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perdu, s'il est constitué pour permettre d'exercer une servitude de puisage, et que cette dernière n'ait pas été exercée du tout; car ici on n'a pas fait moins que ce que l'on avait le droit de faire; or on n'a pas exercé du tout le droit et l'iter s'éteint par voie de conséquence, puisque son exercice seul ne peut plus donner au fonds dominant aucun profit, du moins dans le sens où ce profit devait exister primitivement; mais nous n'adopterions pas la même solution, si une même servitude donne droit à l'iter et à l'actus, et que l'on n'ait exercé que l'iter. « Qui iter et actum habet, si sta« tuto tempore tantum ierit, non perisse actum sed ma«nere, Sabinus, Cassius, Octavenus aiunt» (Dig., L. 2, liv. VIII, tit. VI); car ici l'iter procure au fonds dominant un avantage moindre que celui que peut lui procurer l'actus; mais si minime qu'il soit, il empêche le non-usage de produire son effet extinctif; d'autant plus qu'ici nous n'avons plus un droit accessoire qui s'exerce, c'est un droit diminué, mais qui est de la même nature que le droit stipulé que l'on néglige d'exercer.

Voyons maintenant ce qui se passera quand l'un des fonds formant un tout lors de la constitution de la servitude est ensuite divisé en plusieurs parties.

Nous avons déjà examiné plus haut les effets du partage pour le fonds dominant en traitant de la valeur d'un acte d'usage fait par l'un des copropriétaires.

Si c'est le fonds servant, qui étant indivis vient à être partagé, Celsus distingue, dans le cas d'une servitude de passage, suivant que l'iter doit s'exercer dans un endroit déterminé, ou sur une partie quelconque du fonds que l'on vient de diviser. Dans le premier cas, il fait également une sous-distinction si les différentes parties du fonds sont placées l'une après l'autre du même côté de l'iter, c'est-à-dire si le fonds est divisé par des lignes parallèles à l'iter, ce que Celsus exprime par ces mots : per longitudinem divisus est, c'est comme si dès le commencement l'un des deux fonds avait été grevé de la servitude, et non pas l'autre ; alors la servitude sera éteinte pour les fonds sur lesquels on n'a pas le droit de passer : « Eadem omnia <servanda erunt quæ si initio constituendæ ejus servi«tutis similiter hic duo fundi fuissent. » Si, au contraire, le fonds est séparé suivant des lignes perpendiculaires à l'iter, si per latitudinem fundus divisus est, alors la solution sera différente: tunc manet idem jus servitutis quod, fundo indiviso, fuerat; car l'indivisibilité de la servitude fait qu'elle ne peut point s'éteindre partiellement, attendu que pour passer il faut le faire sur chaque fonds pour arriver au but.

Dans le deuxième cas, c'est-à-dire lorsque la servitude peut s'exercer sur une partie quelconque du fonds qui vient d'être divisé, il y aura alors autant de servitudes que de divisions du fonds, et l'usage que l'on

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fera de l'une d'elles n'empêchera pas l'extinction des autres: <<< Atque si ita divisus est fundus, si per quam<«<libet ejus partem æque ire atque agi possit: tunc perinde observabimus, atque si ab initio duobus «fundis duæ servitutes injunctæ fuissent; ut altera re<< tineri, altera non utendo possit deperire. >>

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Nous avons vu plus haut que la loi Scribonia défend d'acquérir les servitudes par usucapion, mais un texte de Paul semble en contradiction avec cette loi, qui, cependant, est bien formelle : « Servitus hauriculæ « aquæ vel ducendæ, biennio omissa intercidit, et <«< biennio usurpata recipitur » (Sentent., 1, 17, § 2). On a donné de ce texte deux explications: l'une, d'après laquelle Paul n'a voulu dire que simplement ceci que le non-usage serait interrompu par un seul fait d'exercice; mais outre que le sens est bien ambigu pour un principe aussi certain, je crois plus volontiers l'autre opinion qui, s'appuyant sur les termes mêmes du texte, dit qu'une servitude étant éteinte par non-usage, revivra cependant si, pendant deux ans, on peut s'en servir encore sans réclamation; cette usucapion n'a donc pas pour effet de constituer une servitude, mais d'en faire revivre une, qui existait précédemment. Cependant on peut dire que cette solution n'est pas exacte, car une fois la servitude éteinte, elle ne pourra plus revivre, et la servitude qui est constituée à nouveau est une nouvelle ser

vitude, qui aurait été constituée par usucapion, ce qui ne se peut; c'est là l'application rigoureuse des règles du droit classique, mais on pense que, dans ce cas particulier on y apporte une dérogation. Un ancien auteur, Janus a Costa (ad § 3, De reb. corp. et incorp.), avait soutenu que Paul, dans ce texte, faisait allusion au droit antérieur à la loi Scribonia : « Notat Paullum << hic illud proposuisse, quod jure civili, ante legem « Scriboniam, inductum erat; » mais on lui a répondu à juste titre « Plenius ostendit, Paullum de servitu« tibus olim competentibus, postea non usu amissis, <«< iterumque recuperatis (quod indigitat vox recipitur) « loqui, atque ita divortium esse factum a communi juris regula, respectu rusticorum servitutum, quæ « solo non usu extinguebantur biennio, ut qui hoc beni temporis spatio non usu servitutem amisisset, facultatem haberet eam recuperandi per biennium << usurpatam, æquitatis ratione (Franciscus Carolus « Conradi, ad legem Scriboniam).

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Nous venons de voir les règles du non-usage sous le droit civil; il est intéressant de voir maintenant quel est le droit de Justinien sur ce point : Une constitution de l'an 531 exige pour le non-usage le délai de dix ans entre présents et vingt ans entre absents « Censuimus, ut omnes servitutes non utendo «< amittantur, non biennio, quia tantummodo soli rebus <«< annexæ sunt, sed decennio contra præsentes, vel vi

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ginti spatio annorum contra absentes » (Code, L. 13, liv. III, tit. XXXIV). Iln'y a donc pas de doute possible: les mots non utendo amittantur font bien voir que Justinien s'occupe ici du non-usage et de l'extinction par ce mode; mais tout le monde n'admet cependant pas cette explication, et le doute vient d'une constitution antérieure sur l'extinction de l'usufruit, dans laquelle Justinien nous dit que l'usufruit ne s'éteint plus par non-usage: «Nisi talis exceptio usufructuario oppona<«tur: quæ etiamsi dominium vindicaret, posset eum << præsentem vel absentem excludere » (Code, L. 16, § 1, liv. III, tit. XXXIII). Il est bien évident que la propriété ne se perd pas par non-usage, il faut qu'un autre ait possédé le fonds pendant dix à vingt ans pour pouvoir repousser l'ancien propriétaire; faut-il en conclure qu'il en est de même pour l'usufruit et que l'usufruitier sera repoussé non pas simplement parce qu'il n'a pas usé de son droit d'usufruit, mais parce que son adversaire aura pendant ce temps là possédé le fonds et éteint l'usufruit par une usucapio libertatis. Il en résulterait que Justinien aurait aboli l'extinction de l'usufruit et aussi des servitudes par le simple non-usage, et ne se serait pas contenté par suite de changer seulement le délai donc l'inaction seule du propriétaire du fonds dominant ne serait plus suffisante, il faudrait, en outre, que le propriétaire du fonds servant fasse un acte contraire à la servitude; et il faudrait même qu'il

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