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nous pourrons espérer, avec la bénédiction de Dieu, mener la guerre à une heureuse conclusion.

NOUVELLES DE LA GUERRE

Une dépêche du général Canrobert, à la date du 3 décembre, annonce que le mauvais temps rend toute opération impossible:

Devant Sébastopol, 3 décembre 1854.

La pluie tombe à torrents. Nos chemins sont défoncés, nos tranchées remplies d'eau, et toutes nos opérations, comme la plupart de nos travaux, restent suspendus. L'ennemi est immobile par les mêmes causes et par celles que j'ai antérieurement exposées.

Malgré ces épreuves, le moral de tous est excellent, et nous tenons ferme, prêts à recommencer nos opérations dès que le temps et l'état des routes le permettront.

Précédemment, le commandant en chef de l'armée d'Orient avait envoyé au ministre de la guerre un rapport, daté du 28 novembre, et où l'on voit d'abord que le temps s'était amélioré. « Nous allons reprendre nos travaux avec un redoublement d'activité,» disait le général Canrobert. La suite de ce rapport offre quelques détails intéressants; en voici les parties principales:

L'ennemi met de son côté à profit ces intermittences forcées pour augmenter ses moyens de défense, ainsi que nous pouvons le constater. Jusqu'à présent, il a cherché avant tout à nous intimider, et jamais on n'a vu une pareille consommation de poudre et de boulets; nos officiers d'artillerie calculent qu'ils ont tiré pour cet objet, depuis notre arrivée sous les murs de Sébastopol, 400,000 coups de canon et brûlé 1,200,000 kilogr. de poudre. On peut se faire une idée, d'après cela, des approvisionnements accumulés depuis longtemps dans la place.

L'armée du prince Mentschikoff se maintient dans la défensive. Elle couvre ses positions d'ouvrages défendus par des pièces de marine, et il semble acquis que, jusqu'à nouvel ordre, elle a renoncé à rien entreprendre contre nous.

Pendant ce temps, notre situation s'améliore sous tous les rapports. Les renforts nous arrivent, et nos régiments de zouaves, comme tous ceux qui sont originaires d'Afrique, présentent surtout un ensemble des plus satisfaisants. Nos approvisionnements ont pris de grandes proportions, et je me trouve dès aujourd'hui en mesure de distribuer aux troupes une ration quotidienne du vin ou d'eau-de-vie. C'est un point très-important qui nous épargnera bien des maladies et sauvegardera nos effectifs.

D'autre part, les vêtements d'hiver nous arrivent, et déjà la capote à capuchon, le paletot en peau de mouton dominent dans nos camps.

Je puis vous assurer, monsieur le maréchal, que l'armée devient d'une rare solidité, et vous ne sauriez imaginer à quel point nos jeunes gens, tout à coup mûris par la grandeur de la lutte, deviennent vite de vieux soldats. Vous n'auriez pas vu sans un vif sentiment de satisfaction des ligues déployées rester calmes et immobiles sous un feu de canon que lord Raglan m'a déclaré être supérieur à celui qu'il avait entendu à Waterloo.

M. l'amiral Hamelin écrit au ministre de la marine qu'il vient de fournir à l'armée 55 nouvelles bouches à feu, dont la majeure partie proviendra du Henri IV. Il ajoute :

Lorsqu'on ouvrira le feu des nouvelles batteries contre la place, nous n'y compterons pas moins de 70 ou 80 bouches à feu servies par nos marins et dirigées par des officiers de marine, tant les uns et les autres ont grandi dans l'opinion de l'armée, comme artilleurs, depuis le commencement du siége.

Les arrivages de troupes ont licu presque journellement: avant-hier, c'était 3,000 hommes dont j'apprenais l'arrivée dans le Bosphore, à bord des navires à vapeur et des trois vaisseaux que Votre Excellence m'avait annoncés. Hier, un millier de ces soldats nous est arrivé à Kamiesh, et j'attends prochainement le reste par les frégates à vapeur que j'avais expédiées à Constantinople pour les y prendre.

Nous opérons journellement le sauvetage du Henri IV et du Pluton. Une partie des objets sauvés a été placée à bord de la frégate la Sirène, qui va les acheminer en France. Nous gardons le reste dans le port de Kamlesh pour aviser aux divers besoins de l'armée et aux nôtres.

Les assiégés lancent de temps en temps une énorme quantité de boulets et de bombes: on ne répond pas à ce feu. Etonnés de ce silence, les habitants de Sébastopol ont cru un moment que le siége allait être abandonné, et un soir l'on a remarqué dans la ville un grand nombre de fenêtres illuminées. Cette erreur a dû se dissiper devant les travaux de toute sorte que font les alliés, qui ne cessent de recevoir des renforts, et qui, selon toutes les correspondances, se préparent à prendre bientôt l'offensive et à frapper un coup vigoureux.

On dit que l'armée russe campée sur le Belbek est en proie à mille privations, et qu'elle est en outre décimée par le choléra, la dyssenterie et les fièvres. D'après le Courrier de Mar-. seille, le corps de Liprandi continue à rester en observation près de Balaclava; il fait ses préparatifs pour prendre ses quartiers d'hiver. Les Russes ont démoli plusieurs villages pour se servir des matériaux et se construire des barraques. Sur certains points, leurs avant-postes sont assez voisins des nôtres pour qu'on puisse se voir et s'entendre réciproquement.

Le fait de l'occupation d'une batterie russe par les Anglais s'est confirmé, et il est rapporté en ces termes dans une correspondance privée du Constitutionnel :

Aux abords de la place, sur les dernières extrémités où aboutissent les hauteurs occupées par les Anglais, du côté d'Inkerman, les tirailleurs russes, blottis dans des trous et dans les cavernes, fatiguaient depuis un certain temps nos travailleurs aux tranchées, en les enfilant par une fusillade assez bien dirigée. Il fallait les déloger de là. Mais l'entreprise était hardie; elle revenait, d'ailleurs, de droit aux Anglais, à raison de la position occupée par les tirailleurs ennemis. Aussitôt que la communication en a été donnée à lord Raglan, dans la nuit du 20 au 21, cent hommes de bonne volonté,

sous le commandement du capitaine Tryon, tous riflemen (carabiniers exercés), sont partis pour accomplir cette mission honorable, mais périlleuse, et ils sont partis, ces braves, comme s'il s'agissait d'aller manger un beefsteack. En moins d'une heure les Russes étaient tournés et évincés de leurs positions et de leurs trous qu'ils ont dû quitter avec une précipitation remarquable. Mais l'affaire n'était pas finie. Les Russes, plus nombreux et mieux avisés, revinrent à la charge. Une terrible colonne se rua trois fois sur les braves riflemen, et troi- fois ces cent braves repoussèrent l'attaque et se maintinrent dans la position conquise. Mais la victoire a coûté bien cher, non pas en hommes, ils en perdirent à peine dix, mais le capitaine Tryon était mort. Il paraît que cet officier, qui avait fait la guerre des Caffres avec la plus grande distinction, était un des premiers chasseurs des trois royaumes unis, et qu'à l'affaire du 5, à Inkermann, servi par deux chasseurs qui lui chargeaient deux carabines, il a tué un nombre incroyable de Russes. Lord Raglan a exprimé sur sa perte les plus vifs regrets, et sa belle mort et l'action de ses cent braves ont été mises à l'ordre du jour de notre armée par la plus généreuse initiative de notre général en chef.

Pendant l'ouragan du 14, l'ennemi a tenté une attaque contre Eupatoria avec 8,000 Cosaques et 6 pièces de canon; il a été victorieusement repoussé. Cette ville, destinée à jouer dans la guerre un rôle important, va recevoir de puissants renforts. Le Henri IV est resté debout sur la plage d'Eupatoria, et l'on compte sauver non-seulement son armement complet, mais encore toute sa cargaison.

Voici comment, de leur côté, les Russes présentent les derniers faits qui viennent de s'accomplir. Dans son numéro du 20 novembre (2 décembre) le Journal de Saint-Pétersbourg publie le bulletin suivant :

L'aide-de-camp général prince Mentschikoff rend compte, à la date du 12 (24) novembre, que le bombardement de Sébastopol continuait, mais très-faiblement, et ne nous faisait presque aucun mal. Le soir, lorsque nos sentinelles avancées annoncent que l'on entend travailler dans les tranchées de siége, le feu reprend une plus grande vivacité, tant dans nos batteries que dans celles des ennemis, toutefois pour peu de temps.

Pendant la nuit, les détachements de volontaires envoyés hors de la place gênent les approches du siége, qui, d'ailleurs, ne sont pas avancées le moins du monde. L'ennemi s'occupe toujours de fortifier sa position; de notre côté, la défense se renforce également de jour en jour.

Une vérification plus approfondie des pertes de la flotte ennemie pendant la tempête du 2114 a fait reconnaître que 44 navires ont été jetés à la côte et se sont échoués sur les bas-fonds, dans le voisinage de Sébastopol; 2 vaisseaux de ligne, 2 bateaux à vapeur et 13 autres navires divers près d'Eupatoria, et, en outre, plusieurs à Balaclava. Sur ce nombre, les uns ont été dépecés par nous, d'autres livrés aux flammes par nous ou par l'ennemi, et les autres se sont brisés. Une partie des vaisseaux naufragés étaient chargés de munitions, d'artillerie, de vivres et d'objets d'équipement; les équipages de quelques-uns d'entre eux n'ont pu réussir à se sauver et sont restés entre nos mains.

Pour soutenir la guerre, le gouvernement russe est obligé de

recourir aux moyens extrêmes. On en jugera par la lettre suivante adressée de Varsovie, 4 décembre, à la Gazette de Voss : - Le commandant en chef de l'armée du Sud a jugé utile, vu l'état de guerre et les fournitures qu'il exige, de soumettre à l'empereur un tarif d'après lequel seront payées les prestations pour l'armée en attelages et services personnels. Elles seront d'abord payées en bons qui, plus tard, seront échangés en argent comptant par les caisses publiques. L'empereur a approuvé cette mesure, en attendant que des mesures semblables soient prises pour toutes les provinces qui sont en état de siége. Les autorités civiles auront à donner leur avis sur les tarifs à établir. Cette mesure a été réalisée déjà pour les prestations en nature.

On écrit de Bucharest, 11 décembre.

Omer-Pacha est parti ce matin pour Varna, où l'on s'occupait activement d'embarquer le reste des dix-neuf bataillons turcs, dont une partie a déjà passé en Crimée. Le bateau à vapeur l'Europa, parti de Sébastopol le 7, annonce l'arrivée de quatre régiments et de nombreux renforts français. On observait un grand mouvement entre la ville et le côté nord de la baie. L'investissement de la place est presque complet. Les nouvelles pièces de siége apportées des flottes n'étaient pas encore en position.

Tous les journaux continuent leurs commentaires sur le traité autrichien. A ce sujet, la télégraphie privée nous transmet la dépêche suivante :

Vienne, dimanche 10 décembre. Voici quel serait le sens du principal article du traité d'alliance signé le 2 décembre entre l'Autriche et les puissances occidentales:

Si, à la fin de 1854, le rétablissement de la paix n'est pas assuré, le traité deviendra un traité d'alliance offensive et défensive.

On lit dans une correspondance de Dresde, adressée à la Nouvelle Gazette de Prusse:

Le traité stipule, en outre, un arrangement au sujet de l'occupation des Principautés danubiennes par les Autrichiens. Ces derniers sont tenus de ne pas s'opposer aux mouvements militaires des troupes de l'Angleterre, de la France et de la Porte. La Grande-Bretagne et la France ont pris l'obligation de conclure, aussitôt qu'une guerre éclaterait entre l'Autriche et la Russie, un traité d'alliance offensive et défensive avec la première de ces puissances. L'adhésion au traité en question est expressément laissée libre à la Prusse.

La Nouvelle Gazette de Prusse joint la note suivante à cette correspondance:

Si les communications qui précèdent sont exactes, la question principale sera de savoir de quelle manière les puissances occidentales veulent déroger au traité de 1841. Si l'on voulait raser les fortifications de Sébastopol et imposer à la Russie l'obligation de diminuer ses forces navales dans la mer Noire, il va sans dire que la Russie ne pourrait accepter de pareilles propositions.

Une dépêche de Berlin (10 décembre) annonce que l'armée prussienne va recevoir un important accroissement.

Alfred DES ESSARTS.

NOUVELLES ET FAITS DIVERS

La quatrième assemblée générale du clergé de Paris pour 1854, a lieu aujourd'hui dans la grande chapelle des catéchismes de l'église SaintRoch, à deux heures de l'après-midi. Elle est présidée par MM. les vicaires généraux du diocèse.

- Le comité-directeur du Bien public de Gand, voulant donner une extension plus grande à la presse catholique flamande, vient de commencer la publication d'un journal intitulé Het Vaderland, dont le premier numéro a paru le 8 décembre.

Het Vaderland paraît tous les jours, sauf le dimanche.

Un décret du 2 décembre ouvre, au ministre d'Etat, un crédit de 100,000 francs, applicable aux dépenses nécessaires pour recueillir, coordonner et publier la correspondance de Napoléon 1".

Le chargé d'affaires de France à Constantinople écrit au ministre des affaires étrangères, sous la date du 6 décembre :

« Le général de Montebello est arrivé hier au soir et part aujourd'hui pour la Crimée. La santé du prince Napoléon se rétablissant, S. A. I. compte partir sous peu de jours pour aller reprendre son commandement. » La télégraphie privée nous transmet la dépêche suivante :

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« Vienne, mardi 12 décembre.

« Le journal le Lloyd a été supprimé, probablement pour toujours, à cause des articles politiques qu'il a publiés samedi et dimanche derniers. » Comme nous l'avons annoncé, par suite de la démission de M. Angelo Galli, Sa Sainteté a nommé ministre des finances Mgr Joseph Ferrari. Sa Sainteté a nommé en même temps M. Jean Rusconi vice-président de la consulte d'Etat pour les finances, et Mgr Salvatore Nobili Vitelleschi membre de cette consulte. Enfin, elle a nommé ministre de la guerre (delli armi) M. le général Philippe Farina, qui était déjà ministre provisoire. (Journal de Rome.) -On écrit de Berlin à l'agence Havas que des lettres de Saint-Pétersbourg présentent l'état de l'Impératrice de Russie comme à peu près désespéré.

On écrit d'Ambazac au Courrier de Limoges :

« Quinze cents ouvriers environ du chantier de Nouailhas se sont réunis, lundi dernier, pour célébrer leurs fêtes patronales, Sainte-Barbe et SaintEloi. A six heures du matin, précédés d'un drapeau portant cette inscription Tranchéc de Nouailhas, Saint-Eloi et Sainte-Barbe réunis pour détruire les rochers de Nouailhas, ils se rendirent, dans le plus grand ordre, à l'église, où une grand'messe fut célébrée. Après la messe, on chanta l'absoute pour le repos des âmes des ouvriers morts pendant les travaux. »>

Il est vivement question de transformer l'ancien parc royal de Neuilly en villa, à l'instar du parc des ducs de Montmorency, d'Auteuil.

La vente des derniers lots de terrains plantés du parc de Neuilly ont été vendus cette semaine à des prix assez élevés. En moyenne, le mètre s'est vendu 5 fr. 63 c,; ce qui donne : 56,300 fr. l'hectare.

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La loi Grammont vient de rencontrer de puissants auxiliaires, qui eux rencontreront, il faut l'espérer, de nombreux imitateurs. Des écriteaux, peints à l'huile et en grosses lettres, ont été placés aux entrées de l'immense chantier des halles centrales. Ces écriteaux sont ainsi conçus:

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