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la connaissance de l'infraction, qui est, du reste, relativement peu grave. Il y a eu ivresse, mais il n'en est résulté ni accident, ni décès.

Quant au point de savoir si l'article est applicable lorsque le commencement d'exécution a été troublé par un cas fortuit, par l'intervention de l'autorité, la réponse ne nous semble pas douteuse. La loi ne punit que lorsque l'ivresse est manifeste. Il eût été souvent et même généralement impossible de prouver que le fait se fût accompli, sans la circonstance qui a mis fin au pari.

Ni le projet du gouvernement, ni celui de la section centrale ne contenaient cette disposition; elle est née de la discussion générale.

ART. 12. Dans les cas prévus par les articles 3, 9 et 10, outre les peines comminées par ces articles, le tribunal pourra prononcer à charge des condamnés :

1° La déchéance du droit d'exercer les fonctions de juré, de tuteur et de conseil judiciaire, pour un terme de deux à cinq ans ;

2o L'interdiction d'exercer la profession de cabaretier ou débitant de boissons pendant un terme maximum de deux ans, sous peine d'une amende de 25 francs et d'un emprisonnement d'un à sept jours, pour chaque infraction à cette interdiction.

L'article s'applique d'abord à celui qui a été frappé d'une troisième condamnation pour ivresse manifeste, dans les conditions prévues à l'article 1er, ensuite à celui qui, pour la seconde fois, est condamné pour avoir fait boire jusqu'à l'ivresse un mineur âgé de moins de seize ans, et, enfin, au cas prévu par l'article 10, c'est-à-dire au fait d'avoir enivré intentionnellement une personne et d'avoir causé ainsi une maladie entraînant incapacité de travail ou la mort.

Le premier cas se justifie de lui-même; il serait déraisonnable, en effet, de laisser des fonctions aussi importantes entre les mains de personnes dont l'intelligence est obscurcie, atrophiée par l'abus de l'alcool. Quant aux fonctions de tuteur, on ne peut admettre qu'un ivrogne de profession puisse être chargé de l'éducation d'un jeune homme. L'alcoolique

rentre certainement dans la catégorie des individus que le code déclare exclus de la tutelle, et permet même de destituer pour inconduite notoire, s'ils sont en exercice (art. 144). Il en résulte que si le tuteur est en fonctions, il peut être destitué, s'il est frappé de l'une des peines prévues par les articles 3, 9 et 10.

La rédaction primitive du § 2 n'était pas identique à celle qui a été définitivement adoptée. L'article portait alors : « le retrait de la patente de cabaretier ». Ces mots furent remplacés par l'interdiction d'exercer la profession de cabaretier 99. On a mis ainsi la loi d'accord avec une loi précédente du 5 juillet 1871, supprimant la patente.

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ART. 13. Sera puni d'une amende de 5 à 25 francs, quiconque aura colporté ou vendu des boissons spiritueuses en dehors des cafés, cabarets ou débits de boissons.

En cas de récidive dans les six mois, l'amende sera portée au double.

Le colportage des boissons enivrantes offre des inconvénients multiples. Le nombre des cabarets est déjà trop élevé, le colportage les augmente à l'infini. Le colporteur n'est-il pas un cabaret mouvant qui suit l'ouvrier au travail, le soldat en route?

Voici ce que M. De Decker disait à ce propos, lors de la discussion de la loi à la Chambre des représentants :

«Par le colportage, on multiplie le cabaret à l'infini, on le met partout à côté du consommateur; c'est une invitation continuelle à la consommation.

"Ainsi, que voit-on à Anvers? On y voit les colporteurs ou colporteuses de liqueurs s'établir à côté même des navires. Les ouvriers travaillant en plein air, astreints à un labeur violent, sont naturellement portés à boire. Aussi les voit-on toutes les dix minutes boire un verre de liqueur que leur versent les colporteuses. C'est un régime détestable.

"Je suis persuadé qu'une grande partie des malheurs qui arrivent ne sont dus qu'à cette cause-là, par suite de l'état d'ivresse des ouvriers. Les colporteuses donnent crédit et ne font payer qu'au bout de la semaine... "

L'article présente donc une très grande importance et demande à être appliqué sévèrement.

Il est à remarquer qu'il ne peut être question de le rendre applicable à d'autres boissons qu'aux boissons spiritueuses. La rédaction primitive portait « boissons alcooliques ". sens de ces mots a été jugé trop peu précis; on eût pu, à la rigueur, y comprendre la bière.

". Le

On avait proposé la suppression radicale du colportage de boissons, sans distinction aucune. Cette disposition eût été draconienne, on aurait dépassé le but. En effet, ce n'est pas le colportage qui est odieux, mais certaines espèces de colportages, notamment celui des boissons spiritueuses. Il y a même des circonstances où le colportage de boissons rafraîchissantes, telles que la bière, le café, est nécessaire, pendant les manœuvres de troupes, par exemple.

Lors de la discussion, un membre posa la question de savoir s'il serait encore permis, désormais, de débiter des boissons enivrantes, telles que du vin de Champagne, des liqueurs fines, aux fêtes de bienfaisance, aux fancy-fairs. M. Devolder, ministre de la justice, répondit qne l'article ne pouvait être applicable à ces réunions philanthropiques. Elles sont autorisées par l'administration communale, qui a également le pouvoir de tolérer ou non la vente de ces boissons.

La section centrale avait ajouté à l'article un second paragraphe ainsi conçu : « Il est interdit, sous peine de la même amende, de colporter ou de servir des boissons enivrantes à toute vente aux enchères ayant lieu en plein air. »

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Elle motivait ainsi cette disposition : « Faire boire aux ventes est un moyen peu avouable employé souvent par les vendeurs. On ne peut pas absolument l'éviter aux ventes se faisant dans les cabarets. Quant aux ventes en plein air, les liqueurs se transportent le plus facilement, et ce sont elles surtout que l'on y sert. "

L'amendement fut rejeté. Il était inutile, le cas se trouvant suffisamment prévu dans les termes généraux de l'article.

En fait, il sera certainement bien difficile d'empêcher toujours le colportage. Toutes les personnes qui ont habité la campagne savent que, dans certaines ventes, les ventes d'arbres surtout, il est d'usage de donner un bon pour une cer

taine quantité de boisson; c'est là une coutume qu'il serait presque impossible de déraciner, quoique les inconvénients. qu'elle présente soient très réels pour les acheteurs. Dans certains cas, lorsque la vente se fait en plein air, on a coutume d'apporter des liqueurs à l'endroit où elle se tient.

Il n'y a ici que le contrôle de l'autorité communale, du bourgmestre, qui seul a le droit de délivrer une permission de vendre à tel jour, en tel endroit; elle est révocable en tout temps; elle le sera si des troubles se produisent.

Le colportage de spiritueux se fait également sur mer; de vrais cabarets flottants accompagnent les pêcheurs; c'est là un fait déplorable, un grand danger pour ces travailleurs pour lesquels l'ivresse est redoutable au plus haut point. Le législateur belge vient de porter une loi destinée à mettre fin à ce triste état de choses.

ART. 14. — Il est défendu, sous peine d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de 50 à 1,000 francs, de débiter dans les maisons de débauche des comestibles ou des boissons.

En cas de récidive dans le délai de six mois, la peine sera portée de deux mois à un an d'emprisonnement et de 1,000 à 5,000 francs d'amende.

Les administrations communales pourront interdire tous débits de boissons dans les maisons occupées : 1° par une ou plusieurs personnes notoirement livrées à la débauche; 2° par une ou plusieurs personnes condamnées du chef de corruption de mineur ou pour avoir tenu un établissement de prostitution clandestine.

Cette interdiction cessera de produire effet après un terme de deux ans, si elle n'est pas renouvelée.

Toute contravention à cette interdiction sera punie de 5 à 25 francs d'amende, et, en cas de récidive, de huit jours à un mois de prison et de 50 à 200 francs d'amende.

Cet article ne se trouvait ni dans le projet du gouvernement, ni dans celui de la section centrale. Il fut proposé par M. Woeste et amendé par M. Visart.

La discussion fut vive. Le ministre des finances, M. Beernaert, tout en ne contestant pas l'utilité, le bien-fondé de la disposition, aurait préféré la voir figurer dans une loi spéciale sur la matière. M. Woeste objecta que si tout le monde était d'accord sur l'utilité de la disposition, il ne voyait pas d'intérêt à ce qu'elle figurât plutôt dans une loi que dans une autre.

Sans entrer dans le fond de cette question, il faut reconnaître l'incontestable utilité de l'article. L'interdiction de la vente de boissons dans les maisons de débauche leur enlève la source principale de leurs bénéfices, met leur existence en péril et les empêche de se multiplier.

Le paragraphe 3 donne aux autorités communales le droit d'interdire tout débit de boissons dans les maisons habitées par des personnes mal famées, condamnées déjà pour corruption de mineurs ou prostitution clandestine.

L'interdiction dont il est parlé dans ce paragraphe ne peut être valable que pour deux ans; passé ce délai, elle cesse si elle n'a pas été renouvelée par l'autorité communale.

L'article 15 porte que le tribunal pourra ordonnner l'affichage du jugement de condamnation dans les cas

suivants :

1o A raison des infractions punies dans l'article 7, c'està-dire dans le cas de condamnation par récidive, pour avoir vendu des boissons enivrantes à des personnes manifestement ivres ou à des mineurs de moins de seize ans.

2o Lorsqu'on a enivré un mineur âgé de moins de seize ans. (Art. 8.)

3o En cas de récidive du cas précédent. (Art. 9.)

4° Lorsque l'ivresse aura entraîné incapacité de travail ou la mort. (Art. 10.)

Les frais d'affichage ne pourront jamais excéder 200 francs.

ART. 16. Le livre Ier du code pénal, sans exception du chapitre VII et de l'article 85, sera appliqué aux infractions ci-dessus.

Il fait disparaître tout doute sur le point de savoir si la loi générale reste applicable à notre matière.

Quant à l'article 85 du code pénal, sur lequel le législateur

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