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voulu, non pas l'égalité de tous devant les charges, mais un traitement uniforme pour tous ceux qui se trouvent dans les mêmes conditions, qui appartiennent aux mêmes catégories. Si l'établissement même de certaines catégories était interdit, la plupart de nos lois d'impôts seraient inconstitutionnelles. "

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ART. 9. Le droit de licence n'est pas compris dans le cens électoral.

Nous avons déjà dit que le droit de licence est exclusivement perçu au profit des communes. Nous avons justifié cette libéralité; ajoutons que cette disposition permettait, en outre, de ne pas faire compter la taxe nouvelle pour la formation du cens électoral.

Une loi du 1er décembre 1849, établissait un droit sur les débits de boissons; il était perçu au moyen d'un rôle et avait, par conséquent, la nature d'un impôt direct rentrant en ligne de compte pour la fixation du cens. Elle était à peine en vigueur que des inconvénients multiples, des réclamations de toute nature s'élevèrent de tous côtés. Une augmentation du nombre des cabarets était constatée. Le cabaretier payant une patente suffisante pour être porté sur les listes électorales, les partis politiques avaient là un moyen facile d'augmenter le nombre de leurs partisans (1).

La loi nouvelle ne peut engendrer les mêmes inconvénients. Le droit de licence a le caractère d'un impôt de consommation.

Le chef du cabinet, M. Beernaert, disait à ce sujet : "En ce qui concerne les licences, nous devions nous garder de créer de nouveaux électeurs et de donner ainsi aux débitants de boissons une place trop prépondérante dans le corps électoral.

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ART. 10. Est réputé débitant en détail quiconque donne à boire, vend ou livre des boissons spiritueuses

(1) De 1849 à 1869, en moins de dix-neuf ans, le nombre des cabarets avait augmenté d'environ 60,000. La consommation de l'alcool avait progressé dans la même proportion.

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par quantités de deux litres ou moins, dans tout lieu accessible au public, alors même que ces boissons seraient offertes gratuitement. Les débilants devront y laisser pénétrer, sans aucune résistance, les agents mentionnés à l'article 13 et représenter à toute réquisition de ceux-ci la quittance de leur licence.

La première partie de l'article définit le « débitant en détail. Est réputé tel, tout individu qui donne à boire des boissons spiritueuses, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux.

Il est indubitable que la loi n'est pas applicable au particulier servant chez lui, à ses convives, des boissons spiritueuses; mais du moment où il s'agit d'un lieu public, sous aucun prétexte, même de gratuité, on n'échappe à l'impôt.

L'article stipule ensuite que les débitants doivent en tout temps laisser pénétrer chez eux les fonctionnaires chargés de vérifier si toutes les prescriptions de la loi ont été observées.

Ainsi que le faisait remarquer la section centrale, il ne suffisait pas de mettre sous la surveillance des agents les lieux, les cabarets ouverts au public; à ce compte on n'aurait jamais pu constater l'existence de débits clandestins. La loi autorise les vérificateurs à pénétrer dans tout établissement ouvert au public et où ils soupçonnent que l'on vend des boissons alcooliques. Ils devront avoir accès dans toutes. les salles où peuvent pénétrer les consommateurs.

Suivant l'article 13, toutes les dispositions de la loi du 26 août 1822, modifiées par la loi du 6 avril 1843, relatives à la rédaction, l'affirmation, l'enregistrement des procès-verbaux, la foi due à ces actes, le mode de poursuites, la responsabilité, le droit de transiger et la répartition des amendes, sont applicables aux contraventions prévues par la présente loi.

Les articles 194 et 233 de la loi précitée sont modifiés, tous les fonctionnaires et employés publics y désignés, les bourgmestres, échevins, commissaires, commissaires adjoints de police sont dorénavant chargés de rechercher et de constater seuls les contraventions à la loi.

L'article 14 concerne la répression des contraventions à la loi sur la licence, il est conçu comme suit : « Les contra

ventions aux articles 4 et 10 sont passibles, indépendamment du droit fraudé, d'une amende égale au quintuple du montant du droit ou, en cas d'insolvabilité, d'un emprisonnement de huit jours à un mois.

"En cas de récidive dans le courant de trois années consécutives, les peines d'amende et d'emprisonnement sont doubles.

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Si dans la même période de temps une seconde récidive est constatée, le contrevenant encourra, indépendamment des pénalités mentionnées ci-dessus, un emprisonnement de deux à trois mois. "

Tout débitant qui n'a pas payé le droit de licence dans les conditions prévues à l'article 4, qui a refusé l'entrée de son établissement à l'un des agents mentionnés à l'article 13 ou qui n'a pas, à la demande de ceux-ci, voulu produire sa quittance, tombe sous l'application des peines édictées par l'article.

Ces peines sont sévères ; outre le payement du droit fraudé, le contrevenant est passible d'une amende s'élevant au quintuple du droit ou subsidiairement d'un emprisonnement de huit jours à un mois (1).

Il résulte de là que si le contrevenant est rangé dans la première classe, la somme totale à payer s'élèvera à 1,200 francs, 200 francs de droit et 1,000 francs d'amende.

La période pendant laquelle l'infraction est considérée comme récidive est fort longue, trois années consécutives. La section centrale avait proposé d'ajouter à l'article 14 un paragraphe conçu en ces termes : « L'article 85 du code pénal est applicable à l'infraction prévue au paragraphe précédent. Les circonstances atténuantes auraient donc été applicables en cas de première infraction.

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L'amendement fut rejeté. M. le ministre Beernaert fit remarquer qu'il était de droit commun, qu'en matière fiscale, les dispositions relatives aux circonstances atténuantes n'étaient pas utiles; que, du reste, cela était d'autant moins

(1) Le projet portait six jours à un mois; la peine fut majorée pour fixer la compétence.

nécessaire qu'en cette matière, l'administration possède le droit de transiger, droit dont elle use fréquemment (1).

L'article 15 porte que la population dont il est question à l'article 5 s'entend de la population de droit, telle qu'elle est constatée par le recensement décennal publié avant le 1er janvier.

Les diverses catégories fixées par l'article 5 reposent donc sur une donnée certaine; la vérification en est si facile, que l'on ne conçoit pas que des contestations puissent se produire à ce sujet.

L'article 16 et dernier, rend la loi obligatoire à dater du 1er janvier 1890.

Certainement, la loi sur l'ivresse publique de 1887 et celle sur les débits de boissons alcooliques n'amèneront pas immédiatement la solution complète du problème de l'alcoolisme. Ce n'est pas une question que l'on peut espérer résoudre d'emblée d'une manière définitive. Mais il est incontestable que la situation ira sans cesse en s'améliorant. Peu de cabarets s'ouvriront, beaucoup se fermeront par suite de décès, de faillite, de non-payement de la patente dont il est question à l'article 4 de la loi de 1889.

Au point de vue moral et matériel des classes laborieuses, on peut dire que les lois sur l'alcoolisme sont les plus importantes de toutes les lois sociales dues à l'initiative du cabinet présidé par M. Beernaert.

(1) Annales parl., Chambre des représentants, session 1888-1889, p. 1928.

Les livrets.

(Loi du 10 juillet 1883 concernant les livrets et portant abrogation de l'article 1781 du code civil.)

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La question des livrets ouvriers réclamait depuis longtemps une solution. Le grand nombre de lois et d'arrêtés réglant cette matière, leur rédaction défectueuse, les contradictions existant entre leurs divers articles faisaient naître à tout instant des contestations.

Le livret était obligatoire. Les ouvriers, les gens de service se plaignaient d'être mis par la loi dans une position inférieure; elle leur enlevait la liberté, les laissait à la merci des patrons, des maîtres.

Une disposition d'un arrêté du 22 germinal 2 floréal an XI défendait d'engager un ouvrier non muni d'un livret portant certificat d'acquit de ses engagements. Une autre disposition permettait au maître de refuser la restitution du livret avant que le travail ne fût entièrement terminé ou que l'ouvrier n'ait soldé entièrement ses dettes. Beaucoup de chefs d'industrie faisaient contracter des dettes par l'ouvrier et le tenait ainsi à leur service malgré sa volonté.

Le livret était donc une pièce que le travailleur devait fournir à son entrée en service, constatant l'accomplissement des diverses stipulations de son précédent engagement. Il fallait refuser le travail de l'ouvrier s'il n'en était pas muni. Le patron pouvait, toutefois, lui permettre de quitter

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