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cables les codes pénal, d'instruction criminelle et de procédure civile.

A la suite de la révolution de 1830, les droits civils furent d'abord accordés, par lordonnance de Louis-Philippe du 24 février 1831, à tous les hommes de couleur libres, puis la loi du 24 avril 1833 attribua les droits civils et politiques à toute personne née libre ou ayant acquis légalement la liberté: ce fut le retour au régime décrété le 28 mars 1792, par l'Assemblée législative, et que la conquête anglaise avait aboli. Une autre loi du même jour, qu'on a appelé la Charte coloniale, institua un conseil colonial, élu par des censitaires, qui fut investi d'une partie du pouvoir législatif; il a subsisté jusqu'en 1847. En 1837, la colonie a été divisée en communes, et le régime municipal, qui y avait été en exercice de 1789 à 1794, a été rétabli."

Après avoir détruit l'esclavage par le décret du 27 avril, la République de 1848 rendit à la colonie le bénéfice de la représentation à l'Assemblée nationale, et organisa les élections sur la base du suffrage universel. Mais le coup d'Etat du 2 décembre 1851 et la nouvelle constitution remirent la Martinique sous un régime transitoire, qui ne fut modifié, sous l'empire de Napoléon III, que par le sénatus-consulté du 3 mai 1854, organique de la constitution coloniale et du conseil général.

L'expédition du Mexique (1862-1867) renouvela le brillant spectacle qu'avait offert la Martinique pendant la guerre de l'indépendance américaine: le port vaste et sur de Fortde-France devint, comme au siècle dernier, le lieu de relache et de ravitaillement de toute la flotte française. Mais la colonie prit une part plus active à cette guerre: elle y envoya des marins, levés en vertu des lois sur l'inscription maritime qui sont appliquées à la Martinique depuis 1849; elle y envoya surtout une troupe de jeunes volontaires et d'ouvriers indigènes du génie militaire. Ces enfants du pays se distinguèrent par leur bravoure, leur ardeur et leur esprit de discipline, et rendirent au corps expéditionnaire d'éclatants services, qui leur valurent les honneurs d'un ordre du jour spécial (8 novembre 1864).

Vers cette même époque, s'est accomplie pour la colonie une grande réforme économique. La loi du 3 juillet 1861 avait aboli le régime commercial connu sous le nom de pacte colonial, qui fermait les marchés étrangers aux colonies et ne leur permettait le commerce d'importation et d'exportation qu'avec la métropole: cette loi avait donné, en un mot, la liberté de commerce et de navigation. Elle a été complétée par le sénatus-consulte du 4 juillet 1866, qui a

accordé aux colonies le droit de voter elles-mêmes leurs tarifs de douane et d'octroi de mer; mus cet acte leur a imposé, en retour, la charge le toutes les dépenses autres que celles de souveraineté, qui sont restées au compte de la métropole.

Les changements survenus en France à la suite de la révolution du 4 septembre 1870 ont rétabli dans la colonie le suffrage universel, supprimé depuis 1852, et avec le suffrage universel, la représentation dans la législature métropolitaine.

Un exposé de l'état actuel des institutions qui régissent la colonie complétera cette notice historique.

Régime législatif

§ 1er. Législation constitutionnelle et représentation nationale

L'assimilation législative et politique a été consacrée par les premières constitutions coloniales.

La décentralisation administrative a été étendue dans l'origine jusqu'à la séparation de la souveraineté d'avec le protectorat; le Roi, qui représentait l'Etat sous le régime de la monarchie absolue, n'avait réservé jusqu'en 1674 que la suzeraineté coloniale, c'est-à-dire le protectorat; la souveraineté des iles de l'Amérique était remise à des seigneurs. Depuis la réunion de la souveraineté des Antilles au domaine de l'Etat ou de la couronne, cette décentralisation est purement administrative ou financière.

La principale conséquence de l'assimilation législative et politique a été la constante participation des colonies à la confection des lois de l'Etat, soit dans les Etats-Généraux, la seule fois qu'ils aient été convoqués, soit dans les assemblées nationales, depuis l'établissement du régime constitutionnel. Il n'y a eu exception qu'à la suite des deux coups d'Etat de 1799 et de 1851, le premier ayant rétabli l'esclavage aux colonies, le deuxième y ayant supprimé l'exercice du suffrage universel.

Lorsqu'en 1814 la France reprit possession des débris de son empire d'outre-mer, nos colonies se trouvaient, depuis 1799, en dehors de la constitution nationale, comme elles le sont jusqu'aujourd'hui; et néanmoins elles n'avaient point encore de constitution propre.

La constitution de 1795 ou de l'an III, qui fut l'œuvre de la Convention, avait déclaré les colonies partie intégrante de la République et soumises à la même loi constitutionnelle.

La constitution consulaire de l'an VIII les avait placées, au

contraire, sous un régime qui devait être déterminé par des lois spéciales, et elles avaient été virtuellement dépouillées du droit de représentation dans les assemblées nationales. La loi du 30 floréal an X avait confié au gouvernement le soin de statuer provisoiremeat sur le régime des colonies,. et le sénatus-consulte organique du 4 août 1802 avait chargé le Sénat de régler leur constitution. Mais, vers la fin du premier empire, elles se trouvaient toutes sous la domination. britannique, les prescriptions du sénatus-consulte du 4 août 1802 demeurèrent sans effet.

La Charte du 4 juin 1814 stipula que les colonies seraient régies par des lois et règlements particuliers.

C'est en vertu de cette disposition qu'un règlement d'administration publique, l'ordonnance du 9 février 1827, a organisé le gouvernement de la Martinique et de la Guadeloupe. Cette ordonnance est encore en vigueur dans ses principales dispositions.

Sous l'empire de la Charte de 1830, fut délibérée et adoptée par les Chambres la loi du 24 avril 1833, que l'on a justement qualifiée de Charte coloniale, qui établit deux catégories bien distinctes de colonies: 1o les colonies régies par des lois de l'Etat, des ordonnances coloniales (1) et des décrets coloniaux (2); 2o les colonies régies par de simples ordonnances du roi.

La Martinique fut comprise dans la première catégorie. L'ordonnance du 9 février 1827 avait établi un conseil général ayant mandat de délibérer et de donner son avis sur les affaires locales. La loi du 24 avril 1833 lui substitua le Conseil colonial, assemblée dont les attributions avaient un caractère législatif.

Le conseil colonial nommait des délégués (deux pour la Martinique) près du gouvernement du roi : les colonies n'étaient point réprésentées à la Chambre des députés.

Les conseillers coloniaux étaient élus par des censitaires possédant au moins 30,000 francs de propriétés mobilières ou immobilières, ou payant 300 francs de contributions directes. Le cens des éligibles était double de celui des électeurs.

La loi du 25 juin 1841 diminua considérablement les pouvoirs du conseil colonial en réduisant ses attributions financières.

En 1848, le gouvernement provisoire rendit aux colonies le droit d'élire des représentats à l'Assemblée nationale et établit le suffrage universel (décret du 5 mars). Déjà la Mar

(1) Rendus par le roi, après avis du conseil colonial ou de ses délégués.

(2) Rendus par le conseil colonial, sur la proposition du gouverneur et sauf la sanction du roi,

tinique, en 1789, avait envoyé trois députés à l'Assemblée nationale.

Puis, par un décret du 27 avril 1848, le conseil colonial fut supprimé ainsi que les délégués. Un autre décret du même jour transféra au gouverneur le droit de statuer souverainement sur presque toutes les matières que la Charte coloniale de 1833 n'avait pas réservées aux lois de l'Etat. Ce pouvoir exorbitant n'a été retiré au gouverneur qu'en 1854.

Cependant la constitution républicaine du 4 novembre 1848, après avoir consacré le droit des colonies d'être représentées dans l'assemblée unique à laquelle était délégué le pouvoir législatif (art. 21), déclara qu'elles seraient régies par des lois particulières jusqu'à ce qu'une loi spéciale les plaçàt sous le régime de la constitution nationale (art. 109).

Enfin, la constitution du 14 janvier 1852 rendit au Sénat le soin de faire la constitution des colonies, tandis que, d'autre part, le décret-loi du 2 février suivant leur enlevait le droit de nommer des députés au Corps législatif.

La nouvelle constitution coloniale a été réglée par le sénatus-consulte du 3 mai 1854, modifiée par celui du 4 juillet 1866 (1). C'est celle qui régit encore les trois colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion.

Elle avait supprimé tout exercice de suffrage universel aux colonies, et substitué de nouveau à la représentation dans la législature métropolitaine le système des délégués près du ministère de la marine et des colonies.

Un décret du gouvernement de la Défense nationale, en date du 10 septembre 1870, a rétabli la représentation coloniale, conformément à la loi du 15 mars 1849, c'est-à-dire avec le suffrage universel.

Aujourd'hui, la Martinique est représentée par un sénateur et par deux députés.

§ 2.

- Législation civile et commerciale. Procédure. Législation douanière

Le code civil est en vigueur dans la colonie; il y a été promulgué, sous certaines réserves, le 16 brumaire an XIV (7 novembre 1805), pour la population libre; depuis l'abolition de l'esclavage, il régit nécessairement l'universalité de la population (2).

(1) Ces deux actes sont insérés dans le corps de l'Annuaire.

(2) Une loi du 6 décembre 1850 (promulguée dans la colonie le 13 janvier 1851) a décidé que les registres tenus par les curés et desservants, pour constater les naissances, mariages et décès des personnes non libres, antérieurement au décret d'abolition de l'esclavage, seraient déposés au greffe de chaque municipalité, et que les extraits qui en seraient délivrés auraient la même force que ceux des autres registres de l'état civil. Les instances en constatation ou rectification des actes de l'état civil de ces personnes sont exemptes de tous droits de timbre et d'enregistrement.

Les réserves faites consistaient dans la suspension de l'exécution du titre XIX du livre III, relatif à l'expropriation forcée, et des articles 2168 et 2169, concernant le régime hypothécaire. En conséquence, furent maintenues, dans l'intérêt des propriétés et manufactures de la colonie, une loi du 24 août 1726 sur les déguerpissements, et une autre de même date, établissant une procédure spéciale pour les licitations et partages.

Il y eut également une exception à l'égard de l'article 971(1): les testaments purent être reçus, dans les campagnes, par deux notaires seulement ou par un notaire en présence de deux témoins; et de l'article 412: un fondé de pouvoirs put représenter, pour les habitants de la campagne, plus d'une personne au sein d'un conseil de famille de mineurs.

Enfin, en raison des maladies fréquentes qui frappent l'enfance dans nos climats, le délai pour la présentation des nouveaux-nés fut d'abord porté à trois semaines (circulaire du préfet colonial du 27 décembre 1805), puis à quarante jours (ordonnance du gouverneur du 29 janvier 1813). Cette dernière ordonnance est encore en vigueur, ainsi que la disposition relative à la représentation des membres du conseil de famille.

Sauf ces exceptions, le code civil est le même à la Martinique qu'en France, et, en outre, les lois complémentaires ou modificatives de ce code, parues depuis sa promulgation, ont été, pour la plupart, successivement appliquées dans la colonie. Nous citerons notamment deux décrets des 22 janvier 1852 et 15 janvier 1853, qui y ont rendu exécutoires différents actes qui touchent à la législation civile.

Même la suspension du droit d'expropriation y a été abolie par un décret du gouvernement provisoire du 27 avril 1848. Du reste, cette mesure n'avait pas empêché la création du service hypothécaire dans la colonie.

Le code de procédure civile a été appliqué à la Martinique, avec modifications, par l'ordonnance du 19 octobre 1828, modifiée elle-même par divers décrets et lois postérieurs empruntés à la législation métropolitaine.

Le code de commerce a été étendu à la colonie par la loi du 7 décembre 1850. Depuis, diverses lois modificatives de ce code y ont été promulguées également.

Un décret du 16 février 1895 a rendu exécutoires dans la colonie les lois, arrêtés et décrets sauf certains textes inapplicables qui constituent, en matière pénale, la législation douanière actuellement en vigueur dans la métropole.

(1) Abrogé par le décret du 14 juin 1864, portant organisation du notariat aux Antilles françaises.

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