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PRÉFACE.

Les questions sociales préoccupent au plus haut degré tous les gouvernements; on cherche à relever la position de l'ouvrier, à lui donner la place qui lui revient dans la société.

:

Notre pays marche à la tête du mouvement de nombreuses lois ouvrières sont votées, d'autres ne tarderont pas à être discutées.

Nous avons voulu, en groupant ces lois et les arrêtés royaux pris pour leur exécution, épargner à ceux qui auront à les appliquer des recherches longues et nombreuses.

Les explications succinctes qui accompagnent les diverses lois que nous examinons, ont pour base les travaux parlementaires, les rapports de la Commission du travail de 1886 et des associations scientifiques, et la législation étrangère.

Les idées développées dans notre travail ne sont pas nouvelles, nous avons simplement cherché à règler

l'application de la loi. Nous ne nous flattons pas non plus d'avoir résolu toutes les controverses qui naîtront de la législation ouvrière, elle est trop récente.

Le travailleur ignore les avantages que présentent pour lui les caisses de retraite, d'épargne, les sociétés de secours mutuels, les prérogatives que lui accordent les lois nouvelles. Les patrons devront avoir à cœur de les éclairer à ce sujet. Nous nous estimerons heureux, et notre tâche sera remplie, si notre travail contribue à cette vulgarisation.

INTRODUCTION.

La liberté du travail, décrétée il y a un siècle environ, a transformé le monde industriel; l'intelligence, l'ardeur des travailleurs se sont rapidement développées, la concurrence a créé des prodiges. Les nombreuses applications de la vapeur et de l'électricité, la locomotive qui supprime les distances, le télégraphe qui permet de transmettre au loin la pensée, attribuent au dix-neuvième siècle la première place dans l'histoire du progrès.

Mais cette concurrence, devenue si puissante de nos jours, cette activité fébrile, universelle, constituent un danger; la médaille, si brillante de face, a un revers bien sombre.

Un grand malaise règne dans la classe ouvrière. Les travailleurs végètent l'émigration, qui, dans certains pays, prend des proportions inquiétantes et l'augmentation constante des charges des établissements de bienfaisance en fournissent la preuve.

Les brusques innovations engendrent toujours des pertur

bations profondes. Les phénomènes sociaux qui se sont produits en 1791, apparaissent plus tard, lors de l'introduction des machines, et se reproduiront dans l'avenir, lors de l'application de toute grande découverte ou invention.

Les machines ont modifié complètement les formes et les conditions du travail; elles ont supprimé l'emploi de nombreux ouvriers qui, s'ils ont pu plus tard trouver à s'employer dans un autre métier, n'en sont pas moins restés longtemps inoccupés.

Les progrès de la mécanique ont produit des résultats merveilleux, mais ils laisseront une page affligeante dans les annales de la vie ouvrière. L'homme est devenu l'esclave de la machine, depuis que la division du travail a été poussée à l'excès. L'industrie manufacturière s'est développée d'une manière excessive; la production a dépassé la consommation, les entrepôts sont encombrés, et le travail a dû être interrompu en présence de stocks difficiles à écouler.

Pendant ces dernières années, les travailleurs se sont fixés en masse dans les grandes villes, se groupant dans certains quartiers, logeant dans des taudis, des bouges, dans ces horribles bâtiments nommés cités ouvrières. Ils ont quitté les champs où un salaire, quoique modeste, leur procurait une nourriture saine et une habitation spacieuse.

La loi de l'offre et de la demande a bientôt fait sentir sa puissance, l'abondance de bras a fait baisser le taux des salaires, la misère a atteint l'ouvrier, qui, grisé par les plaisirs des villes, n'a plus eu le courage de retourner aux champs.

Mais si l'on trouve dans ces circonstances quelques causes de la crise ouvrière, il en est d'autres qui ont leur source dans la manière de vivre, la conduite des ouvriers et les habitudes mauvaises qu'ils contractent.

Parmi celles-ci nous citerons en première ligne l'abus des

boissons alcooliques, qui constitue le plus terrible des maux pour les classes laborieuses, et oppose un obstacle presque absolu à l'amélioration de leur sort.

Le législateur a voulu mettre un frein à cette malheureuse passion; deux lois (1), fort bien conçues, ont été votées dans ce but. Elles comminent des peines sévères : la gravité du mal l'exigeait. Il fallait frapper sérieusement ces individus qui, perdant la notion du devoir et de la dignité humaine, se dégradent, s'exposent à commettre les actes les plus blâmables et mettent leur vie en péril sans en avoir conscience.

Une loi toute récente, ayant pour but de restreindre le nombre des cabarets par l'établissement d'un droit de licence, est appelée à produire les meilleurs résultats.

On a préconisé de nombreuses mesures pour enrayer les progrès constants de l'alcoolisme; aucune ne semble bien efficace, d'une manière générale du moins; il faudrait un traitement spécial pour chaque individu.

L'alcoolisme a-t-il sa source dans l'état de misère où se trouvent la plupart des ouvriers, ou, au contraire, cette habitude funeste est-elle la source de cet état misérable?

La question est controversée; mais il semble établi que si l'ouvrier avait un intérieur confortable, s'il n'avait pas sans cesse autour de lui des objets lui rappelant sa triste situation, il n'irait pas passer son temps dans des cabarets malsains. En restant au milieu des siens, il leur donnerait l'exemple de la bonne conduite et développerait en eux l'esprit de famille.

(1) Loi du 16 août 1887, concernant l'ivresse publique.

Loi du 19 août 1889, établissant une taxe sur les débits de boissons alcooliques.

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