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JOURNAL

POLITIQUE,

OU

GAZETTE

DES GAZETTES.

JUILLET.

Seconde Quinzaine.

TURQUIE.

CONSTANTINOPLE (le 27 Mai.)

Uoique les Grecs & les Arméniens, fujets. de la Porte, duffent jouir de la liberté de profeffer ouvertement leur religion, ils étoient

néanmoins expofés, fous le regne précédent, & furtout pendant la derniere guerre, aux inful:es de la populace & de la foldatefque; de forte que les fêtes les plus folemnelles étoient fouvent marquées par l'effufion du fang de plufieurs perfonnes de cette communion. Le grand-feigneur, plus jufte à cet égard & plus tolérant que fes prédéceffeurs, a pris les précautions convenables pour que ces fcenes fcandaleufes & barbares ne fe renouvellent plus à l'avenir; les troupes prépofées à la garde de cette ville & au maintien de la police ont eu ordre non-feulement de ne point troubler les Grecs dans leurs cérémonies religieufes, mais de veiller particulierement à leur sûreté. En conféquence, ils ont célébré leurs pâques cette année, avec une entiere liberté.

Le 5 de ce mois, le dragoman de la Porte eut avec l'internonce de la cour de Vienne, une longue conférence, dans laquelle la ceffion de quelques diftricts de la Moldavie fut définitivement réglée.

Le 10, la Porte fit notifier aux ambaffadeurs. & miniftres étrangers, la groffeffe de deux fultanes. On renouvella l'ordonnance d'ufage en pareil cas, portant défenfe aux capitaines de vaiffeaux de toutes les nations, de faire tirer le canon leur entrée dans le port ou à leur fortie.

Le 13, jour de la naiffance de Mahomet, on en célébra l'anniverfaire avec beaucoup de pompe, & tout fe paffa fans le moindre défordre. Les miniftres, les gens de la loi & les grands de l'empire eurent l'honneur de faire leur cour, à cette occafion, au grand-feigneur.

Les feules particularités qu'on ait apprises de la révolution qui s'eft opérée en Crimée, font, que Sahib Guéray, ayant été informé que les préiens que le grand-feigneur lui envoyoit comme une marque qu'il le reconnoiffoit pour kan de la Cri

mée, étoient arrivés près de Bachiafaraï, ce prin ce fortit de fa capitale pour aller les recevoir. Les Myrles, mécontens, faifirent cette occafion pour le deftituer; ils fermerent les portes de la ville, élurent & proclamerent pour kan Dewlet Guéray. Ce fut à la nouvelle de ce changement inopiné que Sahib Guéray prit la fuite. Le bruit fe répand que les Tartares envoient des ambaffadeurs au grand-feigneur, pour prier S. H. d'approuver leur choix, & de reprendre la nation fous fa protection immédiate. On ne prévoit pas quelles feront les fuites d'un événement qui porte atteinte à l'exécution du traité de paix.

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On a reçu quelques détails fur la fin tragique des deux pachas dont on a envoyé les têtes en cette capitale. Ce fut le 9 du mois dernier que Agi Ofman pacha fut étranglé au moment qu'il faifoi fon entrée à Negrepont, dont il avoit été nommé gouverneur. Pour prévenir toute émeute le janiffaire, aga du lieu, qui étoit chargé de cette commiffion par un ordre du grand-feigneur, dont un fimple boftangi fut porteur, prit la précaution, lorfque le pacha fe trouva fur le pont de la fortereffe, d'en faire fermer les portes & de faire dire aux troupes qui l'avoient précédé & à celles qui le fuivoient, que le pont s'étoit rompu. On fignifia en même tems au pacha, qui n'étoit accompagné que de 10 ou 12 de fes gens, de defcen dre de cheval, & d'entrer dans le petit château attenant le pont, pour régler fes comptes avec le fultan. En mettant pied à terre on lui préfenta l'ordre du grand-feigneur, qui portoit en fubftance qu'il avoit été condamné à la mort, pour avoir refufé d'aller retirer les efclaves qui fe trouvoient à Bender, & pour avoir extorqué 700 bourfes des Turcs & des Grecs en Romélie : il demanda à voir fon fils & fon felictar (un de fes principaux officiers); ce qui lui fut refufé: il of

frit de compter 50 mille fequins, fi t'on vouloit fui accorder 15 jours; même refus. Privé de tout efpoir, il fit fa priere, & fe paffa lui-même la corde au cof. Ce gouverneur avoit à fa fuite 40 mulets chargés d'argent.

Quant au cruel Senfeveli, aga de Pergame, c'eft le pacha de Cutaja qui fut chargé de s'en faifir. Il fe mit pour cet effet, à la tête de 7 mille hommes, & le 15 Février, il attaqua Senfeveli, qui, après s'être mal défendu, trouva cependant les moyens de s'évader. Il fut atteint dans fa fuite arrêté & mis à mort. La ville de Pergame a doublement fouffert de la tyrannie de fon aga; elle a été exposée au pillage des troupes qui l'ont attaquée, & plufieurs de fes habitans ont péri dans cette circonftance. Ce Senfeveli eft le même qui euleva la femme de Fetz- Aga, de laquelle il venoit d'affaffiner le frere ( Voy, ame. quinz. de Décembre 1773, pag. 6-9.) On a dit depuis que voyant qu'il feroit forcé de rendre cette dame, il avoit eu la barbarie de la maffacrer. On efpere que le même fort est réservé à Ayvas- Aga, ami de Senfeveli, & fi connu par les troubles qu'il a fouvent excités à Smyrne.

Malgré l'avantage que le Cheik. Daher a, dit-on, remporté fur les troupes égyptiennes, on affure qu'il offre de fe foumettre au grand-feigneur, & de lui remettre les arrérages des 7 années du tri

but dont il eft redevable à la Porte. Ces nouvelles ne s'accordent point avec une lettre d'Alexandrie, en date du 1er. de ce mois, & dont voici l'extrait.

L'armée égyptienne qui doit agir en Syrie de concert avec la flotte turque, eft partie du Caire en trois di ifions. La re., compofe des maisons de Muftapha-Bey, Kutchuk Ifmail bey, Ibrahim bey Topal & Ibrahim bey Tamani, fe mit en marche le is Mars; la maifon de Murat bey défila le 19,

& celle de Méhémet bey, formant l'arriere-garde, le 20; indépendamment de leurs mamelucs & affranehis, ces beys ont chacun à leur fuite un corps de maugrebins a pied, dont l'enfemble de 4 à 5 mil le, réuni à leurs maifons, monte à 12 mille hommes. On apprend que ces troupes ont été jointes fur la route par 7 à 8 mille Arabes ; ce qui a porté Parmée de Méhémet bey à plus de 20 mille hommes. Ce général s'eft emparé en chemin de Gaza, de Rama; & après avoir attiré à fon parti les villes de Naplouse & de Jérufalem, il s'eft porté en toute diligence fous Jaffa, où il est arrivé le 3 Avril, dans le deffein d'en faire le fiege. Cette place eft défendue par 500 hommes, que, commandent un des fils du Cheik-Daher & un officier nommé Mer-Kaoui connu par fa valeur & fon attachement au cheik. Ce dernier eft maitre de quelques fortereffes, & furtout de celle de Tibériade, qui peuvent lui fervir de retraite, dans le cas où le fort des armes lui Seroit contraire.

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TUNIS (le 29 Mars.) Le retour du vikil du bey de Conftantine auprès de notre bey a rétabli le calme dans cette capitale, en détruisant les bruits auxquels l'invasion du Cheik Bohazir avoit donné lieu.

On a des avis que ce cheik eft defcendu de nos montagnes avec confiance, à la vue du camp du bey, empurtant avec lui des effets & des beftiaux de toute efpece, & qu'il traverfera les états d'Alger avec trop de fécurité pour ne pas faire foupçonner cette puiffance de nous avoir attiré cet ennemi. On croit que le bey de Constantine retire les plus grands avantages des entreprifes de ce cheik contre nous, & qu'il s'eft prêté, malgré lui, à la médiation & à la garantie dont fon vikil vient d'apporter les affurances.

La frégate françoife l'Aurore, armée à Rochefort,

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