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certain âge; il devient alors une charge pour les siens, une bouche de plus à nourrir. Grâce à la pension qu'il touchera, pension qu'il a constituée petit à petit pendant de longues années, il pourra suffire à ses besoins, peut-être même à ceux des personnes qui l'entourent.

L'homme ne peut se borner à prévoir les incapacités temporaires de travail, il doit songer à la vieillesse. Il ne peut oublier non plus que la mort peut le frapper à l'improviste et jeter dans la misère la famille dont il est l'unique soutien.

La Caisse d'épargne, les sociétés de secours mutuels sont impuissantes ici; il faut recourir à une institution plus vaste, spécialement organisée dans ce but, à la Caisse de Retraite.

La Caisse de retraite recueille les épargnes individuelles et emploie les procédés d'accumulation les plus propres à les rendre fécondes. Elle procure à ses affiliés le moyen de se constituer une rente à peu de frais, sans faire de grands sacrifices d'argent.

Prenons un exemple.

S'il s'agit de constituer une rente viagère de 1,200 francs, au profit d'un enfant, par des versements annuels, commencés depuis l'âge de dix ans et continués jusqu'à l'époque de l'entrée en jouissance que nous fixons à cinquante-huit ans, la somme à verser annuellement, si l'on fait réserve du capital, est de 136 fr. 49 c., soit 2 fr. 62 c. par semaine ou 36 centimes par jour. Cette somme peut être facilement épargnée.

Beaucoup de sociétés d'assurances donnent des pensions. plus élevées pour les mêmes versements, mais elles n'offrent certainement pas autant de garantie que la Caisse de retraite placée sous la tutelle de l'Etat.

Malgré les nombreux avantages résultant de l'affiliation à la Caisse de retraite, une sécurité absolue, une grande liberté dans les versements, la fixation du montant de la rente et de l'entrée en jouissance, elle n'a jamais obtenu qu'un médiocre succès. Ce peu de faveur dont elle jouit auprès des ouvriers a pour motif les considérations que voici :

D'abord, tandis qu'à la Caisse d'épargne on peut verser

des sommes minimes, les versements à faire à la Caisse de retraite étaient, jusque dans ces derniers temps (1), fort élevés, ils ne pouvaient, ainsi que nous le verrons, être inférieurs à 10 francs. Ensuite, l'argent une fois déposé ne peut plus être retiré. De là des craintes pour l'ouvrier, qui, par les temps de crise, n'est pas sûr du lendemain et qui pourrait se trouver alors dans cette pénible situation de savoir qu'il possède un capital sans pouvoir le consacrer à parer à son indigence momentanée. Enfin, pour se procurer une rente suffisante à des conditions peu onéreuses, il faut adopter le système du capital abandonné; les sommes à verser en cas de réserve du capital étant beaucoup plus considérables, bien peu de personnes entreront dans cette voie. On n'abandonne pas volontiers un capital, on ne peut le faire si l'on a des descendants.

L'institution doit cependant être fortement encouragée; les chefs d'industrie surtout devraient faire au profit de la Caisse de retraite une propagande incessante auprès de leurs ouvriers. Quelques industriels ont adopté ce principe. Au début, ils ont, du consentement de l'ouvrier, prélevé chaque semaine une certaine somme sur le salaire; aujourd'hui, par la volonté même de leurs ouvriers, ils ont pu rendre obligatoire la participation à la Caisse.

M. Joseph Vercauteren (2), employé dans une des plus importantes imprimeries gantoises, a publié une fort intéressante brochure sur la nécessité de l'affiliation des travailleurs à la Caisse de retraite de l'Etat. Il préconise la création, dans chaque fabrique, de sociétés ayant pour but de faciliter cette participation.

Les ouvriers, les sociétés de secours mutuels devraient également prendre cette initiative et fonder de pareilles associations.

La Caisse de retraite a été instituée par une loi du 10 mai 1850; cette loi fut revisée en 1865; la Caisse

(1) Un arrêté royal du 26 novembre 1889 a abaissé à 1 franc le minimum des versements à la Caisse de retraite.

(2) Affiliation des ouvriers à la Caisse de retraite de l'État. Gand, Hoste, éditeur. 1888.

d'épargne fut à cette époque réunie à la Caisse de retraite. Ces deux institutions n'en forment en réalité qu'une seule, placée sous l'autorité du même directeur général et des mêmes conseils. Nous avons déjà expliqué leurs fonctions respectives en parlant de la Caisse d'épargne.

L'article 40, le premier de la seconde partie de la loi de 1865, est conçu en ces termes :

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66

Toute personne âgée de dix-huit ans au moins est. admise à faire des versements à la Caisse de retraite, soit pour son compte, soit au nom de tiers. Aucun verse❝ment n'est reçu en faveur de personnes âgées de moins "de dix ans.

66

« Les versements peuvent s'effectuer chez les receveurs "des contributions ou aux Caisses d'épargne.

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L'article fixe d'abord l'âge auquel une personne est admise à faire des versements à la Caisse; cet âge est de dix-huit ans. Il ajoute ensuite que ces versements peuvent être faits, soit pour le compte personnel du déposant, soit en faveur d'un tiers. Il s'ensuit donc, qu'une personne désirant assurer une pension à un tiers et le mettre à l'abri de la misère pendant sa vieillesse, trouvera ici un excellent moyen de réaliser cette intention.

M. le chanoine Henry, dans une note (1) relative aux améliorations que l'on pourrait apporter à l'organisation de la Caisse de retraite, fait remarquer avec beaucoup de raison que la limite d'âge devrait être étendue autant que possible; les enfants devraient pouvoir être affiliés, pourvu toutefois qu'il n'y ait pas opposition formelle du père ou du tuteur.

Les versements à la Caisse de retraite peuvent se faire dans tous les bureaux ouverts pour la Caisse d'épargne et de plus chez tous les receveurs des contributions directes, ceux de Bruxelles exceptés; il y aurait dans ce cas double emploi, par suite de la présence en cette ville du siège principal de l'institution.

La loi de 1865 fixait le minimum des versements à dix

(1) Note présentée à la Commission du travail de 1886.

francs. Cette somme était trop élevée; on peut difficilement se représenter ce qu'il faut de peine, de travail à l'ouvrier pour la rassembler, combien il lui est difficile de s'en dessaisir en une seule fois. Le minimum devait être abaissé (1); il a été réduit à un franc par un arrêté royal daté du 26 novembre 1889. Cette réduction s'imposait, ne fût-ce qu'à titre d'essai. Une institution comme la Caisse de retraite ne doit jamais croire que son organisation est irréprochable. Son but est d'améliorer la position des classes laborieuses; elle doit faire tous les sacrifices pour l'atteindre, elle doit se montrer à la hauteur de sa mission.

La disposition nouvelle est très favorable aux déposants; les versements pourront être plus nombreux, et forcément la rente sera plus élevée. En effet, un déposant épargnant un franc par mois, ne pouvait précédemment opérer un versement qu'après dix mois. Ce même affilié pourra aujourd'hui déposer un franc chaque mois, franc qui portera intérêt dès ce moment, alors que sous l'ancien régime il restait improductif pendant neuf mois. Il est vrai que l'on eût pu le déposer à la Caisse d'épargne, mais ce dépôt entraîne une perte de temps, heureusement évitée par l'arrêté nouveau.

Toute personne peut acquérir une rente, le regnicole aussi bien que l'étranger; ce principe est du reste admis à titre de réciprocité par les autres pays. Il serait contraire aux intérêts de la Caisse d'éloigner certaines catégories de personnes, l'idéal à atteindre étant d'avoir de nombreux capitaux, afin de pouvoir les placer d'une manière plus avantageuse.

Lorsqu'une somme déposée est insuffisante pour obtenir une rente aux conditions demandées et au profit de la personne désignée, le capital n'est pas perdu, il est placé à la Caisse d'épargne. Ce dépôt est fait d'office; la somme peut être réclamée en tout temps par le déposant, les intérêts lui sont bonifiés.

(1) A la Caisse de retraite française on admet les versements à partir de 5 francs.

Les rentes peuvent, aux termes de l'article 42, être immédiates ou différées.

L'article 43 indique de quelle manière les rentes peuvent être constituées. Elles peuvent l'être avec capital réservé (1) ou capital abandonné. Dans le premier cas, le déposant peut stipuler que la somme versée sera restituée après sa mort entre les mains de telle ou telle personne, de son conjoint survivant, de ses héritiers, etc.

Il est certain que la rente sera beaucoup plus élevée si le capital est abandonné, la différence est considérable; il suffit de parcourir les tarifs pour s'en convaincre.

Ainsi, en versant 10 francs sous réserve de remboursement du capital au profit d'une personne âgée de dix ans, on trouve qu'elle n'obtiendrait à soixante ans qu'une rente de 5 fr. 54 c., tandis que si le capital était abandonné, la rente s'élèverait à 8 fr. 16 c.

Il y a avantage à adopter le système de l'abandon du capital, lorsque le crédirentier n'envisage que sa propre situation, ce qu'il est en droit de faire, s'il ne laisse pas de descendants; il ne pourrait convenablement agir de la sorte s'il avait femme et enfants.

Lorsque l'on veut se constituer une rente, il faut, au moment du premier versement, indiquer lequel des deux systèmes l'on adopte, ainsi que l'âge auquel on désire entrer en jouissance de la rente.

Le capital réservé est remboursé aux ayants droit après le décès du rentier. Cependant la somme intégrale n'est pas restituée; en compensation des frais d'administration, elle est réduite de 3 p. c.

Nous avons vu que l'on peut constituer une rente sur la tête d'un tiers. Dans ce cas encore, il faut choisir entre la constitution à capital réservé ou abandonné.

Lorsque le donateur fait réserve du capital, il peut en régler d'avance l'emploi, spécifier qu'il fera retour à son profit ou à celui de ses héritiers, stipuler qu'il appartiendra aux héritiers ou ayants droit du donataire.

(1) La loi de 1850 n'admettait pas la réserve du capital.

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