécuterent le 10 de ce mois, en présence du roi, des princeffes & de toute la cour, l'efpece de tournois qu'on appelle las Parejas. Ce divertiffement étoit compofé de quatre quadrilles, de douze cavaliers chacun; ils étoient vêtus felon les anciennes modes efpagnoles. Chaque quadrille portoit des couleurs différentes, fçavoir, la couleur de feu & blanc, le jaune & blanc, le verd & blanc, le bleu & blanc : les trois princes & le duc de Medina-Sidonia, grand écuyer de S. M., en étoient les chefs. Elles firent plufieurs évolutions auffi variées qu'agréables, à un galop relevé & cadencé, en fe mêlant & en fe divifant alternativement au fon d'une mufique militaire. L'accompagnement en écuyers, chevaux de main, valets de pied & coureurs, en étoit aufli nombreux que magnifique.

CARTAGENE (le 17 Juin.) L'expédition ma

ritime qui eft dans ce port, eft prêt à lever l'ancre. Les généraux même font à bord, & le vaiffeau commandant a déjà tiré deux coups de partance. Le troifieme & dernier cft réservé, diton, pour cet après-midi, & l'on commencera dès ce foir même à faire voile, fi le tems le permet. Outre les différens ouvriers qu'on a fait venir de Cadix & de Barcelone, on a encore fait embar quer ici deux cens charpentiers de cet arfenal.

La cour a donné ordre d'armer trois autres vaiffeaux de ligne; l'un fera armé ici, l'autre à Cadix, & le troifieme au Ferrol.

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On voit ici une lifte des troupes embarquées tant en ce port que dans ceux de Cadix, du Ferrol & de Barcelone : la voici..

« Quatre officiers-généraux, fçavoir, le comte O-Reilly, commandant en chef; don Antoine Ricardos, lieutenant-général; le comte d'Afalto, général-major & maréchal de camp; & don Silveftre Abanca, quartier - meftre- général. Cinq maré haux de camp, qui font, don Felix de Buch, le marquis de la Romania, don Louis Urbina, don Diego Navarra, & don Silveftre Abarca. Seize officiers ingénieurs & leur commandant; trois bataillons des gardes efpagnoles, comprenant 2100 hommes; trois bataillons des gardes wallones, 2100; deux bataillons d'Arragon, 1100; deux bataillons de Savone, 1410; deux bataillons d'Irlandois, 1100; un batailion de volontaires. étrangers, 736; un bataillon de Buch fuite 736; un bataillon du roi, 736; deux compagnies de volontaires catalans, 600; douze bataillons de divers régimens du pays, comprenant 8832 hommes. Quatorze compagnies de grenadiers des feconds bataillons de ces quatorze derniers régimens à 66 hommes par compagnie, faifant 924. hommes. De l'artillerie, des bombardiers, &c.. avec la brigade d'ouvriers d'artillerie, 1086 home

mes. Charpentiers, maçons, ferruriers, boulan gers & travailleurs, 1200 hommes. Chirurgiens, médecins, commiffaires, gardes-magafins & autres affiftans 96 ».

PORTUGAL.

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LISBONNE (le 13 Juin.) Ce ne fut que le 6 de ce mois que fe fit l'inauguration de la ftatue équeftre du roi, qui avoit été feulement pofée fur fon piédeftal le 27 du mois dernier. Le roi & la reine s'étant rendus à la place du commerce, la cérémonie commença, & l'on vir tous les corps de l'état défiler devant L. M., qu'ils faluerent pour aller faire leur révérence devant cette ftatue. Cette fête fut fuivie le lendemain d'une autre fur la même place, où L. M. fe rendirent également pour y voir paffer 4 chars de triomphe, repréfentans les 4 parties du monde, d'où 'defcendirent des acteurs, habillés & danfant felon le goût des différentes nations qui les habitent. Après ces chars parurent ceux d'Apollon & de Neptune, & un 7e. qui repréfentoit le Portugal triomphant &c. A l'occafion de ces qui ont duré trois jours, & dont le détail conduiroit trop loin, le roi a accordé un pardon général à tous les prifonniers qui ne font pas coupables de crimes de leze-majefté, ou d'autres délits graves. Les membres du fénat ont envoyé à chacun des miniftres étrangers deux eftampes de la ftatue du roi ; & le mercredi, le comte d'Oeyras leur remit à chacun, de la part du même fénat une médaille de la valeur de 12 ducats, frappée pour le même sujet. On a compté chaque jour plus de cent mille fpectateurs fur cette place, qui, fuivant un tableau remis au-marquis de Pombal, pour roit contenir au-delà de 250, 000 perfonnes.

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FRANCE.

fêtes

VERSAILLES (le as Juillet.) Le roi nomma,

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